Big balls small brain ft. Étoile Feulante - end

Ce matin, le Camp est drôlement calme. En tous cas, assurément trop pour Petit Croc qui commence sérieusement à s'ennuyer.
Posté au milieu de la Place aux Aiguilles en espérant être bientôt rejoint par son frère ou sa sœur, le voilà qui peine à se montrer patient. C'est toujours comme ça ! Il faut toujours attendre les deux mollassons qui lui servent de fratrie ! D'ordinaire, il se replie sur son cousin Nuage Épineux pour l'occuper mais il semble que le bicolore a quitté le Camp plus tôt, aujourd'hui.

Pour patienter, le mâle au duvet hirsute mâchouille une aiguille de pin à l'aide de ses prémolaires dont l'une commence à gigoter un peu, signe qu'elle tombera bientôt. Puis se roulant dans la poussière de la clairière, le chaton s'occupe en lançant une aguille à l'aide de ses pattes avant de tenter de la saisir à nouveau dans sa chute. Bref, Petit Croc s'ennuie et chahute un peu seul.

Quand soudain, allongé sur le dos, ses yeux glissent jusqu'au pin du chef. Celui où, bien niché dans son trou, Étoile Feulante se repose. Et si… ?

Et s'il repartait en mission de zespionnage, comme avec Nuage Épineux ?!

Fort de sa soudaine idée de jeu, Petit Croc roule et se redresse en un clignement de paupières. Et sans même piailler d'excitation -et c'est très rare- il galope aussi maladroitement qu'un chaton de son âge jusqu'au fameux pin. De là, il bondit et s'agrippe à l'aide de ses petites griffes au bord de la première branche. Il se hisse avec grande peine et poursuit son ascension avec plus de facilité; les branches se succédant toutes à la façon d'un escalier.

Une fois arrivé au creux où habite son chef, Petit Croc sent son ventre se nouer. Il regarde en bas, quelque peu apeuré. Monter si haut, espionner le grande t féroce Étoile Feulante... En voilà une bien belle bêtise. Mais Petit Croc n'est pas une boule de poils ordinaire; il n'est qu'ego et pour se prouver qu'il n'a peur de rien ni personne, il rentre dans le creux et annonce alors :

« Bah même que j'ai pas peur! »

Pas peur. Pas peur de tomber. Pas peur de mourir. Pas peur d'Étoile Feulante.

Ses petites pattes tremblant sous le duvet noir, le chaton fait désormais face à la montagne de muscles qu'est son meneur qu'il n'a -heureusement- pas réveillé.

HRP:

S'il y avait une chose que la nouvelle Etoile ne pouvait regretter quant aux pouvoirs que lui accordaient sa couronne c'était bien la douceur de posséder sa propre tanière.

Le géant n'avait jamais été quelqu'un de sociable, loin de là, se coller aux corps de ses camarades dans cet amas de fourrure qu'ils considéraient comme leur coin de repos lui avait toujours été une épreuve. Il lui arrivait même, parfois, de préférer la fermeté du sol et l'air froid de la pinède si cela voulait dire qu'il n'aurait pas à se frotter aux autres. Il en avait passé des nuits loin de sa couche, à se péter le dos sur un rocher. Une bonne chose que sa fourrure soit si épaisse, elle lui procurait un matelas de choix ou du moins lui accordait des matins moins douloureux.

Mais le voilà maintenant logé aux creux du corps d'un des gros pins qui se dressaient au centre de leurs camps. Véritable petit nid, l'appartement était cosy et exclus des autres. Pas de bavardages, pas de ronflements, pas de connards qui vous marchent sur la queue ou d'ancien mentor chelou qui se roule dans votre mousse, ici, il était seul.

Le soleil printanier se levait lentement, perçant de ses rayons aux travers de la brume matinale. Etoile Feulante s'attelait à sa toilette, la longueur de ses poils charcoals le forçant à balancer sa tête en arrière pour en venir à bout. Il fallait y faire un minimum attention si l'on ne souhaitait pas se retrouver coincé dans l'entrée ronceuse du cœur de leur territoire.

Skrrr- SKKrr- crACK- Skrr.

L'une de ses oreilles déchirée tiqua. Qui était le con qui faisait crisser ses griffes contre l'écorce de son nid ? A la légèreté du son il aurait pu penser à un écureuil fort peu prudent mais les pas semblaient bien trop maladroits. On aurait plutôt dit un chaton gauche se raccrochant à sa vie dans une lutte acharnée contre la gravité. Il allait pousser sur ses pattes pour investiguer quand-

" Bah même que j'ai pas peur! "

Une boule de poil noir s'écrasa presque dans sa couche végétale lorsqu'elle débarqua dans son antre en beuglant.

Les poils clairs qui germaient des trous auditifs du chef pivotèrent pour se plaquer contre son crâne. Il n'aimait pas le bruit. Ni les gosses d'ailleurs. Ni d'être interrompus de si bon matin, aussi. C'était pas l'môme de Sabre ça ?

Sur l'enfant se posa son regard las et indifférent, tandis que seul sa queue trahit un certain agacement en remuant sa pointe doucement.

A une époque, il lui aurait crevé les yeux.

" Qu'est-ce que tu fou ? "

Demanda t-il finalement. Véritable question, à quoi jouait ce chiard au juste ? Il avait l'air d'être à deux doigts de se pisser dessus.

Bonne question.

Mais Petit Croc n'a pas vraiment l'habitude d'y répondre; généralement, c'est plutôt lui qui en pose -des questions.

Son petit corps se raidit et droit comme un piquet, il meuble d'un : « Euuuuuuh... »

Pendant ce temps, ces yeux curieux fouillent l'endroit sombre, en grande partie dissimulé derrière le poil généreux d'Étoile Feulante. Il cherche. Qu'est-ce qu'il cherche déjà ? Bonne question.

Pourquoi il est monté ici ? Ses sourcils se froncent; il n'était pas content !
Pourquoi qu'il était pas content ? Ah !

« Bah! j'm'ennuiiiiiiiiiiiiiie... » adresse-t-il au nouveau meneur, lui confiant sa lassitude. Tous les jours se ressemblent pour lui. « Dis! » reprend-t-il, chassant sa moue d'un grand sourire dont l'enthousiasme vient briller jusqu'aux fond de ses yeux.

« Maint'nant qu'c'est toi l'chef, tu peux m'faire apprenti ?! » Sans qu'il puisse se contenir, sa queue se mit à fouetter l'air d'excitation à la manière d'un petit chiot. Et sans lui laisser le temps de répondre : « Ou mieux; zespion! »

Se ratatinant brusquement au sol, les fesses bien haut, le voilà qui rampe, menton à terre. Contraint de le cogner contre le bois pour poursuivre : « C'est moi qu'j'attrap'rais les méchants, tu vas voir! »

Les traits du visage du môme s'étirèrent en plus d'expressions que son apathique chef put comprendre en l'espace d'un court instant de réflexion.

" Bah! j'm'ennuiiiiiiiiiiiiiie... "

Pas son problème.

" Dis! "

Ugh.

" Maint'nant qu'c'est toi l'chef, tu peux m'faire apprenti ?! "

Quoi ? Non.

L'expression du meneur était immuable, seul une de ses arcades sourcilière s'était dressée alors qu'il observait l'enfant se dandiner contre l’écorce de son arbre. Il ignorait ce que Petit Croc tentait d'accomplir en se tordant comme un asticot mais ce n'était pas très efficace. Dans tout les cas, il n'écoutait plus ce que racontait l'avorton. Bien trop de choses à son goût s'en était certain.

" T'as pas l'âge. "

Miaula t-il enfin avant de légèrement pousser sur ses pattes et de laisser son corps mollement tomber contre la mousse de sa litière, tournant le dos au chaton dans ce même mouvement. Il était encore tôt, le soleil se levait à peine et le géant comptait encore bien profiter de quelques minutes de repos avant d'entamer sa journée.

" Sort. "

Râla t-il sans trop d'entrain tout en fermant les yeux dans une tentative (certainement veine) de replonger dans ce doux calme don il appréciait tant le compagnie.

« T'as pas l'âge.
- Mais! y a pas d'âge pour d'v'nir zespion!!! »

C'est vrai ça. Techniquement, zespion n'est pas un rang existant alors bon… Étoile Feulante a bien le droit de faire de Petit Croc un zespion super-méga secret, non ?
Visiblement on-ne-peut-plus inintéressé, le mâle à la généreuse fourrure sombre se laisse tomber dans sa litière sans un mot, tournant le dos au chaton. Ce dernier, surpris, se contente de se dresser sur ses postérieures avec une maladresse évidente pour apercevoir les yeux de son modèle.

Son héros.

« Sort. »

Son petit menton tremble un peu de sorte à faire s'affaisser son ordinaire sourire enthousiaste. Il a gravi l'immense pin à pattes nues… tout ça pour qu'Étoile Feulante lui dise de partir ?!

Sourcils froncés, Petit Croc fait face à l'injustice sans en démordre.

« Mais... » Audacieux jusqu'au bout, le petit entreprend de longer le bois du creux jusqu'à retrouver la massive tête du meneur. Là, il se cale malaisément contre la paroi ligneuse et lance un regard penaud à son supérieur. Puis, d'une timidité qu'on ne lui connaît pas, Petit Croc de demander :

« Dis… Tu m'apprends à être aussi fort que toi ? » retrouvant enfin un brin d'excitation, le petit poursuit. « Comme ça moi aussi que j'vais ratatiner les méchants!! Comme toi!!! »

Nouveau sourire duquel s'échappent ses longues canines.

Le silence fut d'une courte durée. Plutôt que d'être sage et d'obéir à son chef le petiot s'empressa de protester, et ce plus bruyamment encore qu'il n'avait été auparavant.

L'Étoile n'eut point besoin de lever le regard pour croiser celui du gamin, d'abord sur son flanc il s'était couché sur son ventre, redressant sa grosse tête afin de mettre un peu de distance entre lui et l'enfant. C'est que cette antre n'était pas faite pour accueillir une trentaine de guerriers.

" T'as pas l'âge. "

Répéta t-il lassement, tenté d'envoyer la boule de poil prendre son envol hors de sa tanière mais, non. Il n'était pas un sombre connard, et puis, il ne voulait pas de papa poule au cul. Il lui fallut un effort psychologique notable pour forcer plus de trois mots hors de sa bouche.

" Va emmerder ton père. "

Ce qui en faisaient quatre en tout mais c'était toujours mieux que 'non', 'oui' ou 'ok.'

Maintenant assis (car il était évident que son repos pouvait aller se faire foutre) le grand matou charcoal re-entreprit de se toiletter. De maigres rayons de soleil perçaient maintenant dans le creux du sapin, teintant son écorce d'ambre et d'écarlate. En outre, l'heure de se bouger le cul. Il avait des patrouilles à organiser avec Soucieux et Étoile Feulante affectionnait d'aller le retrouver lui-même plutôt que son père grimpe à lui. C'est qu'il se faisait vieux le gris.

« T'as pas l'âge. » commence à lui faire mal aux oreilles.

Petit Croc se dresse immédiatement sur ses quatre membres bien rigides pour rétorquer, cette fois-ci sûr de lui : « Mais! Y a pas d'âge pour ratatatiner des méchants!! Et si qu'on s'fait attaquer, qui qu'c'est qui va défendre maman ?? Bah moi! Avec mes gros muscles et tout, comme toi!! » Puis, pas peu fier, il ajoute : « Et pis même qu'y a des grands bah y m'ont dit qu'toi à mon âge et bah même qu't'as fais la bagarre à des vilains! Et même que bah c'était les Bu-- les Bumar? Lod?!! Bah moi aussi j'veux être fort contre des Bumar Lod et pis voilà!!! »

Son argumentation est imparable; Petit Croc en est con vain cu. D'ailleurs, qu'est-ce qu'Étoile Feulante pourrait bien répliquer après ça, hein ?

« Va emmerder ton père.
- Papa? Ch'peux pas il est parti en trou-trouille*!! » d'un ton dont coule toute la frustration qu'un chaton peut recevoir.

Face au désintérêt évident de son meneur -qui commence déjà sa toilette, se pensant sans doute si facilement débarrasser du petit hirsute- Petit Croc n'en démord pas.

Il s'en fiche : il fera comme lui!

Et puisque le gros chat sombre se met à se lécher le poil : bah il fera pareil!! et toc!

Aux pattes de son héros, le fils de Dents de Sabre imite alors ses geste avec application. C'est vraiment nul, comme passe-temps, mais si ça peut lui faire gagner l'attention d'Étoile Feulante alors aucun doute : ça en vaut la peine ! Lapant une première fois son duvet mal coiffé, le jeune ne cache pas son dégoût; poussière, mousse, sève… on trouve un peu de tout. Pas étonnant qu'il soit si mal entretenu ce poil, quand on comprend à quel point la toilette ennuie Petit Croc !

Il n'écouta pas le petit déblatérer sur son passé oh combien héroïque de captif qu'on envoyait se battre dans la boue. Il lissait, démêlait et arrangeait sa tignasse sombre, forcé d'arquer son corps dans des postions exagérée pour venir à bout de ses longs poils.

Puis contre toute attente, le silence.

Pas un mot de plus, juste de petits slurp, slurp, slurp qui s'ajoutaient aux siens. Surpris (parce que généralement ignorer ne suffisait pas à taire les pètes couilles) il ouvrit à nouveau l'un de ses yeux d'ambre, lançant un regard vers Petit Croc qui s'appliquait maintenant à se débarbouiller.

Il l'imitait ? Peu-être. Bien que père de quatre mômes il ne comprenait toujours rien aux gosses. Haussant les épaules, il ferma à nouveaux ses paupières et reprit ses travaux de fourrure et de langue.

Si l'avorton tenait tant à rester planté là, soit, il n'avait pas l'envie ni la motivation de livrer l'effort de continuer de le chasser. Tant qu'il ne parlait pas, l'ancien Chuchoteur s'en contenterait... De toute manière il finirait bien par expulser le chaton hors de son antre lorsque ses responsabilités ne pourraient plus être ignorées.

Le moment venu, s'il devait en venir à extirper son petit-cousin (par alliance) de l'arbre lui-même, alors il le ferait.

Coups de langue après coups de langue, Petit Croc s'applique à imiter le gros mâle typé maine coon dont il admire tant la force.

Slurp, slurp, slurp.

Peut-être que c'est une technique super-méga secrète de comment devenir le meilleur guerrier de tous les temps ?

Slurp, slurp slurp.

Peut-être.

Slurp, slurp slurp.

Peut-être mais c'est rudement chiant.
Avant au moins, il y avait un contact. Maintenant, Étoile Feulante ne le regarde plus et ne lui parle plus. Le chaton est un peu dépité.
Et puis... c'est nul de faire sa toilette. Même en compagnie de son héro (c'est dire!).

Après un petit silence durant lequel Petit Croc continue de faire semblant, il lance à son aîné, tout guilleret.

« Finiii! »

Reposant ses yeux scintillant d'excitation sur l'imposant mâle charcoal, le petit félin ajoute sur le même ton :

« Et maint'nant, on fait quoi ?! On fait des trou-trouilles? On fait mon baptême ? On... On va voir Y-s'est-pris Sous-cieux ?! Non attends!!! Je sais! On fait la bagarre!!! » Ça semble être la meilleure idée. Et le voilà qui recommence à bondir en tous sens. « Et PAF! Coup d'Poudre j'te tape!!! Et PAN! Étoile de Con-Bas!! Bim! Boum! C'est nous qu'on est les plus forts et même que c'est vrai!! »

Ses yeux retournent à Étoile Feulante, en attente d'une quelconque confirmation.
En tous cas, ce qui est sûr, c'est qu'on ne se débarrasse pas de Petit Croc aussi facilement : surtout quand il s'imagine passer la journée collé à vos pattes !

HRP:

Coups de langues s'enchaînèrent sur coups de langues, laissant couler de leurs gueules bave coiffante et secondes passantes. On pouvait entendre l'éveil des oiseaux, le bâillement des sapins grinçants et les caresses du vent sur les branches des arbres. Ainsi, enfermé dans leur silence, Etoile Feulante aurait pu oublier la présence d-

" Finiii! "

Et merde il était encore en vie.

La queue du chef vint frapper les murs de son antre en rythme avec son agacement grandissant, dans ses bonds et ses cris l'enfant ne semblait pas comprendre qu'il n'était pas le bienvenue dans cette tanière. Lorsque la ridicule queue de la boule de poil noire vint donner un petit coup accidentel au museau du chef ce dernier jugea que sa patience avait atteint ses limites.

L'une de ses grosses pattes se leva pour venir écraser l'enfant au sol, pas assez brute pour le faire souffrir mais certainement avec assez de poids pour l'empêcher de se mouvoir à nouveau.

Vous ai-je déjà dit qu'il n'aimait pas le contacte physique ?

Suite à un ultime coup de langue gracié à sa poitrine ses crocs se refermèrent sur la peau de la nuque du gamin. Il se redressa mollement, passant sa tête hors de son antre afin de scruter le campement endormis.

Vide bien évidement, Il se chargerait lui-même de le ramener à ses parents donc.

L'écorce crissa sous la pointe de ses griffes qui prirent d'abord appuie au-dessus du vide avant de bondir à son pied. En espérant que Petit Crocs appréciait les sensations fortes, de toute manière ses plaintes (s'il y avait) ne serait pas entendue. De ses grands pas le maine coon diminua l'espace qui les séparaient de la pouponnière, se hâtant de se séparer du fardeau qui pesait sur sa mâchoire et surtout sur son système.