Papillon, rivière et coucous, et puis c'est la fin de l'été [avec Étoile Foudroyante]

"Non de la Feuille" devient "oui" ? se retient-il de la taquiner.

— Que veux-tu que je devienne d'autre ? J'ai passé ma vie à me battre pour le devenir. Et puis je le dois.

Le devoir, hein... Envers qui? Le Clan, qui l'avait logée, nourrie, protégée des périls de la forêt? Ou bien tous les guerriers individuels qui avaient donné la patte à la pâte pour enseigner à Nuage de Feuille chacune de leurs spécialités, contribuant à son entraînement? Ou bien le devait-elle aux Étoiles? Il ignorait si la fille de Serpent et Louve avait le coeur aussi pieux que le Grand-Père de Tempête. Il savait Serpent plutôt laxe, mais qu'en était-il de Louve?

Qu'est-ce que ça disait sur lui de ne même pas savoir les croyances de sa propre fille...?

— Et pourtant, il existe d'autres voies.

Lycaon, qui avait choisi de rester dans la pouponnière, pour s'occuper des chatons auprès des reines.

Oeil de la Tempête, qu'il avait choisi comme chanteur à ses côtés.

Il a une pensée pour Nuage du Matin. Le gamin qui n'avait jamais voulu se battre, et dont le pacifisme l'avait hanté au point de les quitter; Fleur d'Aubépine n'était plus la même depuis le départ inopportun de son ami.

Qu'en était-il de Nuage de Feuille, depuis le départ de la sienne?

— Tu ne préférerais pas mettre la tienne au profit de ton Clan?

Merci Loupiot!!!

HRP:

— Je... j'te suis pas Étoile Foudroyante, lui avoue Nuage de Feuille, interdite. T'essaie de m'dire quoi là ?

N'est-il pas assez direct?

— Tu n'as pas seulement aiguisé ton corps, Nuage de Feuille. Je l'entends, quand tu parles.

Ta voix.

Ton choix de mot minutieux, ta vivacité d'esprit, ta présence - toutes d'excellentes qualités pour chanter et faire chanter, si tu veux mon avis.

Et il hausse les épaules. Ils ne sont, après tout, que deux chats les pieds dans l'eau sur les galets, à regarder la Rivière et son cours ballotter à peine les nénuphars à leur place.

Sur l'un d'eux a éclot une fleur, et né du ciel, le papillon bleu s'y pose, pour butiner.

— J'irai en ton sens, quoi que tu veuilles choisir.

Il en avait plus qu'assez de forcer la patte aux chats de son clan - aux siens, à ses camarades, et, pour le peu d'entre eux qui se considéraient comme tel, à ses amis. Qu'il s'agisse de leurs noms ou leur place dans le Clan, qui était mieux placé pour savoir où ils voulaient aller qu'eux-mêmes? Pourquoi donnait-on au chef la responsabilité de placer tout le monde, sans leur demander leur avis? Pour le prestige?

Voilà longtemps qu'un enfoiré aussi notoire que lui en avait délaissé toute notion.

Merci Loupiot!!!

— J'vais te dire la vérité Foudre.

Son sourire s'aiguise, ne serait-ce que pour la familiarité dont Nuage de Feuille se permet enfin d'adopter avec lui.

— J'y ai jamais réfléchis. Pas de cette manière.

Le sourire s'émousse. Les mots le surprennent, en vérité. Tout comme lui, ses pattes dans l'eau forment des ondes sur la surface, et s'étendent en distance; Nuage de Feuille lui confie son ressenti le plus profond.

— J'ai poursuivis mon objectif de devenir guerrière comme une dingue. Je pensais qu'à ça, tout le temps, tout le temps, lui dit-elle, insistante. J'ai demandé à Tempête de Suie de durcir le plus possible mon entraînement dans ce sens, lorsqu'on a décidé de continuer ensemble.

Une autre surprise, mais à peine plus qu'un battements de cils de la part du bengal, qui penche ensuite sa tête, tendant ses oreilles aux poils carbonisés dedans.

— Je crois que, au fond, j'voulais souffrir pour gagner. C'était une bonne chose ? Aucune idée. Mais maintenant je suis là. Je sais chasser, je sais me battre. J'ai touché la mort, perdu beaucoup. Haw... gagné, aussi ?

Bien sûr qu'elle a gagné. Ne serait-ce que la faculté de prendre du recul, ou de faire confiance à l'entraînement de son corps.

— Œil de la Tempête m'a qualifié d'« apprentie pour la vie » une fois.
— Ha!

Quel enfoiré.

Il l'a bien élevé, mine de rien.

— C'est idiot.
— Et comment.
— Haw mais quand j'y réfléchis j'crois qu'il a pas entièrement tort. C'est pas logique mais j'me suis jamais... Nuage de Feuille se tait, momentanément. Elle secoue sa tête, reprend: imaginé réussir, qu'elle souffle.

Elle ne s'est jamais imaginée réussir?

— Et jamais j'avais imaginé que je pourrais devenir autre chose non plus. Et je veux pas. J'suis pas prête ? Je sais pas... ça me perturbe que tu évoques l'idée qu'il y ait autre chose.
— ...

Pourtant...

Ne le savait-elle pas? Il y avait toujours autre chose. C'est vers cette infinité qu'il tendaient les pattes, l'eau à la bouche, traquant des futurs incertains par l'entremise de leurs idées et l'évolution de ces-dernières, leurs idéaux.

— Mais... j'ai envie de te demander...

Étoile Foudroyante penche sa tête de l'autre côté.

— Oui... laisse-moi goûter à ce rêve que j'ai poursuivis. Qu'il devienne une désillusion ou non.

Sobre, il la regarde sans ciller, et réajuste l'angle de sa tête afin de se redresser. Le mouvement dans les lombes et la croupe agite sa queue, à qui il donne un élan pour entourer l'apprentie d'un contact direct avec lui.

— Très bien.

Il s'en retourne vers l'accalmie et les nénuphars dessus. Les mots de l'apprentie-guerrière lui trottent en tête, et quelque part dans celle-ci, il ne peut s'empêcher de vouloir lui avouer un ou deux petits secrets. Il ne les estime important que par l'entente qu'il peut tisser avec elle.

Il n'en a jamais parlé qu'à Arc-en-Ciel, et Vent du Nord.

— Tu sais, même si c'est au chef de nommer les chats du Clan, c'est aux Étoiles de nommer les chefs.

Ses paupières retombent à demi sur ses yeux, accentuant le désabusement dedans.

— Ces salopes ne m'ont pas nommé Étoile Foudroyante. C'est moi qui ait choisi ce nom. Et je l'ai choisi pour rendre hommage au nom que j'avais lorsque j'étais apprenti, car j'aime croire qu'il y a une infinité de savoirs qu'un entraînement de guerrier n'est même pas proche d'effleurer.

Son sourire revient, aiguisé, asymétrique, et meurtri par tant de cycles de leçons répétées. Si ses petits jeux mnémoniques ne se sont jamais émoussés, c'est bien grâce à sa rigueur; Étoile Foudroyante ne se laisse plus s'affaisser que lorsque c'est un amant qui le maintient dans cette position.

— J'aime croire qu'on a toujours quelque chose à apprendre. De nos racines à la sève, au feuillage qu'on partage avec tout les arbres avoisinants. Un rire. Tout bas. Moqueur mais envers lui-même. Qu'y a-t-il de si mal à apprendre toute sa vie?

Merci Loupiot!!!

Contre toute attente, elle lui rend l'étreinte. Elle se rapproche de lui, lui qui a si longtemps dégoûté les siens avec ses mœurs légères, semant la crainte d'attraper sa "maladie" au contact de son corps. Son corps qui n'a servi qu'à ça distingue enfin la chaleur fraternelle sans la confondre à l'autre; Étoile Foudroyante ferme les yeux sans s'imaginer auprès d'un chat qui ne le pourchasse pour y planter ses dents.

Nuage de Feuille se parfait dans cette placidité, et lorsqu'il rouvre les yeux, il l'entend parler.

— Rien. T'as raison, c'est sans doute pas si mal.

Comblé, il ne répond rien. Il n'a pas à lui dire qu'il les envie, eux et leur génération, de bénéficier des multi-mentors et de chacune de leurs spécialités. Il n'a pas à lui dire qu'il rêve de pousser cette idée au delà de leur Clan, à tous se partager. Tous les Quatre pour s'abreuver de toutes les sources de savoirs possibles - l'idée l'enivre, autant qu'il est possible pour un chat de le faire sans goutte de vin.

— ...Tu le savais? Pépète m'apprend à nager, maintenant.

L'eau scintille et les libellules volettent. Derrière eux, au pied des rochers gorgés de soleil, les primevères oscillent, tout doucement, à une brise fraîche annonçant la fin de l'été.

Bientôt, ils iront chasser. Non pas en tant que professeur et élève, ni en tant que grand-père et petite-fille, Étoile Aveugle et Non de la Feuille. Quand ils partiront ensemble, ils seront Étoile Foudroyante et Nénuphar, deux noms qu'ils avaient choisi pour soi sans laisser qui que ce soit les définir à leur place.