Lever ou baisser les yeux [avec Nuage de Tempête]

Cela faisait déjà quelques semaines que Tempête avait commencé son entraînement à la grimpette. L'agression à la frontière avec les venteux l'avait ralenti, il avait dû se préserver un peu, reposer ses muscles endoloris par les coups. Mais le temps avait lavé ses blessures et s'il gardait une oreille trouée, elle ne faisait que le rendre encore plus similaire à son mentor et son modèle.

Il ne serait jamais comme Foudre, il en avait conscience. Etoile Foudroyante était un matous qui n'avait presque rien en commun avec son petit fils, et c'est peut-être tout ce qui faisait son attrait. Cependant, Tempête tâchait de prendre le meilleur de ce qu'il était, de s'en inspirer. Sa faculté à voir les choses d'un œil neuf, différent, d'amener une conversation là où il voulait la mener... Il y avait beaucoup à apprendre de Foudre sans pour autant le singer.

Il ne pensait plus à Petite Feuille. Glycine, en revanche, occupait toujours ses songes. Lui-même avait été blessé et n'avait pas put être très présent, en tant que rival. Ils avaient prit de la distance et, étrangement, Nuage de Tempête n'aimait pas ça- Il voulait pouvoir se confronter à lui, s'énerver contre lui. Il y avait quelque chose d'attrayant à son contact, quelque chose que ses frères et sœurs ne lui apportaient pas.
Et, au fond, Tempête n'avait aucun amis.


Son corps était grand, mais il s'y était habitué. Alors qu'il bondit dans les airs, il agita sa queue, la faisant tournoyer pour se donner de l'élan. Ses pattes heurtèrent le tronc, son ventre aussi, et il se hissa immédiatement dans un bond sur une branche plus en hauteur.
Il était dors et déjà essoufflé par l'effort et ses muscles peinaient à suivre. Il avait encore bien du mal à grimper correctement.

« Bonjour Nuage de Tempête. » Le félin baissa les yeux.
Il ne l'avait même pas entendu s'approcher. Sa queue s'agita déjà d'agacement lorsqu'il reconnu la pelisse rousse et blanche de Petite Feuille. Une lâche qui osait le regarder ainsi, sans baisser les yeux. Qui lui avait insuffler du courage pour qu'elle ose ainsi croiser son regard ?

Il ne lui répondit pas : il savait qu'il aurait été cinglant. Il se contenta de la regarder avec cet air agressif, sur la défensive, attendant de savoir ce qu'elle lui voulait.

« Je viens m'entraîner, moi aussi. Je vais prendre une autre branche, si ça ne te gêne pas.
- Tu t'entraîne, Petite Feuille ? Première nouvelle. » Ca avait été plus fort que lui, il avait lâcher ces quelques mots avec un mépris profond, sans même se rendre compte que ses lèvres avaient bougé.

Il ne souhaitait pas créer de nouvel incident, mais il ne savait trop pourquoi, il ne pouvait retenir de l'amertume en voyant la rouquine. Il s'assit sur la branche, pour se donner l'air détendu, pour se donner de l'assurance, mais sa trop longue queue continuait de battre le vent, trahissant son impatience.

Il détourna le regard de la chatonne en dessous de lui, déglutissant discrètement.

« Fais comme tu veux, cet arbre ne m'appartient pas, en fait. »

« Hey mais c'est que c'est pas si compliqué, en fin de compte... ! » La féline ne s'en sortait pas. Elle était essoufflée, elle luttait contre son propre poids - qui était plutôt moindre du reste - et griffait l'écorce avec fureur. Tempête aurait put se moquer trouver ça drôle, comme ces erreurs là il ne les faisait plus. Comme il avait apprit à ne plus les faire. Pourtant, il ressentit un pointe acide au fond du cœur car il constata que même en faisant les même erreur que lui à ses débuts, elle s'en sortait bien mieux.
Il savait que ses gênes de la rivière ne l'avantageaient pas, mais il ne supportait pas cette sensation désagréable d'être moins bon.

En un instant, alors qu'il l'observait sans la regarder, perdu dans ses pensées, le museau froncé, la rouquine disparu de son angle de vu. Il cligna des yeux plusieurs fois surpris, et se pencha au dessus du vide. Il la vit en contrebas, l'air sonnée. Il détendit son visage et afficha un air inquiet, un instant, alors qu'il guetta le moindre signe alarmant : les chutes pouvaient être plus dévastatrices qu'on ne pourrait le croire.

Mais rien, la femelle finit par reprendre ses esprits et aviser l'arbre immense devant elle.

« C'est dommage, haw... la branche était juste là. » Elle avait ce même tic de langage, celui de Glycine. Nuage de Tempête grimaça et reprit son air fermé et agressif. Il s'allongea sur sa branche en soupirant. Et puis, peut-être parce qu'il n'aimait pas l'idée qu'une future guerrière ne sache pas grimper, ou parce que l'incompétence de Nuage de Feuille l'agaçait, il finit par lui dire :

« Tu t'y prends mal, c'est surtout ça. » Il roule des yeux, croisant ses pattes avant devant lui. « Tu n'as pas encore assez de muscles pour soulever ton poids comme tu essais de le faire, si tu veux grimper en dépit de ça, il faut être plus maligne. Là, tu te fatigue comme une idiote pour rien... »

« Toujours aussi désagréable, mais au final, tu me donnes quand même un conseil ? Haw c'est plutôt amusant ! »

Une chose était sûre, Tempête n'avait certainement pas pensé à cela. Il s'imaginait qu'elle aurait, comme lui, plutôt essayer de jouer de son élan pour bondir aussitôt le tronc toucher du bout des pattes - quoi qu'il prenait en muscle au fil des mois et commençait déjà à se hisser sans en perdre le souffle.
Forcément, lorsqu'il la vit choisir une branche plus basse et le rejoindre en sautant comme un écureuil, il fronça les sourcils de perplexité et de surprise. Il la suivit du regard, notant qu'elle était loin d'être aussi gauche qu'il l'eut imaginer.

Puis, elle arriva à son niveau, sa branche n'étant pas loin de la sienne. Nuage de Tempête n'avait pas réaliser qu'elle cherchait à le rejoindre et il était convaincu qu'elle s'arrêterait là où elle était. Pourtant, il la vit armer son saut, fendre l'air et atterrir devant lui.
Il se redressa aussitôt, reculant le haut du corps en poussant sur ses pattes sans bouger son arrière train, donnant à son dos une courbure très accentuée. Il écarquilla les yeux, surpris, les oreilles basses, et leva sa patte avant gauche, comme s'il eut été agressé par une telle proximité.

Son regard croisa celui de la féline qui était à présent bien trop près de lui. Il remarqua cette joie et cette fierté, au fond de son œil, ce sourire niais... Et il en fut tout agacé. Lui n'avait pas sourit en parvenant à sa branche, pensait-il.

« ... Je ne pensais pas à ça. Mais bravo. » Il reposa sa patte au sol, se redressant légèrement sans pour autant bouger. Il ne lui céderait pas un centimètre de terrain, il était sur cette branche avant elle. De fait, il conserva cette allure arque-boutée.

« Et maintenant quoi ? » Fit-il alors.

Elle n'était certainement pas venu si près de lui pour rien.

« Haw et bien... pas grand chose. J'ai réussi l'entraînement, c'est chouette non ? » Chouette ? Tempête roule des yeux en détournant le regard, posant ces derniers vers la forêt. Chouette. Ce qu'elle pouvait être niaise et naïve ! Elle l'agaçait. Tout en elle l'agaçait !

« Tu vois, Tempête, on s'aime pas toi et moi. » Finit-elle par conclure. Nuage de Tempête n'avait pas spécialement attendu qu'elle parle, il n'avait même pas perçu son hésitation. Il était trop enfermé dans sa propre rancœur pour faire attention à ça.
Cependant, la voix de la chatonne eut le mérite d'attirer son attention sur elle et il tourna le museau vers la rouquine. Il l'observa, toujours avec cette grimace proche de la colère, la moitié de la lèvre supérieure relevée sur ses crocs.

« C'est plutôt... normal, je suppose. Quand je t'ai vu tout à l'heure, je me suis dis que c'était peut-être le bon moment pour parler, avec toi. Voilà... Ce serait bien qu'on s'entende suffisamment, pour le bien du Clan. C'est ce que je pense haw. Je te demande pas d'être mon ami, seulement... si on passe notre temps à s'éviter, on ne saura jamais travailler ensemble. Étoile Foudroyante... il m'a déjà dit qu'il ne tolérerait plus que je me batte avec toi. »

Elle avait hésité, quelque fois, avait soigneusement éviter son regard. Mais au moins, elle avait été claire et, au fond, Tempête savait qu'elle n'avait pas tout à fait tort. Bien sûr, ses paroles ne firent qu'agraver la colère qu'il ressentait déjà à son encontre, parce qu'il songea qu'il pouvait travailler avec elle même en la détestant. Elle était, avant d'être Feuille la chouinarde, une membre du clan...
Mais il se retint d'être acerbe, pour le moment.

« Voilà c'est tout en fait, haw.
- Enlève moi ce sourire, Feuille. » Dit-il, un peu cassant, froid. Il resta immobile, droit comme un gentil petit soldat. Son dos était rond au vu de sa position inconfortable, aplatit contre lui-même, mais il donnait tout de même cette sensation étrange de droiture.
Le sourire de la rousse l'énervait, il ne voulait pas le voir. Il avait besoin d'être moins en colère pour penser et réfléchir correctement. Alors, il attendit un peu, laissa le silence s'installer entre eux pour songer, penser. Il évaluait ce qu'elle vnait de lui dire et se surpris à éprouver un peu de jalousie.
Pourquoi ?

Il ne le savait pas vraiment.

« Je vais être honnête avec toi, Nuage de Feuille. Ne vois pas ça comme de la méchanceté gratuite ou une envie de te descendre... Je vais juste te dire ce que je pense de toi dans sa vérité la plus pure. » Il marqua une pause, l'air soudainement très sérieux, concentré. Il n'y avait plus rien de coléreux sur son visage. « Tu es une pleurnicharde. Depuis toute petite, ça a toujours été plus facile pour toi de te cacher en pleurant que d'affronter la vie. C'est bien que tu essaie de sortir de cet état, c'est bien que tu fasse des efforts... Mais te voir fière de ce qui est normal, ça m'agace. Je travaille dur depuis petit, moi. Personne n'est là pour me conforter dans ma faiblesse. Ca m'énerve que toi, tu ais ce privilège. »

Il prit une légère inspiration, enroula sa trop longue queue le long de son flanc.

« Mais si tu cherche à être utile au clan, je n'irais pas contre toi. Ma seule réelle préoccupation, c'est lui. Le clan du Tonnerre. Je n'ai qu'une ambition, une seule : le servir et le protégé. Si pour ce faire je dois mettre mon ego de côté avec toi, alors je le ferais. Mais pour ça, je pense que c'est bien qu'on soit honnête. Tu peux l'être, j'essaierais de ne pas me vexer. »

Elle était tellement vide que le félin grisaillant s'était un instant demandé s'il ne l'avait pas cassé.

Elle le fixait avec ses deux yeux et Nuage de Tempête songea qu'elle faisait soudainement plus adulte. Elle aurait put lui faire peur, s'il ne savait pas à quel point elle était faible. Elle ne bougeait plus. Il aurait put passer sa patte devant ses yeux, mais c'était un geste stupide qu'il trouvait personnellement très agaçant. Alors, non, il se contenta de garder ses yeux dans les siens, de son sérieux froid et implacable.

Est-ce qu'au fond, elle aussi n'avait-elle pas un blizzard dans la tête ?

Il cognait suffisamment fort pour qu'elle penche la tête et qu'elle se remette à sourire. Cherchait-elle à le provoquer ?

« Tu veux quoi en fait ? Que je te dise pourquoi je t'aime pas ? Généralement, les gens ont pas envie de se prendre des reproches dans leurs tronches dégueulasses. » Il avait perçu toute l'ampleur de son agressivité déguisée. Sans armure, sans bouclier, là, en pleine face, la chair à nue. Un frisson de rage, de haine pure l'avait parcouru, un instant. Avait soulever son poil.

Mais voilà, son dos était de nouveau lisse, sa queue à plat. Il fronçait un peu plus les sourcils, baissait le museau sans baisser les yeux. Jamais il ne les baisserait face à elle.

« Généralement, les gens sont stupides. » Annonça-t-il de but en blanc, surtout motivé par son envie irrépressible de la frapper. Là, dans le museau, avant qu'elle-même ne le fasse. « Savoir pourquoi on nous hait, ça permet de mieux vivre avec ceux qui ne nous aiment pas. Je crois... Je crois que si toi et moi on veut se tolérer, on doit comprendre pourquoi on ne se tolère pas. »

Et puis, il se leva, la surplombant de toute sa hauteur. Là, il leva une patte qu'il moulina lentement dans le vide, comme s'il cherchait ses mots. Il ne la lâcha pas des yeux, néanmoins, de peur qu'elle n'en profite pour attaquer.
Tout son corps était en tension.

« Quand on rencontre quelqu'un, on se créait une image de cette personne. Comme... Un reflet dans l'eau. Mais c'est un reflet trouble, qui évolue et qui peut changer. Surtout, ce n'est qu'un reflet : ce n'est pas réellement qui on est et qui les gens sont. J'ai, dans ma tête, un reflet de ma propre image, parce que je ne me connais pas. Et j'ai aussi un reflet de toi. Je veux connaître le reflet que tu as de moi parce qu'il m'en dira plus sur moi et puis, il m'en dira aussi sur toi et sur... Ce qu'on peut faire, toi et moi, pour ne pas que notre querelle soit un frein, un jour, pour le clan. » Il marqua une pause. « Ou alors, tu peux tout aussi bien laisser ta colère venir, m'ouvrir la gorge. Je me défendrais : le problème sera régler d'une manière ou d'une autre. Les deux voies me vont. »