Après la pluie... - end

Lorsqu'elle avait ouvert les yeux ce matin, Aigue-Marine n'en était pas revenue. Au lieu de l'intense lumière blanche et aveuglante qui se devait à l'épaisse couche de neige qui recouvrait les Terres depuis une bonne lune, c'était une lueur plus douce, printanière, qui avait accueilli les prunelles bleutées de la jeune guerrière. L'étonnement passé, elle s'était rendu compte qu'à la place de l'habituel gel qui transissait ses membres dès le réveil, elle n'avait pas froid. Mais ce n'est que lorsqu'elle était sortie de la tanière des guerriers qu'elle avait accepté l'évidence : la neige avait fondu ! Enfin presque. Il restait quelques amas de neige et de gel par-ci par-là - une lune de températures polaires, ça ne se raye pas comme ça - mais la grosse majorité avait disparu et les terres de la Rivière étaient d'ailleurs noyées sous l'eau : flaques d'eau, gonflement de la rivière... Heureusement, les chats du Clan de la Rivière étaient friands d'eau, et après ce difficile mois de froid intense, ils étaient ravis.
Aigue-Marine faisaient partie des chats qui se réjouissaient. Enfin, la saison des feuilles nouvelles pointait le bout de son museau ! La dernière lune avait été difficile : famine, maladie, et il y avait même eu quelques morts. Il s'en était fallu de peu pour que les Clans ne se déchirent pas, stressés par l'état des frontières embrumées par la neige. C'en était fini de tout cela !

Après avoir pris un maigre mulot sur le tas de gibier - qui était encore bien vide, mais qui ne tarderait sans aucun doute pas à se remplir - Aigue-Marine se joignit à l'assemblée de la matinée où Étoile de Corbeau et Sombre Rivière donnaient les ordres du jour.
C'est ainsi qu'elle se retrouva à devoir aller inspecter les frontières. À présent que la neige avait fondu, il était essentiel de les inspecter et d'y remettre l'odeur du Clan ; dans le cas contraire, des intrusions auraient sûrement lieu. Aigue-Marine connaissait d'ailleurs un jeune solitaire - du nom de Toucan - qui ne s'en priverait pas.
La jeune tigrée se retrouva donc dans une patrouille constituée de deux : elle, et un guerrier qu'elle connaissait peu, mais qui en imposait. C'était Lapis Lazuli. Il était massif et d'aspect froid. Aigue-Marine s'était toujours sentie intimidée face à lui, et se retrouver en tête à tête avec lui ne l'inspirait guère. Pour ne rien arranger à l'affaire, il portait le même nom que le père de la femelle. Il y avait de quoi se sentir intimidée...

Pendant tout le trajet jusqu'à la prairie, lieu de frontière avec le Clan de l'Ombre, elle se tortura : parler ? Ne pas parler ? Faire la conversation ? Mais parler de quoi ?
Le silence qui régnait entre les deux guerriers était pesant ; ou en tout cas, il pesait à la jeune femelle. Cela dit, elle ne pouvait pas s'empêcher de se dire, au fond d'elle, que cette sortie était une belle occasion de découvrir le matou. L'esprit de Clan avait toujours été fort chez elle ; depuis qu'elle avait rejoint la tanière des guerriers, elle sentait encore plus le besoin de ne faire qu'un avec ses compagnons.

« Bien, allons voir si nous décelons l'odeur du Clan de l'Ombre... » murmura-t-elle simplement une fois qu'ils avaient atteint la prairie. Minable, se dit-elle intérieurement.

Depuis sa nomination de guerrière, malgré sa détermination à prouver sa valeur et sa légitimité à ce rang, elle ne pouvait s'empêcher de se penser ridicule dans le rôle de l'adulte sûre d'elle. C'était comme si Patte Marine était encore en elle.

Le printemps était enfin là. Il naissait lentement tandis que le rude hiver s’endormait enfin pour de nombreuses lunes, ce après quoi il reviendrait hanter les Clans et prendre des vies. La veille encore, le camp était couvert d’un long manteau blanc et froid, assez épais pour couvrir les trois pauvres proies qui remplissait la maigre réserve, en prévision d’une chasse vide de gibier le lendemain.
Lorsqu’il foula le sol du Clan de la Rivière de ses lourdes pattes, ce n’était plus la neige mais bien les flaques d’eau qui éclaboussèrent son pelage. Ce changement lui fit remuer les moustaches de plaisir. Lapis Lazuli n’était pas un chat très expressif, mais pour autant, il n’était pas de marbre face aux petits plaisirs de la vie.
Ses poumons se remplirent d’air lorsqu’il prit une longue inspiration. L’air était encore très froid et humide, mais l’on pouvait sentir à nouveau la douce odeur de l’herbe perlée de rosée du matin. Il faisait encore sombre - en ces temps, le soleil ne se levait que très tard - mais le reste des guerriers s’éveillait doucement, leurs yeux s’illuminant lorsqu’ils purent découvrir que cet enfer blanc s’évanouissait enfin. Ce blizzard avait prit tellement de vie, de larme et de souffrance! Même le grand guerrier avait perdu de sa masse face à cette famine. D’ordinaire, sa musculature et son long pelage le rendait pourtant assez volumineux. Mais en se regardant dans une flaque d’eau, il pouvait constater son amaigrissement. Son poil d’hiver le rendait discret, mais il ne faisait aucun doute que le mauvais temps l’avait amaigrit. Cependant, il ne devait montrer aucun signe de faiblesse. Les tensions étaient palpables en ces temps, et lors d’une patrouille de frontière, il pourrait sembler être une proie facile face à un rival d’un autre Clan.
Cette décision se confirma davantage lorsque Sombre Rivière, le lieutenant de son Clan, décida de l’envoyer en patrouille inspecter les frontières en compagnie d’une autre guerrière, Aigue-Marine. Il avait déjà vu mainte fois la belle femelle, mais ne lui avait jamais vraiment adressé la parole. Ou, si c’était le cas, il n’en avait pas souvenir.

Un petit mulot lui servit de repas avant son départ. Il prit ensuite la route vers la frontière qui les séparait du Clan de l’Ombre, dans la prairie. La traversée fut d’abord plutôt silencieuse. Ce fut la guerrière brune qui vint briser cette absence de parole. Avant cela, il l’avait senti tendue. Il avait l’habitude, l’air froid de Lapis Lazuli, guerrier de 54 lunes bien entamé déjà, n’était pas le plus agréable de tous. La plupart des chats avaient connu plus doux, et si ce n’était pas le cas… le matou ne voulait pas y penser. Il ne souhaitait cela à personne.

« Bien, allons voir si nous décelons l'odeur du Clan de l’Ombre… » lança la guerrière fine d’une voix faible.

Elle murmurait, gênée peut-être, ne sachant comment lancer une approche. Sans grande surprise, habitué à ce genre d’attitude, Lapis Lazuli poursuivit tout simplement d’un ton neutre, comme si une telle distance entre deux chats d’un même Clan en pleine patrouille était quelque chose de banal.

« La saison des feuilles nouvelle vient juste de se lever et la neige de disparaitre dit-il, les yeux rivés sur sa destination. À moins qu’ils ne soient venus renouveler le marquage ou franchir la frontière avant les premières lueur de l’aube, voire même au beau milieu de la nuit, je doute que nous trouvions quelque chose. »

Il ne la regardait toujours pas. A vrai dire, il s’y refusait. Le grand félin gris-bleu évitait le contact visuel autant que possible. Cela permettait d’instaurer une sorte de distance, de mur entre lui et les autres, de conserver cette solitude qui lui était si précieuse, lui qui vivait dans un Clan, une communauté soudée dont il ne pouvait s’extirper. Quand bien même aurait-il voulu vivre en solitaire, nul ne pouvait le nier, pas même lui-même: il dépendait de son Clan. Comme bien d’autres membres de ce dernier. Il avait vécu et grandit au beau milieu de cette clairière humide, se nourrissant du gibier chassé par les patrouilles, protégé par le travail des autres guerriers et soigné par les connaissances des guérisseurs. S’il était fort et massif, Lapis Lazuli ne se donnait pas plus de trois lunes hors de son Clan, chassé par un exil éventuel qui se serait abattu sur lui pour une quelconque raison. Par chance, ces événements n’étaient que des imaginations voguant de ci et là dans ses pensées.
Mais il y avait autre chose à penser. Les temps difficiles commençaient tout juste à se terminer que le guerrier gris se montrait déjà terriblement égoïste. Plutôt que de se concentrer sur leur mission du jour - inspecter les frontières - il préférait se perdre dans ses pensées, ignorant presque celle qui l’accompagnait. Lapis Lazuli s’en voulait. C’était stupide, enfantin, puéril comme attitude. Alors, enfin, il lui lança un regard, brisant finalement cette distance qui lui semblait d’ordinaire si importante.

« Qu’un guerrier du Clan de l’Ombre ose franchir notre frontière, et il n’aura même plus d’yeux pour pleurer! » s’exclama-t-il, lançant cette blague d’un humour fort douteux.

Spoiler:

{ Aucun souci :happy: }

Le temps sembla une éternité à Aigue-Marine. Ce n'était pas cette impression que le temps s'était arrêté, non ; c'était encore plus désagréable : c'était l'impression que le temps continuait de couler, mais avec une lenteur insupportable. Il semblait à la guerrière que cela faisait plusieurs heures qu'elle avait osé prononcer la phrase qui lui avait tant coûté dire. Plusieurs heures pendant lesquelles aucune réponse ne lui avait été adressée - ni réponse verbale, ni signe distinctif d'une parole entendue et assimilée. Évidemment, il ne s'était pas écoulé autant de temps, mais Aigue-Marine se sentait si mal à l'aise qu'elle fit le vœu de se transformer en souris, et même en fourmi, afin de pouvoir fuir rapidement et se mettre à l'abri : à l'abri des autres, à l'abri du jugement. Il était clair que Lapis Lazuli en imposait, et il en imposait d'autant plus à Aigue-Marine, frêle femelle tout juste sortie de la tanière des apprentis et qui peinait à trouver sa place dans le monde des adultes.
Elle ne put réprimer un soulagement lorsque le guerrier aguerri lui répondit enfin. Seulement quelques secondes s'étaient écoulées, mais Aigue-Marine accueillit ces paroles comme si on lui ôtait un poids énorme des épaules. Et pourtant, il n'y avait vraiment pas de quoi : cet échange était des plus banals, la guerrière brune ne pouvait pas se vanter de sa conversation intéressante, ni des attentions qu'elle recevait en retour.
Crispée, elle finit pourtant par croiser le regard de Lapis Lazuli, qui fit l'effort d'alimenter leur échange : « Qu’un guerrier du Clan de l’Ombre ose franchir notre frontière, et il n’aura même plus d’yeux pour pleurer! » Aigue-Marine laissa échapper un rire, reconnaissante. Puis elle se renfrogna : elle ne devait pas se féliciter du pas que venait de faire le guerrier vers elle, elle devait plutôt s'en inquiéter. Inspirait-elle tant de pitié pour qu'un guerrier expérimenté comme Lapis Lazuli fasse l'effort de forcer la conversation ? Plus que la réjouir et la ragaillardir, cette réponse d'autrui enfonça Aigue-Marine dans son malaise.

Elle s'éloigna alors rapidement de Lapis Lazuli, prétextant visuellement une odeur décelée. Elle s'approcha de la frontière d'avec le Clan de l'Ombre et effectua la ronde habituelle : relève des différentes odeurs rencontrées, marquage du territoire, surveillance de l'horizon. Tout semblait en règle.
Alors la jeune femelle s'assit et osa un plongeon dans ses pensées intérieures. Cela faisait très peu de temps que le blizzard avait laissé place à la saison des feuilles nouvelles. La morsure du froid se lisait encore sur tout le territoire, et en observant celui de l'Ombre, Aigue-Marine comprenait que son Clan n'avait pas été le seul à être durement touché. Alors qu'on aurait pu penser que le déchaînement des éléments allaient pousser certaines âmes envieuses à provoquer leurs adversaires, les Clans étaient restés chacun chez eux pendant la tempête. D'après les différentes patrouilles revenues au camp, il n'y avait rien à signaler aux frontières.
Finalement, les chats étaient plus valeureux lorsqu'ils se sentaient sûrs d'eux.
Ça avait été le cas de ce solitaire du nom de Toucan, qui avait franchi le territoire de la Rivière et sur lequel Aigue-Marine était tombée alors qu'elle chassait en solitaire. Elle avait bien failli paniquer, toute jeune guerrière qu'elle était : elle sentait bien qu'elle devait faire ses preuves, mais ne savait pas si elle allait faire le poids face au matou. Finalement, elle avait réussi à le combattre et à le faire déguerpir. Mais, fort de son arrogance, celui-ci était revenu plusieurs jours plus tard, et cette fois, il avait pris pour témoin Charbon Ardent, une autre guerrière de la Rivière.
Aigue-Marine n'était même pas assez convaincante pour chasser un solitaire de ses terres... Elle commençait à douter de ses capacités et elle tendait douloureusement vers l'idéologie de ses meneurs : les femelles étaient-elles finalement réellement inférieures, incapables de défendre un Clan ?

« Lapis Lazuli... » se surprit-elle à dire à l'attention du guerrier. Ses paroles la tirèrent de ses pensées, comme si c'était une force autre, extérieure à elle, qui les avaient prononcées. Mais c'était bien sa voix. Elle n'avait plus le choix, il fallait continuer. « As-tu entendu Étoile du Corbeau et Rivière Sombre parler de l'intrusion d'un solitaire sur nos terres ? » se risqua-t-elle finalement à demander. Son intention était claire : savoir ce qu'il s'était dit, à la tête du Clan, concernant l'intrusion de Toucan et, accessoirement, de la façon dont Aigue-Marine l'avait chassé du territoire. Forte de ses doutes, elle était presque persuadée que ses oreilles avaient dû siffler lorsque l'Étoile et son lieutenant avaient parlé de ce sujet. Elle était certaine qu'ils avaient quelque chose à lui reprocher suite à cet événement. Elle percevait presque la menace émaner du camp, duquel elle et Lapis Lazuli étaient bien loin à présent. Elle tremblait : la peur d'être bannie du Clan la tenaillait chaque jour de plus en plus.

« Je suis navré Aigue-Marine. Je ne prête pas attention aux commérages du camp. Je comprend ta peur, mais je ne pense pas qu’il faille craindre d’importantes répercutions. Les tensions sont lourdes entre les Clans, jamais Étoile du Corbeau ne serait assez stupide pour se séparer d’une bonne guerrier dans un tel contexte, quand bien même serait-elle jeune. »
Les paroles de Lapis Lazuli sonnèrent tel un tonnerre s'abat sur la terre. Elles se voulaient pourtant rassurantes. Le ton du guerrier aurait pu être comparé à la voix d'un père s'adressant à ses chatons récemment nés. Quelques lunes plus tôt, Aigue-Marine aurait sûrement été apaisée par une telle assurance, et elle se serait laissée bercer par ce réconfort, n'omettant aucun doute concernant la véracité de ce qui venait de lui être dit.
Mais aujourd'hui, ce n'était pas le cas. Cela faisait déjà plus d'une demie année qu'Aigue-Marine avait été nommée guerrière ; elle en avait d'abord été fière, humble, et elle avait porté son rôle avec détermination, s'acharnant à prouver sa valeur au jour le jour. Mais plus les lunes passaient et plus sa confiance en elle avait diminué, renforcée par l'image des femelles que le Clan de la Rivière mettait un point d'honneur à diffuser. Aigue-Marine était une guerrière douce et discrète ; tout le contraire du cliché du guerrier avide de pouvoir et sans pitié. Bien qu'elle avait les capacités requises, sa perte de confiance en elle lui avait ôté presque toutes ses facultés.
Si bien qu'elle se retrouvait aujourd'hui aussi faible et démunie qu'un chaton face à un aigle. Et elle n'arrivait pas à croire à ce que Lapis Lazuli lui disait, bien qu'il était certain qu'Étoile du Corbeau ne chasserait jamais un membre de son Clan (sauf erreur impardonnable), quand bien même il s'agissait d'une femelle.

« Tu as sans doute raison. » Elle ne croyait pas plus aux paroles de Lapis Lazuli qu'à celle qu'elle venait de prononcer. Elle se sentait totalement minable. « J'espère être choisie pour combattre aux Rochers du Soleil. » Elle faisait référence à la bataille qu'Étoile du Corbeau avait annoncé contre le Clan du Tonnerre pour récupérer le territoire perdu. « Si le Clan entier pouvait voir de quoi je suis capable... » Cette dernière phrase, elle l'avait murmurée, c'était comme si elle se parlait à elle-même. Lapis Lazuli lui avait offert un espace de confession ; elle l'avait saisi si vite qu'il n'était pas difficile de comprendre que cela faisait longtemps qu'on ne s'était pas vraiment intéressé à elle.

Mais elle refusait d'accaparer l'attention. Ces quelques secondes de dialogue avec elle-même étaient déjà trop.

« Oh, bien sûr, je ne doute pas de l'issue du combat. Le Clan de la Rivière sortira vainqueur, c'est certain, étant données les très bonnes recrues qu'il compte ; tu en fais partie, Lapis Lazuli. »

Aigue-Marine avait eu ses quelques minutes de "gloire", où elle avait parlé d'elle, où elle s'était confiée, où elle avait senti Lapis Lazuli l'écouter. Et même si elle avait besoin de cela, elle refusait que ça ne dure trop longtemps : être le centre du monde la mettait très mal à l'aise.

« Bien, on dirait qu'il n'y a rien de suspect par ici ! » déclara-t-elle finalement, faisant mine de se concentrer à nouveau sur la patrouille de frontières.

« Si le Clan entier pouvait voir de quoi je suis capable... » 
Quel chat n’avait jamais souhaité cela? C’était les aléas de la vie de Clan, de parfois devoir se mêler aux autres félins jusqu’à en perdre, dans les cas les plus extrêmes, son identité propre. Un Clan était une unité, un tout, constitué de toutes les âmes qui le composait. Ainsi, on se sentait souvent disparaître dans cette masse, presque invisible, inutile. Et c’était pire pour les femelles. Considérées plus faibles, mettant à l’écart ceux qui ne trouvaient de mari, quitte à les placer entre les pattes d’un chat bien plus âgés qu’elles. Lapis Lazuli ne se considérait pas féministe, mais de toutes les décisions d’Étoile du Corbeau, c’était celle qu’il appréciait le moins. Ces mariages. Mis en place initialement pour contrer les amours interclaniques, ils brisaient finalement toute sorte d’amour, ne devenant qu’une sorte d’enjeu politique. Alors on réduisait les femelles à des objets que l’on devait caser le plus vite possible. Était-ce là une bonne chose? Cela ne pourrait-il pas influencer la force des guerrières, en les rabaissant à cela, leur ôtant toute forme d’amour propre? Il avait peur qu’à cette bataille planifiée par leur meneur cela leur soit défavorable. Un bon guerrier était un guerrier fort. Et un guerrier fort était un félin bien dans sa peau et dans sa tête.

« Oh, bien sûr, je ne doute pas de l'issue du combat. Le Clan de la Rivière sortira vainqueur, c'est certain, étant données les très bonnes recrues qu'il compte ; tu en fais partie, Lapis Lazuli. »

En signe de reconnaissance, il hocha la tête. Certes, le guerrier gris-bleu n’était pas dénué de force, et sa grande taille était un avantage considérable. Mais le blizzard avait eu raison de lui, l’affaiblissant plus que les hivers précédents. Et comment ne pouvait-elle pas en douter une seule seconde? Rien n’était sûr en ces temps. De plus, le Clan du Tonnerre n’était pas faible. Même s’il ignorait leurs conditions actuelles après l’hiver qu’ils avaient dû subir.

« Bien, on dirait qu'il n'y a rien de suspect par ici ! » poursuivit-elle, comme pour couper court à leur conversation précédente. 
En effet, il n’y avait rien de suspect, comme ils avaient pu en déduire par la patrouille qu’ils venaient de terminer. La réputation du Clan de la Rivière avait sans doute dû avoir un rôle là dessus. Le Clan de l’Ombre n’aurait sans doute pas été assez stupide pour franchir les frontières dans un moment pareil. Les tensions étaient déjà assez tendues, la bataille imminente pour les Rochers du Soleil en étaient la preuve. Bien sûr, ce n’était pas nouveau. Ces terres avaient toujours été une source de conflit majeure entre ces deux voisins. D’ailleurs, il se demandait s’il participerait également, à cette bataille.
Ses dernières paroles ayant été davantage une constatation qu’une question, il ne releva pas.

« Tu fais aussi parti de ces recrues, Aigue-Marine. Ton nom de guerrier en est sans doute la preuve, et quand à ces dernières, je suis sûr que tu les feras très bientôt. »

Lapis Lazuli marqua une pause. Il n’y avait eut aucune trace de chat ennemi sur leur territoire, mais il n’avait vu aucune proie également dans les alentours.

« Peut-être pourrions-nous aller chasser. Ramener quelques proies au camp ne serait sans doute pas de refus. Il faudra des forces aux participants de la bataille. »

Aigue-Marine dévisageait son interlocuteur. En lui témoignant son respect et son admiration face au grand guerrier qu'il était, elle ne s'imaginait pas du tout voir Lapis Lazuli si... las ? Non pas qu'il ait montré sa faiblesse, mais il n'avait pas non plus montré le moindre enthousiasme face au compliment de sa compagne de Clan. Celle-ci se mit alors à l'observer, et c'est en le faisant en détail que quelque chose la frappa : il était bien plus frêle qu'autrefois. Oh, bien sûr, il restait impressionnant, avec sa hauteur au garrot et sa silhouette épaisse non amoindrie par son poil épais. Mais quelque chose avait bel et bien changé : on l'aurait dit plus faible, plus facile à vaincre.
Aigue-Marine était loin de s'en formaliser. Après tout, le blizzard qui avait sévi cette dernière lune avait été terrible, au point d'affaiblir les plus forts. C'était bien normal que les guerriers aient perdu de la masse ; et puis, avec le retour des beaux jours et des proies, cela ne tarderait pas à n'être qu'un mauvais souvenir. Mais malgré tout, la jeune guerrière ne pouvait s'empêche de sentir son cœur se serrer. Une bataille se préparait, qui opposerait Tonnerre et Rivière. Si elle se doutait que les membres du premier Clan seraient eux aussi affaiblis, touchés également par les intempéries, elle ne poiuvait se retenir de soupirer : quelle issue pour cette bataille ? Quels blessés ? Quels... morts ? osa-t-elle penser, non sans frissonner. Elle n'avait encore jamais participé à un combat de tel ampleur, et elle se prenait à s'inquiéter pour ses pairs : devrait-elle voir l'un de ses compagnons de vie perdre la vie pendant ce combat ? Et, en plus de cette pensée, elle ne pouvait pas s'empêcher non plus de réfléchir aux raisons profondes d'une bataille. Était-ce vraiment nécessaire ? Y avait-il réellement une bonne raison pour mettre la vie d'êtres vivants en danger ?

Plus Aigue-Marine avançait dans la vie et plus son innocence de chaton la fuyait. Pourtant, son cœur était resté dans la pouponnière, tous au Clan le savaient. Mais elle grandissait tout de même malgré elle, et entrait finalement de plus en plus dans le "monde des grands". Et ce qu'elle y voyait ne réjouissait pas ses pauvres yeux bleus.



« Peut-être pourrions-nous aller chasser. Ramener quelques proies au camp ne serait sans doute pas de refus. Il faudra des forces aux participants de la bataille. » Les paroles de Lapis Lazuli la tirèrent de ses pensées au moment où elle commençait à désespérer de sa situation et de ce qui l'attendait. Tout s'évapora d'un seul coup, et elle se redressa, revigorée par l'idée d'une chasse en compagnie du matou. Oui, un peu d'exercice lui ferait grand bien - et en plus, remplirait l'estomac de deux ou trois félins au Clan.

« Très bonne idée. Allons-y. » Elle joignit le geste à la parole et s'engouffra dans les fourrés, laissant derrière elle la frontière du Clan de l'Ombre et l'aura mystique qui l'entourait. Les deux guerriers s'éloignèrent côte à côte jusqu'à ne plus sentir l'odeur du Clan ennemi. Ils étaient désormais au beau milieu de leurs terres à eux, et au loin, on entendait d'ailleurs vrombir le torrent. « Alors, chasse ou pê... » commença à demander Aigue-Marine avant qu'elle ne s'interrompe brusquement.

Une odeur nouvelle venait d'emplir ses narines. Il ne s'agissait ni de l'effluve pestilentielle du Clan de l'Ombre, ni du délicieux fumet réconfortant de celui de la Rivière. Cette odeur n'appartenait à aucun Clan, et d'ailleurs, son porteur n'était pas non plus un félin.
Le poil d'Aigue-Marine se hérissa brusquement tandis qu'elle se plaquait au sol de manière instinctive, sur le qui-vive. Elle invita Lapis Lazuli à en faire de même avec un regard mi-effrayé, mi-déterminé. Dans un souffle, elle lança : « Un renard ! »

« Très bonne idée. Allons-y. »
Ces paroles, rapidement suivies par l’agissement de la guerrière. Lorsqu’elle passa devant lui pour rejoindre les fourrées, ce fut comme une page qui se tournait. Comme si leur précédente discussion n’avait jamais eut lieu, passant à autre chose. Et, de toute façon, aussi banale puisse-t-elle avoir été, elle devait ne jamais avoir existé aux yeux des autres félins. C’était mieux ainsi.
Il s’ébourra après s’être levé pour enlever cette fatigue qui lui engourdissait les muscles. Il avait l’impression que ces derniers se fatiguaient davantage au repos qu’à l’action.
D’un pas calme mais décidé, il suivit Aigue-Marine, la jeune guerrière brune du Clan de la Rivière. Jetant un regard derrière lui, il observa la frontière ennemi s’éloigner de plus en plus à chacun de ces pas.
De là où il se trouvait, la frontière était invisible. Enfin, elle l’avait toujours été. Immatérielle, maintenue en vie par diverses patrouilles et le renouvellement des marquages. Mais si l’on ignorait cet aspect olfactif et phéromonal, il n’y avait plus rien. Et pour cause, les autres créatures qui n’étaient pas félines la franchissaient sa d’autre crainte que de rencontrer un prédateur.
Les oiseaux par exemple, avaient-ils des terres délimités dans les airs? Ou des courants assignés à leur race? Ayant toujours vécu au sein d’une tribu, Lapis Lazuli ne parvenait à imaginer une vie sans frontières, sans meneurs. Juste placée sous la crainte du prédateur. Ainsi était sans doute la vie du solitaire, mais quand bien même désapprouvait-il la conduite d’Étoile du Corbeau, cette vie n’était pas pour lui. Il se plaisait davantage en tant que pion. Ces frontières et conflits étaient peut-être nécessaires, finalement. Cela les rendait plus fort, dans l’entraide et l’adversité.

Il se rapprocha de la guerrière, se plaçant de sorte à marcher à ses côtés. Il faisait encore frais, mais le froid du vent était bien plus simple à supporter que lors du blizzard. Le ciel autrefois pluvieux se dégageait progressivement, laissant entrevoir le firmament bleu clair entre ces masses grises. Peu importe les frontières, les cieux étaient bien quelque chose que tous les Clans partageaient en commun. Les yeux rivés vers ces derniers, il ne les en détacha pas lorsque Aigue Marine brisa une fois de plus le silence qui régnait entre eux.
« Alors, chasse ou pê… »

Elle s’était arrêté en plein milieu de sa phrase, et ce fut un détail qui perturba Lapis Lazuli. Par réflexe, il posa ses yeux sur cette dernière, qui s’était subitement plaquée au sol. Sans vraiment chercher à comprendre pourquoi, il l’imita. Y-avait-il un guerrier ennemi? Non, c’était autre chose. En humant l’air, il ne fallut pas longtemps au matou pour comprendre pourquoi. Il y avait autour d’eux cette fraiche odeur acre et particulièrement désagréable commune aux renards. L’un de leurs principaux prédateurs. Il ne l’avait même pas remarqué, trop occupé à rêvasser. Bon sang Lapis Lazuli, tu es en patrouille, pas en promenade de santé.
« Un renard! » confirma rapidement la femelle brune.

Et il était proche d’eux, lapant l’eau d’une flaque d’eau pour s’abreuver. C’était un jeune mâle, qui avait vécu son premier hiver sans doute. Et comme eux, il avait été affaibli. Mais il avait été à priori assez fort pour y survivre.
Tapis au sol pour se faire les plus discrets possible, ils ne purent empêcher la bête de sentir leur odeur. Faiblement, sans doute, puisqu’il tourna la tête plusieurs fois avant de les remarquer. Et lorsqu’il aperçu les félins, il retroussa ses babines, dévoilant les dents de son horrible gueule puante. Ses yeux ambrés passaient d’un chat à l’autre, comme pour s’assurer de n’en perdre aucun de vue. Ses côtes se dessinaient sur son corps, attestant de sa faim. L’eau à la gueule, ses intentions étaient claires: il était assez désespéré pour s’attaquer à deux félins.
L’animal roux au pelage d’hiver s’approcha lentement, sans se laisser perturber par quoi que ce soit d’autre. Et, dangereusement, il se rapprochait d’eux.

Toutes griffes et croc dehors, le guerrier gris-bleu gonfla son long pelage, se faisant immédiatement plus imposant. Il tourna mécaniquement la tête vers la gauche, son oeil droit crevé lui étant inutile au combat. Il ne voulait qu’un angle mort lui arrache sa vie. Et celui-ci, ils ne pourraient l’éviter. Il avait déjà commencé.
Grognant en signe d’avertissement pour signaler son hostilité au prédateur, il lui laissa comme une chance. Il était jeune en apparence, quoique vigoureux. Peut-être était il assez « intelligent » pour se rabattre sur un lapin ou une autre proie plus facile. Mais il déclina l’invitation, faisant un pas supplémentaire vers la petite patrouille.

La queue fouettant violemment le vent, il cracha face au renard, enragé par sa présence. De nombreux éléments se bousculaient dans sa tête: les tensions grandissante entre les Clans de la Rivière et du Tonnerre. La guerre de territoire imminente. Aigue Marine forcée de faire ses preuves. Ils devaient donc veiller à ne pas se blesser trop gravement, mais également ne pas le laisser s’approcher du camp. Ce serait-là presque impardonnable, et aggraverait probablement la condition de la femelle qui lui tiraillait l’esprit.



RP EN COURS - Je sais pas s’il faut lancer les dés pour les combats contre les renards, j’attend de pouvoir demander au staff :v

« Très bonne idée. Allons-y. »
Ces paroles, rapidement suivies par l’agissement de la guerrière. Lorsqu’elle passa devant lui pour rejoindre les fourrées, ce fut comme une page qui se tournait. Comme si leur précédente discussion n’avait jamais eut lieu, passant à autre chose. Et, de toute façon, aussi banale puisse-t-elle avoir été, elle devait ne jamais avoir existé aux yeux des autres félins. C’était mieux ainsi.
Il s’ébourra après s’être levé pour enlever cette fatigue qui lui engourdissait les muscles. Il avait l’impression que ces derniers se fatiguaient davantage au repos qu’à l’action.
D’un pas calme mais décidé, il suivit Aigue-Marine, la jeune guerrière brune du Clan de la Rivière. Jetant un regard derrière lui, il observa la frontière ennemi s’éloigner de plus en plus à chacun de ces pas.
De là où il se trouvait, la frontière était invisible. Enfin, elle l’avait toujours été. Immatérielle, maintenue en vie par diverses patrouilles et le renouvellement des marquages. Mais si l’on ignorait cet aspect olfactif et phéromonal, il n’y avait plus rien. Et pour cause, les autres créatures qui n’étaient pas félines la franchissaient sa d’autre crainte que de rencontrer un prédateur.
Les oiseaux par exemple, avaient-ils des terres délimités dans les airs? Ou des courants assignés à leur race? Ayant toujours vécu au sein d’une tribu, Lapis Lazuli ne parvenait à imaginer une vie sans frontières, sans meneurs. Juste placée sous la crainte du prédateur. Ainsi était sans doute la vie du solitaire, mais quand bien même désapprouvait-il la conduite d’Étoile du Corbeau, cette vie n’était pas pour lui. Il se plaisait davantage en tant que pion. Ces frontières et conflits étaient peut-être nécessaires, finalement. Cela les rendait plus fort, dans l’entraide et l’adversité.

Il se rapprocha de la guerrière, se plaçant de sorte à marcher à ses côtés. Il faisait encore frais, mais le froid du vent était bien plus simple à supporter que lors du blizzard. Le ciel autrefois pluvieux se dégageait progressivement, laissant entrevoir le firmament bleu clair entre ces masses grises. Peu importe les frontières, les cieux étaient bien quelque chose que tous les Clans partageaient en commun. Les yeux rivés vers ces derniers, il ne les en détacha pas lorsque Aigue Marine brisa une fois de plus le silence qui régnait entre eux.
« Alors, chasse ou pê… »

Elle s’était arrêté en plein milieu de sa phrase, et ce fut un détail qui perturba Lapis Lazuli. Par réflexe, il posa ses yeux sur cette dernière, qui s’était subitement plaquée au sol. Sans vraiment chercher à comprendre pourquoi, il l’imita. Y-avait-il un guerrier ennemi? Non, c’était autre chose. En humant l’air, il ne fallut pas longtemps au matou pour comprendre pourquoi. Il y avait autour d’eux cette fraiche odeur acre et particulièrement désagréable commune aux renards. L’un de leurs principaux prédateurs. Il ne l’avait même pas remarqué, trop occupé à rêvasser. Bon sang Lapis Lazuli, tu es en patrouille, pas en promenade de santé.
« Un renard! » confirma rapidement la femelle brune.

Et il était proche d’eux, lapant l’eau d’une flaque d’eau pour s’abreuver. C’était un jeune mâle, qui avait vécu son premier hiver sans doute. Et comme eux, il avait été affaibli. Mais il avait été à priori assez fort pour y survivre.
Tapis au sol pour se faire les plus discrets possible, ils ne purent empêcher la bête de sentir leur odeur. Faiblement, sans doute, puisqu’il tourna la tête plusieurs fois avant de les remarquer. Et lorsqu’il aperçu les félins, il retroussa ses babines, dévoilant les dents de son horrible gueule puante. Ses yeux ambrés passaient d’un chat à l’autre, comme pour s’assurer de n’en perdre aucun de vue. Ses côtes se dessinaient sur son corps, attestant de sa faim. L’eau à la gueule, ses intentions étaient claires: il était assez désespéré pour s’attaquer à deux félins.
L’animal roux au pelage d’hiver s’approcha lentement, sans se laisser perturber par quoi que ce soit d’autre. Et, dangereusement, il se rapprochait d’eux.

Toutes griffes et croc dehors, le guerrier gris-bleu gonfla son long pelage, se faisant immédiatement plus imposant. Il tourna mécaniquement la tête vers la gauche, son oeil droit crevé lui étant inutile au combat. Il ne voulait qu’un angle mort lui arrache sa vie. Et celui-ci, ils ne pourraient l’éviter. Il avait déjà commencé.
Grognant en signe d’avertissement pour signaler son hostilité au prédateur, il lui laissa comme une chance. Il était jeune en apparence, quoique vigoureux. Peut-être était il assez « intelligent » pour se rabattre sur un lapin ou une autre proie plus facile. Mais il déclina l’invitation, faisant un pas supplémentaire vers la petite patrouille.

La queue fouettant violemment le vent, il cracha face au renard, enragé par sa présence. De nombreux éléments se bousculaient dans sa tête: les tensions grandissante entre les Clans de la Rivière et du Tonnerre. La guerre de territoire imminente. Aigue Marine forcée de faire ses preuves. Ils devaient donc veiller à ne pas se blesser trop gravement, mais également ne pas le laisser s’approcher du camp. Ce serait-là presque impardonnable, et aggraverait probablement la condition de la femelle qui lui tiraillait l’esprit.

Le renard prit les initiatives du combat, remplaçant sa marche délicate et son regard analytique par un pas de course désespéré. Il criait famine. Mais ce n’était pas le problème de Lapis Lazuli. C’était là presque un avantage. Enfin, ça aurait pu l’être, si cela l’affaiblissait. Mais il semblait que voir deux proies devant lui lui offrait une force acharnée, voyant en ces félins comme un dernier espoir.
Prenant appui sur ses pattes arrière, il bondit en direction de l’animal lorsqu'il fut proche d’eux. Il se réceptionna à côté de lui, prêt à lui assener un violent coup de griffe. Mais le prédateur fut plus rapide, se tournant subitement vers son assaillant. Et avant qu'il n'ait le temps de réagit, le félin gris bleu senti les crocs de l'animal frôler sa gorge et son souffle putride sur son pelage. Par chance, il prit du recul à temps, et la gueule de l'animal se ferma dans le vide plutôt que sur sa carotide.


Note: le renard a 125 PVs, on joue ses actions.

Spoiler: