[BATAILLE] Destin scellé - end

Plus les secondes passaient et plus l’attente semblait interminable. Si le sol souffrait déjà sous les griffes de la furie noire, elle ne pensait qu’à les planter sur quelque chose ou plutôt sur quelqu’un de bien vivant. Repérer sa proie n’était que la dernière de ses préoccupations. Palpitant, suant littéralement, entrant dans une dangereuse transe d’avant affrontement, elle sentit son regard et tout son être flambé. Elle était faite pour le combat, elle était faite pour déchirer la peau et les corps de ses ennemis. Elle avait été engendrée pour cela. Elle était née dans le seul but d’entreprendre des combats qu’elle voulait plus prestigieux et plus glorieux les uns que les autres. Oh ! Elle aurait son jour de gloire. Aujourd’hui ? Elle n’attendait plus qu’à faire ses preuves. Elle attendait ce signal. Ces mots qui devaient sortir de la gueule d’Etoile du Corbeau, cette autorisation pour se lancer pleinement dans le combat, pour virer ses sacs à puces des rochers du Clan de la Rivière. Si la lutte n’avait pas encore commencé, si elle se faisait encore attendre, Charbon Ardent avait déjà assassiné la plupart des membres du Clan du Tonnerre d’un simple regard. La folie guerrière l’empoigna davantage encore quand enfin le prestigieux meneur du Clan de la Rivière lâcha les fauves dans l’arène, ordonnant simplement d’écraser les insectes qui se dressaient devant eux. L’impatience qui avait tant fait pulser le cœur de la femelle noire, qui avait donné cet éclat dangereux à ses yeux d’ambres, se libéra en l’espace d’une seconde. Une précieuse seconde qu’elle se donna, détendant ses muscles pour les regonfler presque aussitôt. Une seconde de trop, une seconde qu’elle n’aurait pas dû laisser à ce chat noir et blanc qui avait jugé intelligent de s’agripper à son dos. Rouge, sang, colère. Si elle ne sentit, dans un premier temps, pas le poids du Guerrier, ni même ses griffes qui s’enfonçaient langoureusement dans sa peau, elle fut contrainte de réprimer un piaillement de douleur, pour que rien, d’autre qu’un grondement sourd et menaçant ne s’échappe de sa gueule alors qu’elle se jeta littéralement sur le sol, ruant son dos à même la terre, emmenant avec elle son assaillant qui lui servit d’amortisseur. De sa gueule coula un acide à l’égard du Guerrier qui avait choisi de l’affronter.

« Dégage du con ! »

© waize

Flottant comme seule lueur dans le regard intense que vouait la Guerrière à la scène, la lueur Guerrière gagnait du terrain. Si elle ne se sentait que très peu concernée lorsqu’elle avait été mise au courant de l’affront du Clan de la Rivière, les choses avaient pris une toute autre tournure à présent. Sur le champ de bataille, lorsque toute l’intégrité et la sécurité d’un Clan étaient menacé, qui plus est le sien, les ailes poussaient à la Guerrière, lui donnant un instant de répit sur son lourd chagrin. C’est ainsi qu’elle s’était tout bonnement laissée submergé par ses devoirs, prônant bien au-delà de sa propre santé mentale. Le mal qui la rongeait était toujours présent, pourtant, il était devenu fluet, presque indétectable sous l’armure qu’elle venait de monter à même les Rochers du Soleil. Elle défendrait chacun de ses camarades, garderait un œil protecteur sur les plus jeunes comme sur les plus anciens, même Suie aurait droit à un peu de sa considération. Si la grise n’était pas d’accord avec sa façon d’être et d’agir, elle n’en faisait pas moins partie de son Clan et en était en plus la pitoyable meneuse. Croisant une fraction de seconde à peine le regard de celui qui avait conclu, tactiquement, avec elle leur affrontement, l’émeraude intense qui rayonnait au fond de ses iris ne laissèrent pas une seule seconde place à l’hésitation lorsqu’Etoile du Corbeau se permit d’insulter les siens de vermine. Se lançant dans l’affrontement à l’instant même où son adversaire en faisait de même, elle se promit de rester impartiale pour le bien de son Clan. Si en cet instant précis, seule la tension dans ses muscles dictait sa façon de penser. Si ses neurones refusaient de mettre un nom sur le Guerrier qui venait de figer ses crocs dans son flanc, elle se promit de ne pas l’épargner. Lâchant l’écho d’un grincement plaintif, la cendrée ne laissa pas le doute l’assaillir lorsque son adversaire relâcha son flanc. Réagissant à vif, elle laissa ses crocs trouver son oreille, s’y figer, espérant arracher une complainte à celui dont le nom et l’identité restaient désespérément loin de ses inquiétudes.

© waize

Un grondement s’éleva de la masse qui se trouvait sous le guerrier bicolore. Un très léger sourire parcourra les babines du guerrier, satisfait. Jusqu’à ce qu’elle s’écrase contre le sol, le faisant lâcher prise. Certainement un peu affaiblie. C’était le but recherché. Il était écrasé, son souffle se coupa l’espace d’un instant avant de se tortiller pour se sortir de cette situation qui ne l’arrangeait pas. Situation, qui en temps normal n’a rien d’arrangeante.

« Dégage du con ! »

Un nouveau sourire passa sur le regard du guerrier, il la fixait droit dans les yeux, le regard bien plus provocateur que d’habitude. Lui qui s’était calmé durant toutes ces lunes. Le passé resurgissait. Il ne se laisserait pas avoir, encore moins par une femelle. Son honneur et sa fierté étaient tous les deux en jeu. Il ne pouvait pas perdre les rochers du Tonnerre. Il mettait sa vie en jeu pour les garder, pour que les générations futures puissent elles aussi en profiter. Comme lui l’avait fait quand il était plus jeune. Pouvoir se prélasser au soleil, à même la pierre. Une fois le mâle dégagé, il ne lui suffit que quelques micros secondes pour se remettre de sa chute, chargeant une fois de plus la guerrière de la Rivière, crocs découvertes et griffes dehors.

« Et en quel honneur est-ce que je ferais ça, face de poisson ? »

© waize