Après la pluie... - end

« Rien de grave ? » lui lança la jeune guerrière.
Le renard avait disparu dans les fourrées, prenant la fuite la queue entre les pattes. Le combat l'avait considérablement affaibli, et avait probablement fait rentrer dans la tête de l'animal roux que se lancer dans un affront tout en étant affaibli par le blizzard n'était certainement pas une bonne idée.
Mais les deux félins étaient eux aussi sacrément amochés.
Aigue Marine avait une oreille arrachée. Et les blessures à la tête saignaient toujours abondamment. Elle paraissait donc plus impressionnante qu'elle ne l'était déjà, des filets de sang s'écoulant autour de la plaie.
Lapis Lazuli, lui, avaient les muscles du corps qui le tiraillaient. Les coups de griffes et de crocs reçus du renard avaient du être sacrément bien placé, et il passerait sans doute la journée du lendemain lové dans son nid, à moitié endormi sous l'effet du pavot.
Mais ils s'en remettraient. Comme toujours.

« Tu t'es bien battue, lui offrit-il en guise de réponse. Si tu étais plus sûre de toi, tu serais meilleure encore, mais tu deviendras probablement rapidement un élément important parmi les rangs du Clan de la Rivière. »

Il pensait ses paroles. Pour une jeune guerrière, Aigue Marine était largement compétente, quoiqu'en dise les autres membres du Clan du fait de son sexe. Et la renier pour une telle raison porterait davantage de la stupidité que de la raison. Un tel élément ne pouvait pas être écarté sous prétexte que les mâles étaient supérieurs. Il trouvait ça... stupide.

« Nous devrions rentrer prévenir Étoile du Corbeau ou Rivière Sombre, puis aller voir la guérisseuse. Le renard que nous avons rencontré semblait jeune. Il y en a peut-être plus encore dans les environs, il faudrait lancer une patrouille... de guerriers en l'état de le faire. »

Et ils ne l'étaient pas. Sur ces mots, il prit le chemin du retour vers le camp, boitillant tout les deux pas, cherchant désespérément un appui plus confortable pour continuer la route. Il fallait se donner une raison, ces blessures ne partiraient pas avant plusieurs jours de repos, avant lesquels il ne pourrait retrouver sa forme habituelle.
Une bataille entre le Tonnerre et la Rivière se profilait au fil des jours. La tension palpable entre les voisins en ferait sans doute éclater une d'ici quelques lunes. Raison suffisante pour qu'il ne prenne pas le risque de s'abimer plus encore. Cette bataille, son Clan et lui la remporteraient.

« Tu t'es bien battue. Si tu étais plus sûre de toi, tu serais meilleure encore, mais tu deviendras probablement rapidement un élément important parmi les rangs du Clan de la Rivière. » Aigue-Marine sentit le sang lui monter aux joues, et elle baissa timidement la tête, gênée par ce compliment soudain qu'elle n'attendait pas. Bien que son attitude pouvait montrer qu'elle était dérangée par ce compliment, elle en était en fait ravie, et elle l'enfouit immédiatement au plus profond de son esprit, motivée à le ressortir dès que le courage lui ferait défaut.
Lapis Lazuli était un membre aguerri et reconnu du Clan de la Rivière ; qu'il pense sincèrement qu'elle en serait une membre respectable elle aussi lui donnait une force inimaginable. Décidément, bien que ce jour avait été marqué par un combat douloureux contre un renard, il lui avait apporté bien plus que tous les autres.

« Je te remercie, Lapis Lazuli. Ça me touche beaucoup », répondit-elle simplement, relevant ses yeux azur vers les prunelles du mâle.

Lorsque celui-ci parla d'un retour au camp et, surtout, d'une annonce à Étoile du Corbeau ou Rivière Sombre de ce qui venait de se produire, la jeune guerrière tressaillit. Elle avait peur que toute l'euphorie de l'instant qu'elle venait de vivre ne retombe en passant les fortifications du camp : l'ambiance misogyne qui y régnait lui était de plus en plus insupportable.
Cela dit, Aigue-Marine savait que le vétéran avait raison ; aussi acquiesça-t-elle d'un signe de la tête en se plaçant aux côtés de lui pour marcher en direction du camp. Elle redoutait franchement la réaction de la hiérarchie en les voyant arriver, tout penauds, saignant de toutes parts ; mais ils n'avaient pas été là pour regarder le combat qu'ils avaient menés, combat pour lequel ils pouvaient être fiers.

À cette pensée, Aigue-Marine releva la tête.
C'était décidé ; elle ne se laisserait plus marcher sur les pattes.
Nuage Marin était définitivement envolé.

[END]