Tenter d'appaiser les coeurs - Coup de Foudre - end

La longue discussion avec Dame des Coeurs a occupé une grande partie de la journée de Louve des Bois. Ne voulant pas paraître flemmarde aux yeux de ses camarades, elle décide - après avoir laissé la guerrière - de partir chasser en compagnie d'une poignée de guerrier : Phoque Rouge, Bois Fleuri et Racine Claire. Si elle ramène des proies et de quoi nourrir les anciens, cela pourrait être intéressant. La guerrière laisse son flair la diriger vers un bosquet qui frémit. Elle ronronne, se délectant déjà de la proie qui va lui tomber entre les pattes. Elle se met en position de chasse et s'apprête à bondir lorsque le mulot la repère se cavale dans la direction opposée à la femelle tigrée. C'est sans compter sur l'intervention de Racine Claire qui nargue la guerrière en attrapant sa proie enfuie. Louve des Bois ronchonne et tourne les talons. Le Clan entier va être au courant de ce loupé maintenant. Pourquoi a-t-il fallu que Racine Claire me suive à la trace ? Elle jette un regard par-dessus son épaule pour s'assurer que le guerrier ne l'a pas suivi une nouvelle fois avant de taper de la patte sur le sol.

L'esprit embrumée par ce qu'elle a appris toute la matinée, Louve des Bois rentre au camp bredouille. Sa partie de chasse n'a donc pas eu de réel intérêt. Humiliée, elle se glisse discrètement dans la tanière des guerriers. La jeune est très agacée par son absence totale de productivité aujourd'hui. Demain est un nouveau jour. Elle tourne quelques fois sur elle même avant de se rouler en boucle dans son nid de mousse, ramenant sa queue sous son museau. Elle sombre dans un sommeil profond.

Réveillé par une dispute dans la tanière, Louve des Bois se lève de mauvais poil. Elle gronde sur les deux guerriers qui se chamaillent. Encore une histoire d'amourette. Le soleil extérieur vient rapidement réchauffer sa pelisse qu'elle s'empresse de nettoyer. Elle s'étire et se dirige vers le tas de gibier, sans prêter attention à ce qui se trouve autour d'elle. Elle se penche tant bien que mal pour attraper une maigre souris et quand elle relève la tête, elle reconnaît bien vite l'odeur et la silhouette de Coup de Foudre.

« - Ah. Encore en vie ? laisse-t-elle échapper. »

Elle remarque qu'elle a pensé à voix haute. Zut. J'ai pas vraiment besoin de ça aujourd'hui..

Compter le nombre de proies dans la pile n'a rien à voir à grimper dans les branches ou sortir du territoire et rencontrer d'autres chats. C'est long, c'est ennuyeux, on ne s'amuse pas, mais c'est nécessaire. Sans parler que les chiffres et les nombres lui ont toujours été d'un maigre confort - bien sûr, la masse du gibier compte pour beaucoup, par exemple un écureuil adulte d'à peu-près leur taille nourrit davantage que toutes les souris qu'ils peuvent débusquer, au même titre que certains oiseaux, comme les corbeaux, qui--

— « Ah. Ses pupilles se réduisirent en fente dans ses yeux. Encore en vie ?

À ses côtés son reflet le toisait, comme toujours -- non.

Coup de Foudre réémergea à la surface.

Ses pupilles se dilatèrent juste assez pour permettre à la lumière de bafouer l'illusion cognitive et rendre nette l'image: ce n'était pas un reflet, seulement sa fille, Louve des Bois, arborant de longues marbrures sur un poil charcoal, comme le sien. Un peu penaud, Coup de Foudre pencha sa tête, ses mots lui échappant avant qu'il n'ait le temps de minutieusement les choisir.

— Mm?   Tu souhaitais le contraire?

Zut - le prix de miroiter leurs émotions aux autres. Trop tard pour sauver la mise, il se laissa suivre ce nouveau courant de pensée. L'organisation d'un coup? Une tentative d'empoisonnement ratée? Il connaissait si peu Louve que la penser embobinée à une bande de zélés des Étoiles ne lui aurait pas fait battre un cil.

Tant mieux pour elle, non?

— Désolé de te décevoir ♡ »

C'aurait pu être sincère s'il ne les décevait pas tout le temps, et s'il n'avait pas tout le temps conscience de le faire.

Louve des Bois redoute depuis bien des lunes la confrontation avec son père. La ressemblance physique qu'elle partage avec son géniteur l'a toujours perturbé, être le reflet de quelqu'un de complètement absent n'est pas une chose facile. La guerrière n'avait pas vraiment envie de discuter avec lui aujourd'hui. Encore agacée de la veille, elle comptait bien rattraper ce dont elle n'avait pas été capable. Le chef incline légèrement la tête et échappe quelques mots :

« -Mm ? Tu souhaitais le contraire ? »

Comment peut-il penser ça ? Il a beau ne pas être présent pour moi, il reste mon père. L'idée que son père pense, ne serait-ce qu'un instant, qu'elle serait capable de lui souhaiter la mort lui donne la nausée. Bien que les deux ne soient pas complices et ne se cotoient pas, ce n'est pas pourquoi autant qu'ils se détestent. Elle se tend et ses griffes se plantent dans le sol.

« - Désolé de te décevoir ♡ roucoule-t-il comme il en a l'habitude. »

Désolé ? Elle soupire. Si son père ne la décevait pas à chaque moment de sa vie, elle aurait accepté cette vulgaire excuse sans peine et sans rechigner mais ce n'était pas le cas. Louve des Bois étant très rancunière, il paraît compliqué qu'une simple excuse mielleuse de son géniteur suffise à panser les plaies.

« - Je ne t'ai jamais souhaité la mort. Bien que tu déçoives tout le monde ici, tu restes mon père. siffle-t-elle »

La jeune guerrière se braque complètement. ELle s'assied en face de lui et prend soin de remettre les poils de son poitrail qui ont déjà tendance à se dresser. Visiblement, une discussion houleuse est sur le point d'être échangé à proximité du tas de gibier du Clan du Tonnerre.

C'était peut-être trop facile, de provoquer Louve de la sorte, car même s'il obtint d'elle un soupir, suivi d'un froncement des sourcils (une indication indéniable qu'il l'avait contrariée), Coup de Foudre n'en tira aucune satisfaction.

— « Je ne t'ai jamais souhaité la mort. Elle lui dit, la voix serrée de reproche. Bien que tu déçoives tout le monde ici, tu restes mon père.

Louve des Bois s'était ensuite assise pour veiller à redescendre ses poils qui s'étaient soulevés entre temps. Coup de Foudre piétina par deux fois l'herbe et la terre sous ses postérieurs - la première car il se disposait pour l'imiter et s'asseoir avec elle, la seconde pour plutôt se raviser et se forcer à rester debout. Il étira ses jarrets derrière lui, l'élancement lui permettant de rester dans la réalité, loin des chiffres et des nombres et de toute autre abstraction de ses pensées.

— ... Oui.  Le tien, et celui de deux autres portées.

Je suis celui de Coup de Chaleur mais ça ne l'empêche pas de me cracher dessus ou d'encourager Brisé à l'imiter.

Ce ne devait pas vraiment être la confrontation à laquelle s'attendait Louve des Bois. Elle manquait de, de ton qui se hausse, de griffes qui volent, de sanglots - bref d'émotion, son adversaire (?) ressassant les faits avec l'exactitude d'un guérisseur extirpant leurs biles aux souris. D'ailleurs - il redonna à la pile de proies son attention, y mettant la patte pour en retourner quelques unes. Qui sait si quelques plus petits gibiers n'étaient pas passés inaperçus, parmis les plus gros?

— C'est à toi de choisir ce que ce titre signifie, non? Tu peux penser ce que tu veux. »

Pas de "je ne t'en voudrais pas", mais pas de "ça m'est égal", non plus. Peut-être son impartialité était une conséquence de sa concentration, car il tiqua de la langue: c'est à deux pattes qu'il dut pousser un corbeau dans lequel on avait déjà mis quelques coups de dents, devinant, sous ses plumes, la présence de deux souris (ou quelque autre rongeur de la même taille). Il plongea le nez et les moustaches dans le tas de carcasses tièdes-froides pour attrapper l'une et l'autre avec les dents, se débattant de la tête en tentant de les déloger.

...C'est ce qui l'avait toujours embêté, dans la pile - souvent les proies en dessous se retrouvaient écrasées par celles du dessus, et on finissait par les oublier.

La guerrière n'a pas envie de jouer la provocation. Cela fait trop de lunes que son père et elles s'esquivent. Elle a besoin de mettre les points sur les i. Il faut que les choses bougent et que les deux se disent ce qu'ils ont sur le coeur.

« -... Oui. Le tien, et celui de deux autres portées.

Je suis celui de Coup de Chaleur mais ça ne l'empêche pas de me cracher dessus ou d'encourager Brisé à l'imiter. »

Serais-ce une once de déception que j'entends là ? Coup de Foudre serait-il touché par le fait que Coup de Chaleur s'émancipe de lui et tente d'entraîner Coeur Brisé à en faire de même ? L'attention du bengale se détache complètement de Louve des Bois et se focalise à nouveau sur le tas de gibier.

« - C'est à toi de choisir ce que ce titre signifie, non ? Tu peux penser ce que tu veux. »

Le mâle plonge sa tête dans le tas de gibier pour y chercher une proie. A partager ? On verra bien ce qu'il propose. Il est vrai que le rôle de père est assez subjectif, chacun en porte la définition qu'il veut. Ceci étant dit, je doute que Coup de Foudre ait la même définition du rôle parentale que tous. Louve des Bois essaye de savoir où est-ce que son père veut en venir. Alors qu'il a toujours la tête dans le tas de gibier, la guerrière ne perd pas une seconde avant de lui répondre :

« - Tu as raison. Tu veux connaître mon avis sur ce titre autour d'une proie ? »

Ou bien tu t'en fous comme tout ce qui ne concerne pas tes intérêts personnels ? se retient-elle d'ajouter. La guerrière serre les dents. Elle tend la patte à son père et elle espère qu'il va la saisir. Faire ce premier pas lui coûte beaucoup et si son père refuse, elle ne le refera pas de si tôt. Allez. Déconne pas pour une fois, accepte cette invitation.

Pourquoi - a-t-il fallu - qu'il s'agisse - d'un corbeau.

Ou plutôt la question qu'il aurait du se poser était pourquoi il avait tant insisté à chercher des proies plus vieilles? - somme toute, choisir les meilleures était plus sensé, pourquoi perdre son temps et son énergie à creuser quand il y avait mieux, et surtout à portée de dents?

Une patte coincée sous tout le plumage, l'autre cherchant un appui quelque part entre les carcasses dessous et la tête plongée dans la pile, on ne devina sa détresse que par son dos qui se rondit en arc, piétinant des postérieurs et claquant l'air de sa queue en cherchant à s'arc-bouter pour se donner plus de force pour sortir.

— « Tu as raison. De plonger? Le bengal tapa sa queue en l'envoyant à ses jarrets, et toute une ligne se tendit dans ses flancs, faisant se mouver en vague les marbrures dans son poil. Un grommellement frustré lui échappa. Tu veux connaître mon avis sur ce titre autour d'une proie ?

— « M-hm, il acquiesça à sa fille, quoique le son de sa voix était étouffé par le poids lui pesant la tête. Il la dodelina à nouveau, la queue d'un gibier lui piquant une narine. Nc_kf-- sa queue tapa Louve des Bois sur l'épaule par accident, mais sa situation lui empêchait de serrer trop les dents (auquel cas il couperait sa patte au rongeur qu'il tenait et il perdrait sa prise dans ces méandres de chair, poils, moustaches, plumes et viscères).

— ... Est-ce que ça a besoin d'être une seule. »

L'interaction entre Louve des Bois et Coup de Foudre est toute nouvelle pour la guerrière. Cela fait maintenant des lunes qu'elle rêve de passer un moment comme celui-ci en compagnie de son géniteur. Ce moment approche et la jeune angoisse de plus en plus. Mais c'est mon père. Je ne devrais pas. Comme quoi, l'absence laisse tout de même quelques séquelles. La proposition de la guerrière ne semble pas déplaire à son père qui acquiesce en barbotant quelque chose tandis que sa proie en gueule bouge en même temps que ses mots. La queue de son père frôle son épaule lorsque celui-ci se pique le nez. La guerrière recule d'un pas, gênée, puis lâche un faible sourire.

« - ... Est-ce que ça a besoin d'être une seule. »

La guerrière fronce le nez et se concentre. Son père est toujours caché par les proies du tas. Vis à vis des autres membres du Clan, une seule serait plus respectable. Elle ne comprend d'abord pas que Coup de Foudre vient de lui faire une blague. Il a insisté sur le une seule … Je. Ah. Je l'ai. La guerrière ronronne et s'illumine, toute contente d'avoir compris une simple blague de son père toujours masqué par l'énorme corbeau.

« - Va pour plusieurs. Un gros matou comme toi ne peut se cacher derrière un simple corbeau. Sans vouloir te vexer. »

Grince-t-elle. Et si j'essayais d'entrer dans son propre jeu ? Au final, il me provoque dès que possible mais c'est sa manière de communiquer. Et si depuis tout ce temps c'était à moi de m'adapter et non pas à moi d'attendre que lui s'adapte ? Ces questions paraissent bêtes mais font l'effet d'un électrochoc à la guerrière. Peut être que j'en attendais trop de lui et que de mon côté je n'en donnais pas assez. Elle secoue la tête pour se sortir de ses pensées. Reste sur le moment présent. Profite. Te pose pas de question tête de linotte. Louve des Bois se penche au dessus du tas de gibier et demande à son père :

« - Tu veux que je t'enlève ça peut être ? »

Et sans attendre sa réponse, elle saisit le corbeau, libérant ainsi le visage de Coup de Foudre.

— Va pour plusieurs. Que Louve des Bois accepte son invitation de rester au tas de proie faute de pouvoir s'en sortir lui arracha un sourire, mais ne le tira pas de sa situation. Un gros matou comme toi ne peut se cacher derrière un simple corbeau. Sans vouloir te vexer.

« Qui a parlé de se cacher? » grommela le bengal en aiguisant juste un peu son sourire, tapant à nouveau de la queue au sol avant de faire le grand dos: en vain. Il y avait une raison qui rendait rares les corbeaux dans le tas de proies. D'abord, ils étaient intelligents. Puis ils étaient forts. Ils pouvaient voler, bien sûr, mais surtout ils étaient aussi grand que lui et lui-même était grand - même en tentant de s'ébrouer, la dépouille tint bon et Coup de Foudre sentit ses pattes s'enliser davantage entre les proies qui constituaient la pile. Tout ça pour deux souris! Tout ça pour leur donner un peu d'attention, les sortir de l'ombre, les mettre en lumière, les rendre intéressantes versus tout ce que pouvait offrir un satané corbeau.

Alors quoi, il abandonnait? "C'était pas faute d'avoir essayé" ? "Ci-gît Coup de Foudre, tué sous le poids de sa générosité". ...Correction: de sa connerie (et son sourire se radoucit en se rappelant les mots de feue sa vieille amie, Vipère Audacieuse). Il pointa des oreilles - j'entend par-là qu'il eut l'espace de les pointer, car au-dessus, un rayon de soleil perça au travers de la masse de plumes iridescentes qu'on écarta à deux pattes.

— « Tu veux que je t'enlève ça peut être ?

La joue applatie sur des monts de souris et de campagnols et de grives, blotti dans la fourrure de la queue d'une dépouille d'écureuil, Coup de Foudre tourna à peine sa tête pour échanger un regard avec sa fille, puis arqua l'échine, cherchant un nouvel appui des pattes, roulant des épaules en défléchissant les coudes pour tenter d'en dépêtrer au moins une avant de l'allonger sur la surface inégale et faire mine de s'étirer, constatant tristement que cet amas de plumes et de fourrure était tout de suite plus confortable que les branches dans l'arbre où il dormait désormais.

... Plus chaud, surtout.

— « Oh, tiens, Louve, te revoilà, il feint de prendre ses aises, se trémoussant la tête et le museau. J'étais tellement confortable que je n'ai même pas remarqué que tu étais partie!

À tâtons, il chercha un appui sur la pile, se ravisant à chaque fois qu'il sentait les fondations fébriles - ici sur une grive, là sur une souris, il tapota le ventre de l'écureuil, une proie plus large, avant d'y verser son poids et de lever plus haut la tête, et révéler à Louve ce qu'il tenait entre les dents:

Une souris?

Ou du moins quelque chose qui y ressemblait, sous les moustaches. Deux rongeurs un peu applatis, un qui tenait précairement par la queue, et l'autre par à peine plus que la patte arrière, sous la molaire.

D'un oeil extérieur, cette scène est bien amusante. Louve des Bois libère son père du corbeau mais celui-ci reste encore coincés par bon nombre d'autres proies. La guerrière se met à rire, nerveusement, incapable de retenir cette moquerie tournée contre son propre père. Il faut dire que la posture du vétéran ne le met pas vraiment en valeur. A force de se débattre, la tête de Coup de Foudre redevient visible et il siffle :

« - Oh, tiens, Louve, te revoilà. J'étais tellement confortable que je n'ai même pas remarqué que tu étais partie ! »

La guerrière ronronne, amusée de cette situation. Si seulement toutes les journées pouvaient être comme celle-ci. Elle ne se fait pas de fausses idées. Louve des Bois sait bien qu'elle n'est pas totalement d'accord avec la politique de son père et cela ne cesse de générer des conflits entre eux. Coup de Foudre continue de jouer des pattes, de la tête, des épaules pour tenter de se sortir du tas. Cela va durer combien de temps ? Comme s'il lisait dans ses pensées, sa tête apparaît, une souris en bouche. Avec un air hébété, il demande :

« - Une souris ? »

Elle plisse les yeux et tend la truffe pour sentir le fumet de cette souris. Il est si léger que la guerrière devine bien que cela fait plusieurs jours que celle-ci est entrain de sécher sur le tas. Instinctivement, elle grince des dents avant de simplement hocher la tête :

« - Parfait. Il n'a jamais fallu être exigeant dans le Clan du Tonnerre après tout. C'est un peu … chacun pour soi. »

Sans même s'en rendre compte, la guerrière attaque une nouvelle fois la politique de son père. La discussion commençait très bien. J'espère que cela ne va pas lancer un débat de sourds … Peut être va-t-il m'écouter pour une fois ? La guerrière se laisse glisser sur le ventre et s'allonge, pas très loin du tas, fixant toujours son géniteur dans les yeux.

— Parfait, et la transaction fut acceptée. Louve accepta la souris sans broncher, départant son père d'une prise en lui donnant la chance de se concentrer à ne pas échapper la seconde. Bien qu'il avait réussi à lever la tête, il doutait pouvoir se hisser sur les quatre pattes - la pile forçait son dos en pente et bien que ses postérieurs étaient stables tout l'avant de son corps risquait de s'empêtrer dans les interstices de la pile.

— Il n'a jamais fallu être exigeant dans le Clan du Tonnerre après tout. C'est un peu … chacun pour soi.

— Vraiment?

La présente situation me fait plutôt penser le contraire, tu ne crois pas? »

Qu'y avait-il de plus solidaire que tout un tas de proies rassemblées en pile, chassés par chacun un membre du Clan? Si le Clan était vraiment "chacun pour soi" la pile serait vide; les guerriers ne chasseraient que pour eux sans se soucier de partager. Il y avait aussi que tous chasser pour soi était imprudent (une chose qu'on lui reprochait), car qui disait tout le monde chasser disait personne pour garder le campement, personne pour surveiller les frontières, personne pour s'occuper des chatons ou des aînés... Si c'était vraiment chacun pour soi, Louve l'aurait laissé suffoquer sous le corbeau.

Peut-être qu'elle "ne lui avait jamais souhaité la mort", il n'ignorait pas les mauvaises langues qui souhaitaient régulièrement son malheur, ou plus précisément qu'il lui arrive un malheureux accident. Pas de chance pour eux: la tête à l'air libre, appuyé sur le coude, l'autre patte ensevelie, Coup de Foudre profita de sa nouvelle liberté pour piétiner des postérieurs en réajustant sa position, et d'un coup de croupe, taper de la queue et la faire pivoter avec l'échine. La torsion fit se déloger la patte (Victoire!) mais le déséquilibre l'envoya rouler en bas de la pile, tôt suivi par des dépouilles de petit gibier.

Aussi les quatre fers en l'air et sur le dos, Coup de Foudre ouvrit sa bouche pour verbaliser sa victoire qu'un gros écureuil s'applatit sur son nez, puis toute une farandole de grives et de campagnols. Encore heureux - sous poils et plumes il cachait sa brimade, ne se trahissant que par le rebond de ses épaules et son ventre, et le souffle, plutôt que le son, d'un rire.

— « Tu disais?...