La Foudre et la Tempête | Etoile Foudroyante - end

La douleur était encore vive.

Il avait reçu les meilleurs soins possibles et, en soit, sa blessure n'était pas si grave. Ennuyante, oui, car elle ne partirait pas, elle l'avait rayé, comme un coup de griffe dans de la roche. Sauf que Petite Tempête était fait de chair et de sang et que, lui, il souffrait encore.
Il se sentait faible, au fond, et bien qu'il ne sache l'exprimer, il avait un peu peur. Pas de Petite Glycine- Il l'avait peut-être blessé, mais Petite Tempête n'avait pas mentit lorsqu'il avait affirmé ne pas le craindre. Non.
Ce qui l'inquiétait, c'était ce sentiment lancinant d'inutilité.

Après tout, qui avait besoin d'un chat, un futur guerrier, qui chouinait au premier coup reçu ?

Mais il ne disait rien - il en était bien incapable - et se contentait de se reposer calmement dans l'obscurité de la pouponnière. Sa blessure avait déjà commencer à cicatriser.

Allongé sur le ventre, les pattes en ronds et la queue sur le flanc, il conservait les yeux mi-clos. Il somnolait, tout au plus, toujours attentif aux besoins éventuels de ses adelphes. Il ne discernait que les ombres, autours de lui et jusque là, personne ne bougeait trop.
Puis, il entrevit la forme d'un chat se glisser à l'intérieur de la tanière, bouchant une demi-seconde la lumière qui filtrait au travers de l'entrée.

Dans une gestuelle calme, Petite Tempête se leva, rapide malgré tout. Il avait hâte de revoir son père, comme tout bon chaton, et espérait que ce dernier aurait du temps à lui accorder. Il passa un coup de langue rapide sur ses flancs pour arranger son pelage encore duveteux et entreprit de trottiner jusqu'à l'ombre, entonnant d'un ton plus guilleret qu'à l'accoutumé :

« Papa ! Pa-... » Tournant la tête vers le chat qui venait d'entrer, il vit clairement de qui il s'agissait.

Et il ne s'agissait pas de papa.

Le chat qui se trouvait devant lui était de haut stature, l'arrière train plus haut que l'avant-main et les muscles formés par des années de guerre et de chasse. Son pelage sombre aux liserées d'encre accentuait sa silhouette et Petite Tempête fut d'avantage impressionné par cette allure que par ce qu'on disait de lui.

Car même s'il n'avait encore jamais eut l'occasion de le rencontrer réellement, il l'avait aperçu, de temps en temps et avait entendu des choses. Des histoires dont il ne comprenait pas encore l'enjeu, qu'il n'avait pas prit le temps de retenir, mais surtout, ce qu'il était pour le clan.

Ainsi, bien qu'il sache que ce chat était le père de sa mère, il ne parvint pas à déterminer quelle appellation devait-il lui donner. Il ne voulait pas lui manquer de respect et, en même temps, personne ne lui avait jamais dit comment s'adresser à lui.

Ses grands yeux bleus tout ouverts d'un certain émerveillement pudique, de la crainte naturelle que revêt le respect, il s'adressa à lui d'un petite voix tranquille, bien plus tranquille que la plupart des chatons :

« Bonjour Etoile Foudroyante. Je m'appelle Petite Tempête, ma maman, c'est Source de Secrets. »

Croiser Lycaon à chaque visite de la pouponnière était une habitude dont il ne se lassait pas. Il ne se lassait pas de lui écraser le front du sien, d'échanger quelques blagues (il ne retenait en rien son ronron tonitruant) et lui refiler son repas du matin. Lycaon était encore maigrichon (et le serait sans doute toujours) mais il y avait cette étincelle dans ses yeux vairons qui lui faisait voir une vie différente du parcours tout tracé d'avance d'une vie de guerrier. Il aimait être utile - qui ne l'aimait pas? Et il aimait ses enfants. Son père lui fit part que s'il en avait eu l'option, peut-être qu'il aurait, lui aussi, fait une excellente Reine permanente de la pouponnière. Lycaon lui dit qu'il en doutait, et le bengal le piqua d'un petit coup de coude dans les côtes, arrachant un aboiement à son fils.

C'était la fin de cet échange - du moins en théorie. Quand il tourna les talons pour vaquer ailleurs, on le stoppa dans son élan. À ses pattes s'approcha un corps au pelage familier, qui fit inévitablement baisser les yeux au bengal.

— Bonjour Etoile Foudroyante. Je m'appelle Petite Tempête, ma maman, c'est Source de Secrets.

Il cilla, haussa ses sourcils, digéra l'information.

Un fils à Source.

Il sourcilla.

...Un de ces inombrables gosses de Source. En détournant ses yeux du petit et en les remontant sur la boule de longs poils noirs et blanc lovée dans un nid, il vit sa fille, de retour au Clan, ainsi que toute sa marmaille, avisant immédiatement le pelage gris, le masque en face, et les rayures à la queue d'une bonne bouchée d'entre eux. Ses oreilles se mouvèrent sur sa tête - il les redressa, mais quand il baissa le nez vers le chaton, son museau se plissa malgré lui.

— --Oula. Il s'était attardé sur son pelage, mais le pauvre gamin semblait s'être attiré des ennuis, à en juger par la marque sur son nez. Sans tergiverser, il désigna la zone à problème d'un mouvement de la patte. Dis-moi, P'tite Tempête, il t'es arrivé quoi?

Une illustration de Rinkisha, merci!

« Oula. » A la vue du museau plissé de son grand-père, Petite Tempête afficha un air inquiet. Toujours dans cet économie d'expression faciale, laissant à ses yeux le soin d'exprimer ses émotions à la manière d'un miroir. « Dis-moi, P'tite Tempête, il t'es arrivé quoi ? »

A la question, Petite Tempête baissa honteusement les oreilles. Assez intimidé, il ne savait pas réellement s'il devait être parfaitement honnête ou non. Il ne s'était même pas vraiment battu et même si Glycine s'évertuait à jouer les garçons, elle n'en restait pas moins une femelle, à ses yeux.

Il s'était donc fait battre par une fille. Et ça, c'était carrément la honte.

Il grimaça légèrement, détournant le regard en cherchant une réponse qui ne serait pas suffisamment précise pour montrer immédiatement à quel point il n'était pas à la hauteur- Et comme il ne trouva rien de satisfaisant, il se fondit dans un soupir.
Il s'accroupi légèrement, abaissant les yeux. Malgré lui, il restait un chaton et il ne pouvait rester de marbre.

« Je me suis battu, en fait. » Avoua-t-il à demie-voix. Il était presque peiné, au fond, parce qu'il s'agissait de son tout premier échange avec Etoile de Foudre et qu'il lui semblait qu'il ne donnait pas la meilleure image de lui-même. « Enfin, non- Petite Glycine m'a mit un coup de patte et c'était déjà finit. Mais j'ai pas peur d'ell-... De lui, hein ! Je n'ai peur de personne, en fait. »

Et, comme enhardi, il se dressa sur ses quatre pattes en relevant les oreilles. Il offrit au grand chat un regard déterminé aux sourcils légèrement froncés. Oh non, il ne lui laisserait pas le loisir de croire qu'il avait été intimidé d'une quelconque façon. Petite Tempête n'avait peur de rien.

Peur de rien, si ce n'est de ne plus être utile. Mais cela, il le gardait pour lui.

À mieux y regarder, il avait beau porter son masque en face à Tonton, ce gamin était le portrait craché de feue Rossignol, en fait. Surtout avec cet air fixe qu'il lui avait fiché dessus. ... Surtout quand cet air fixe fut pris le nez dans le sang et que ses courtes oreilles s'aplatirent sur sa tête. Difficile de ne pas se sentir satisfait d'être celui qui avait provoqué ce changement, mais difficile de ne pas se sentir bizarre quant à se sentir fier d'avoir évoqué un tel sentiment chez, bah, un gamin.

— Je me suis battu, en fait.
Le bengal émit le souffle d'un rire. Il relança Petite Tempête d'un bref hochement de la tête. Oui, ça, ça se voyait. Petite Tempête voulut clarifier: Enfin, non- Petite Glycine m'a mit un coup de patte et c'était déjà finit. Mais j'ai pas peur d'ell-... De lui, hein ! Je n'ai peur de personne, en fait.

Suivant cette affirmation, le petit tenta de se grandir devant lui: il se leva sur le bout de ses pattes, curieusement contrebalancé par une longue queue en plumeau qui lui semblait déjà trop longue pour cet âge, et il fronça ses sourcils sur son petit faciès grassouillet d'enfant.

Face à une telle démonstration, tout ce que'Étoile Foudroyante trouva à faire fut de battre l'air d'une oreille. Puis de pencher la tête.

— Et?

Il t'as mis ce coup de patte pourquoi, Glycine?

Une illustration de Rinkisha, merci!

« Et ? » Tempête ne savait pas s'il s'était attendu à une réaction en particulière, mais celle que venait d'avoir Foudre était des plus perturbante. « Il t'as mis ce coup de patte pourquoi, Glycine ? »

Petite Tempête, bien que saisit par l'air stoïque de son grand-père, y trouva tout de même quelque chose de réconfortant. Ce dernier s'intéressait à son histoire, à ce qui lui était arrivé et il lui donnait des bribes d'attentions que le chaton n'osait pas réclamer à ses parents. Il songea qu'en lui racontant tout, à lui, peut-être qu'il le comprendrait. En fait, il n'y avait strictement aucune raisons pour qu'il soit en désaccord avec lui.
Etoile Foudroyante ne connaissait pas Petite Glycine, alors l'amour n'obstruerait pas son jugement. Parce qu'au fond, Petite Tempête savait qu'il avait absolument raison et ses parents le verraient s'ils n'étaient pas trop occupés à aimer Glycine.

Quelque peu désarçonné tout de même, il prit le temps de poser son derrière dans la poussière de la Pouponnière, reprenant un visage tranquille. Plus précisément, un visage calme, trop calme pour un chaton de son âge.
Méthodiquement, il entreprit de restituer les faits dans leurs plus exactes vérités. Après tout, se perdre en détail et en dramatisation n'était pas utile.

« Parce qu'il voulait me faire bouffer ma feuille - c'est ce qu'il a dit. » Il marqua une pause, puis il précisa : « Il m'a dit ça parce que je l'ai traité de fille. Mais en fait, Petite Glycine est une fille, et ce n'est pas-... »

Il s'interrompit et esquissa un geste vers la droite, puis un regard sur la gauche, comme s'il craignait d'être épié. Une fois qu'il s'assura qu'aucune oreille indiscrète n'allait tout rapporter à Petite Bécasse, il s'avança légèrement, presque comme s'il voulu se pencher vers Foudre - bien que l'idée même de se pencher vers une personne aussi grand paraissait absurde, et ce, même si Tempête était le plus haut de sa portée.
Et, doucement, il reprit sur le ton de la confidence.

« Moi, je trouve que c'est bête de vouloir être un garçon quand on est une fille. C'est pas vraiment utile pour le clan, en fait, ça apporte même des problèmes. Et moi, je pense que c'est pas nécessaire- Et quand on est un garçon ou une fille, c'est comme ça, je vois pas pourquoi Petite Glycine en fait toute une histoire. » Et dès qu'il eut finit, il releva ses deux grands yeux bleus sur son ainé.

Il était certain, oui, qu'il comprendrait. Etoile Foudroyante était chef, quand on était chef, on devait faire au mieux pour le clan. Alors c'était évident : Petite Tempête avait raison.

Sa question suscita une autre réaction du chaton, bien plus que deux petites oreilles s'abaissant: le chaton se posa les fesses dans la poussière. Oh, ça promettait, alors. S'il devait s'asseoir pour raconter, c'était parce-que c'était une longue histoire. Amusé, Étoile Foudroyante posa les siennes aussi, et s'ouvrit grandes les esgourdes. Et puis le chaton lui dit tout.

— Parce qu'il voulait me faire bouffer ma feuille - c'est ce qu'il a dit. Correction: le chaton ne lui dit rien. C'est après quoi qu'il lui dit tout: Il m'a dit ça parce que je l'ai traité de fille. Mais en fait, Petite Glycine est une fille, et ce n'est pas-...

Le chaton s'interrompit, tournant sa tête d'un côté, puis de l'autre (le bengal l'imita, emporté par le jeu) avant de faire mine de se rapprocher. Pourquoi pas - Étoile Foudroyante se pencha à une hauteur de connivence.

— Moi, Petite Tempête lui glissa alors à l'oreille, je trouve que c'est bête de vouloir être un garçon quand on est une fille. C'est pas vraiment utile pour le clan, en fait, ça apporte même des problèmes. Et moi, je pense que c'est pas nécessaire- Et quand on est un garçon ou une fille, c'est comme ça, je vois pas pourquoi Petite Glycine en fait toute une histoire.

Après s’être tu, le petit releva ses yeux sur le bengal, dont la tête était si proche de la sienne que tous deux s’en frôlaient les moustaches. Aussi on put croire que c'est la proximité qui fit se plisser les paupières du bengal, jusqu'à ce qu'il n'échappe son souffle d'une bruyante esclaffée.

— --PouAAAHAAHAH!

Le rire lui projeta la tête vers l'arrière et il se distança du chaton en titubant sur les avant-mains pour se rééquilibrer dans sa position. Il se couvrit aussitôt la bouche d'une patte, étouffant le reste: ppft--! haha_ha, il détourna la tête, rentra le menton dans le cou, entrouvrit un oeil avec la pupille grosse dedans: Ohhh, ho ho, vraiment?  C'est bien ce que tu crois?

Sa queue trahit son amusement en ondulant derrière lui, et de haut, il toisa l'enfant:

— On fait un test? La tenue de son regard changea, et une sorte de... mélodie fit louvoyer le timbre de sa voix. J'suis sûr qu'une grande fille comme toi n'aura aucun mal à me prouver ce qu'elle avance, hmm? ♡

Une illustration de Rinkisha, merci!

« PouAAAHAAHAH ! » Il riait. Mais pourquoi riait-il ? Il devait être d'accord avec lui, pas se moquer. Petite Tempête ne comprenait pas ce qui amusait tant Foudre, lui, il n'avait fait que raconter strictement ce qu'il pensait. Et voilà que le chef du clan se mettait à rire de lui, de sa sincérité.

Il aurait put en être vexé aux larmes de le voir rire tellement qu'il manqua même de tomber. De le voir mettre sa patte devant sa gueule pour retenir le reste de ses esclaffements. Il aurait pout, oui, il le fut presque, mais il eut l'intelligence de rester ébahit par une telle réaction. Suffisamment pour ne pas réagir trop vivement.

« Ohhh, ho ho, vraiment ? C'est bien ce que tu crois ? » L'accusait-il réellement de mentir, à présent ? Doucement, Tempête baissa les oreilles et fronça les sourcils.
Il ne fallait pas pleure, non. Même s'il trouvait la situation humiliante, même s'il haïssait l'humiliation. Il ne supportait pas ça, sa tolérance était bien plus basse que la plupart de ses pairs et son orgueil, trop grand pour l'humilité. Pourtant, il ne fallait pas pleurer. Pleurer, ce serait réellement signer son humiliation.

« On fait un test ? J'suis sûr qu'une grande fille comme toi n'aura aucun mal à me prouver ce qu'elle avance, hmm ? ♡ »

Alors là, s'en était trop.
Tempête écarquilla les yeux, un instant, il eut le souffle coupé. Il lui fallut quelque seconde pour comprendre ce que venait de faire son grand-père - ce qu'il avait osé faire. Et il songea à quel point c'était injuste et douloureux, à quel point, pour une fois, il avait sincèrement cru qu'on le comprendrait.

Mais au final, personne ne le comprenait.

« C'est pas pareil ! » S'écria-t-il. Lui qui était si calme, en temps normal, se retrouvait en proie à l'emportement. Tant et si bien qu'il se leva une nouvelle fois et s'approcha d'Etoile Foudroyante, presque menaçant dans sa démarche gauche de chaton.

« Moi je suis un garçon, je suis né comme ça ! Je n'essaie pas de me faire passer pour autre chose ! » Il fronça le nez et ça lui piqua fort. Si fort qu'au final, il ne parvint pas à retenir plus ses petites larmes. Et elle roulèrent le long de ses joues tant il était vexé.

Pourquoi personne ne le comprenait ?

« Je ne fais pas des histoires inutiles, moi ! Il suffit juste d'accepter ce qu'on est et, comme ça, on peut vraiment être utile ! Mais si on reste heu-... Enfin, tu comprends, non ?! Tu comprends et tu fais exprès de ne pas comprendre ! » L'accusa-t-il, battant furieusement son plumeau de queue dans l'air, presque électrique.

Oh, qu'il en avait assez que personne ne fasse l'effort de le comprendre.

— C'est pas pareil !
— Ha ha hah!

Après son air d'ahuri, le pauvre Petite Tempête était dans tout ses émois. Ah, il était vexé, le gamin, de goûter les mêmes dents avait lesquelles il avait mordues Glycine! En toute réponse à sa posture défensive et au dos bien rond du chaton, Étoile Foudroyante lui montra ses propres dents sous la forme de son plus joli sourire.

— Moi je suis un garçon, insista Petite Tempête, avec la même détresse, supposait le bengal, que Glycine le faisait en s'affirmant lui-même. Je suis né comme ça ! Je n'essaie pas de me faire passer pour autre chose !

Étoile Foudroyante haussa ses épaules, frivole, observant sans ciller le pic d'émotions saisir le gamin qui se mit à pleurer. Les gamins étaient ce qu'ils étaient: leurs corps étaient trop petits pour l'ampleur de leurs émotions, alors il en fit peu de chose, si ce n'est cesser de rire, et même accepter de se radoucir.

— Je ne fais pas des histoires inutiles, moi !

Qu'y avait-il de mal avec des histoires? Sa réputation, ce qu'on savait de lui avant d'apprendre à le connaître, était plus "réelle" et "tangible" que l'était son propre corps, parfois. Mais le concept était avant-garde, non? Probablement trop compliqué à expliquer à un chaton.

— Il suffit juste d'accepter ce qu'on est, insista Petite Tempête, sa queue balayant la poussière si vite qu'elle commençait à soulever un nuage derrière lui. Et, il continua, comme ça, on peut vraiment être utile ! Mais si on reste heu-... Il s'interrompit. Pas qu'il eut perdu le fil de son idée, mais sa frustration était presque palpable, et les mots, ainsi que l'expérience, devaient lui manquer.

— Enfin, tu comprends, non ?! Tu comprends et tu fais exprès de ne pas comprendre !
— Hahaha, peut-être ♡, chantonna le bengal en réponse, revigoré par cette montée de colère qui n'était pas la sienne. Alors?  Toi, qu'est-ce que tu es?

Plutôt, qu'est-ce que Petite Tempête croyait être?

Une illustration de Rinkisha, merci!

« Hahaha, peut-être ♡ » Sa voix claironnait, une douce mélodie emprise de moquerie qui ne faisait qu'accentuer la détresse du pauvre chaton.

Il n'avait jamais croisé un adulte comme ça, auparavant. La plupart des chats se montraient plutôt gentils, à son égard, au pire, on l'ignorait. Maman le grondait, parfois, comme Papa, mais jamais personne ne lui avait encore rit au nez de la sorte, ne s'était encore amuser à le provoquer.
Et Petite Tempête ne savait pas comment réagir. Lui qui était d'habitude si calme se trouvait, à présent, complètement démunie. Sa sensibilité aux affronts étaient terriblement forte et il l'apprenait à ses dépends.

« Alors ? Toi, qu'est-ce que tu es ? » La question eut le mérite de le calmer momentanément. Il redressa les oreilles, perplexe alors qu'il avisa Etoile Foudroyante.
Ses grands yeux bleus s'ouvrirent de surprise et il renifla distraitement les quelques larmes qui tapissait encore ses yeux.

C'était une drôle de question, ça. Ce qu'il était- Et bien, il le savait. Au fond, c'était évident, alors pourquoi le demandé ? C'est donc sans trop réfléchir qu'il répondit sur un ton qui laissait entendre l'étendu de sa réflexion :

« Bah- Je suis un garçon, non ? » Et, comme s'il craignait qu'on lui avoue tout de suite qu'en réalité, il n'en était rien, il s'approcha un peu d'Etoile Foudroyante. Il l'interrogea du regard, complètement perdu et lui laissa tout le loisir de préciser sa pensée.

Son débordement émotif n'était pas complètement passé, mais il devait bien voir qu'il n'y avait aucune honte de se mettre à pleurer, Petite Tempête. Là, il se calmait, car même s'il était sacrément effarouché, la réalité était telle que plus que tout, tout ce qu'il voulait, tout ce qui faisait frétiller ses pupilles dans ses yeux était ce cuisant désir d'être compris. Un désir facile à comprendre, pour ce qui avait été un guerrier dont le seul désir avait été d'être écouté, alors même s'il le taquinait et se riait ouvertement de lui, le bengal lui tendit l'oreille et lui renvoya pas seulement sa question, mais toute la réflexion qui venait avec:

— Bah- Je suis un garçon, non ?
— Mm, et rien d'autre?

Le bengal se trahit d'un rebond des épaules. Ne me méprend pas, il gloussa, j'adore les jeux d'esprit, je ne cherche pas à te piéger. J'ai plutôt envie de t'amener à réfléchir, mais comme tu es jeune, je n'ai pas le choix de t'y mener par la queue.

Il haussa un épaule, ferma les yeux. Je ne suis pas sourd à ce que tu penses sur l'utilité d'un chat dans le Clan, mais tu fais erreur en attaquant les racines d'un individu.

Il entrouvrit un premier oeil:

— Car poussons ton idée à ses plus hautes feuilles: la meilleure façon de ne pas "apporter de problèmes" serait donc d'arracher toute ton identité. Je n'entend pas seulement ton genre, ou ton sexe, mais tout ce qui t'identifie: on parle de ta personnalité, des branches de ton arbre familial — père, mère, tous tes frères et soeurs, pas d'exception, on arrache tout — sans parler de toute ton expérience de vie, ta parole, ton langage...

Et puis le second oeil s'ouvrit, posant sur le petit toute la patience mûre d'une vie pleine à craquer d'histoires à mordre à belles dents.

— Dur d'imaginer, hm?   Sans toutes ces "histoires inutiles", tu es qui, Petite Tempête ? Selon toi, il reste quoi?

Une illustration de Rinkisha, merci!