Tu nous as fait attendre [Neuf vie de Foudre] - end

Et puis il se sentit fondre, redevenant cette masse de goudron frétillante, se hissant de toutes ses forces sur des pattes lourdes dont les muscles atrophiés limitaient les mouvements pour prendre la forme de ce dont on voulait de lui; un nez rencontra son front mais il ne fit pas l'erreur d'ouvrir les yeux pour voir  qui  lui offrait cette dernière vie.

Il n'en eut pas besoin.

Tu nous as fait attendre.

Elle se tenait à l'écart, avec à ses côtés, Petit Grizzly, ce frère qui n'avait pas eu la chance de vivre mais qui lui était tant de fois apparu après qu'elle est choisi sa voie. Ce frère qui avait été plus qu'un simple mort parmi tant d'autre. Il était la raison de sa foi indéfectible, de sa confiance envers le clan des étoiles pour veiller à tout jamais sur le clan qui l'avait vu naître. Et à ses pattes, une boule de poil tout aussi petite, tout aussi parsemé de poussière d'étoiles et dont le parfum dégageait pourtant celui de la Noisette. Leur fille, la seule qui n'avait pas eu la chance d'inspirée à plein poumon l'air de la forêt mais qui, à son arrivée, s'était tenue prête pour accueillir sa mère, pour la soutenir. Mais son rôle à Elle était d'attendre, d'observer mais... Mais voilà, elle adressa un regard au petit mâle proche d'elle. Son tour arrivait et sa décision était prise. Les mots étaient là, dans sa tête, dans son esprit mais surtout, dans son cœur. Et les dons s'enchainaient, la laissant en retrait.
Alors, quand le nouvel Étoile se sentit à nouveau prêt, quand il ferma les yeux, quand le silence retomba sur l'assemblée de chat étoiles, elle ferma les yeux à son tour. Et si il y eu bien un souffle d'air, infime, signe d'un mouvement, elle était déjà "ailleurs".

Et elle fendis les rangs et avant qu'aucun ne puisse y miauler protestation,
elle apposa sa truffe sur le crâne avant que sa voix ne les plonges tout deux dans un mélange de souvenirs.

- Avec cette vie, je t'offre la foi...

***

Elle était jeune, une apprentie guerrière mais elle faisait face à sa propre mère. Toute sa vie, on lui avait reproché son nom, toute sa vie, on la tenait pour responsable de la tête cassé de sa mère. Mais ce jour là, elle avait cru en elle-même et en ses ancêtres ... Elle avait cesser d'être la chatonne, l'apprentie qui se cherchait pour emprunter un chemin, pour finalement suivre son cœur, ses croyances, sa propre foi. Son chemin.

Ils tourbillonnèrent, tout deux, plus avant, délaissant la Cœur de Serpent amer ...

Il se tenait face à elle et lui proposait de s'adjuger sa proie à elle. Parce qu'elle-même n'était plus une chasseresse. Parce que ses proies à elle devait être vertes, odorante, apaisante, curative. Elle aurait du se tenir loin de lui, au lieu de ça, elle s'était laisser prendre dans sa toile. Oui, il aurait du être un camarade, un ami, quelqu'un qui respectait sa place et pourtant. Pour rien elle n'aurait voulu qu'il change. Une nouvelle proie en gueule, un rendez-vous supplémentaire ... Elle y avait tellement cru, oui, sa foi à elle en son propre avenir avait été si fort, si puissant. Elle s'imaginait être une guérisseuse reconnu, une guérisseuse de confiance elle ...

- Ne la perd jamais ...

Cette confiance, cette lumière. Elle la voyait déjà chez lui alors ? En tout cas, il l'amusait. Non. Il l'attirait, lui plaisait et pas comme un camarade. Il y avait chez lui quelque chose qu'elle voulait soigner, réparer. Mais surtout, qu'elle voulait découvrir, comprendre, effleurer ... Dès le début, il ne le lui avait rien caché et ... Elle se souvenait d'avoir penser qu'il n'avait pas de cœur, qu'il était brisé - un instant l'image d'un jeune bengal snow mink aux yeux gris se glissa entre eux - et elle se rappela avoir désiré être celle qui le rassemblerait, le recollerait ? Et puis il y avait eu de l'obscurité et le seul qui pouvait lui répondre, sans détour, s'était LUI. Elle avait espérer pouvoir soulager les autres en apprenant le pire de lui, de cette nuit terrible où les Lunar Pod avaient frappés. Cette même nuit où le clan du Tonnerre avait changé de chef et ... Et elle avait cru naïvement pouvoir changer ce qui ne devait en aucun cas changer. Se modifier oui, mais doucement, au gré de nouvelles expériences, et pas brutalement. Car un arbre blesser portera toujours la cicatrice même s'il pousse de travers. Oui, même ainsi, il apporte toujours air, abris, protection ...
Les yeux bleu se voilèrent, un instant, tel le froid de la Neige entre eux - Neige de Minuit s'immisça en image, fourrure blanche aux extrémité bleu - et une fois encore, Il pu le sentir. Chaque nom avait été dument choisi. Neige comme le blizzard qu'il avait vécu, qui l'avait casser. Brisé... Et puis déjà, le froid fut chasser par un - Coup de Chaleur - la chaleur de l'amour naissant. La chaleur de ses espoirs à elle, pour lui, pour eux. Je n'étais pas la seule à avoir foi en toi ... Et tendis qu'elle lui disait ça, elle se souvenait être entrée sans hésitation dans la renardière. Elle se rappelait qu'il l'avait mise en garde du pourquoi il avait besoin de ce lieu. Et le Secret de leur nuit. Des secrets, il y en avait eu, mais même maintenant, la seule chose qu'elle retenait, s'état la - Chance - qu'elle avait eu de le connaître. Il lui avait ouvert les yeux sur sa vision à lui, il lui avait ouvert le cœur pour s'en saisir et outrepassé ce que les étoiles avaient eu à lui donner. Il avait mis sa foi à mal et pourtant, elle n'avait jamais perdu la certitude que le Firmament veillerait sur son clan, sur les siens - les images de deux portées de chatons se superposèrent avant de disparaître pour ne laisser entre eux qu'une explosion aussi vive qu'un Coup de Foudre.

- Garde foi en l'Amour des tiens ... Car il y aurait toujours quelqu'un pour croire en lui comme elle avait cru - croyait. Il ne serait Jamais seul. Jamais. Tel une meute de - Louve - les clans vivaient ensemble. Ils étaient toujours là pour se soutenir les uns les autres, aussi différent que le pelage des - Lycaon - et pourtant uni dès lors que le danger venait. Oui, chaque membre du clan du Tonnerre, chaque Étoiles aujourd'hui éteinte ne faisait qu'un. Elle souri, se rappelant leur ébats, sa première faute. Avait elle perdu foi ensuite ? Non. Elle avait perdu quelque chose oui, mais elle avait toujours sus que son clan ne sombrerait pas, qu'on offrirait juste foi à quelqu'un d'autre. Et pourtant, face à sa perte, elle avait gagner tellement plus ...

- Offre ta foi en tes camarades ... Les aspirations de tous étaient comme un - Arc-en-Ciel - couleurs si différentes et pourtant harmonieuse. Tous différent mais ayant besoin des uns des autres. Et puis ...

Ils plongèrent au cœur des ténèbres, tels deux Aveugles.
Le choc, le silence, ne voir que le dos des autres. La solitude. Et Lui. Il était là, toujours, seul regard qui la suivait, seule lumière, seule chaleur à ne pas se détourner. Ils avaient gardés foi l'uns envers l'autre, malgré les différences, contre vents et marées. Ils avaient marcher du même pas. Ils s'étaient tour à tout briser, échouer et la présence de l'autre avait reconstruit par dessus les débris, faisant de ces derniers les fondations de leur avenir ... Il y avait eu des larmes, de la jalousie aussi - pour elle - mais finalement, ensemble, ils avaient décidés de passer au dessus de tout ça. Deux étoiles filantes avançant en même temps. Même si elle s'était éteinte avant lui.

***

Elle détacha son museau du crâne pour souffler, brise légère qui annonçait pourtant la tempête. Tout avait une fin sauf la foi. Toujours il y aurait quelqu'un pour croire.

- Je t'ai donner la foi pour que tu es toujours Foi en nous, en toi, en ceux qui t'entourent... Garde la précieusement, chéri la, fait la grandir. Un jour viendra, tu devras faire le grand saut toi aussi. En attendant que ce moment ne vienne, fais en sorte que ta foi, notre foi à tous continue de briller ...

Et elle se recula, se fondant dans la nuit. Elle ne pouvait rester. Elle en avait déjà trop fait et elle n'avait plus qu'à attendre. Là, dans un semi-brouillard. mais elle n'était pas seule. Elle ne l'avait jamais été et à présent, elle le savait, lui non plus ne serait plus jamais seul. Et pourtant, sa voix douce souffla encore, un bref instant, promesse éternelle de tout ce qu'elle avait vécu, POUR LUI.

- J'ai foi en toi ...

Ainsi, elle pouvait disparaître à sa vue en attendant qu'il lui revienne, dans neuf vies. Une éternité mais si brève finalement. Doucement, elle se pencha pour lécher la tête de Petite Noisette, guère pressé d'en faire de même avec Foudre, ni avec leurs autres enfants. Ils avaient encore tant de chose à apporter.

Les prunelles bleu se fermèrent, laissant le don et ses mots se faire emporté vers un nouveau Chemin.

Malgré toute la chaleur qui lui prit au dedans, percuté par la déferlante de souvenirs plus chers que jamais, ce n'était pas Fifi qui lui offrait cette vie.

C'était bien son histoire, ses souvenirs, son vécu et tout ce qui l'avait cousue mais ce n'était pas dans ses pas qu'il marchait, et ce n'était pas son poil mi-long et sa queue à longue traîne qui fermait sa marche. Cet oedème se suppurant de tout l'amour qui lui avait été possible de ressentir ne changea pas son poil visqueux sur son corps fragile et inerte.

Il était mort de toutes les morts dont avait souffert ses amis, mais cette fois-ci fut la pire: quand il mourra, il ne s'en rendit pas compte, car il mourrut sans ne jamais avoir la chance d'expérimenter la vie. Tout ces souvenirs, donc, n'étaient pas les siens - ils étaient ceux d'une Étoile Précoce qui avait suivi les pas de sa soeur et qui lui léguait à lui tout ce que son omniscience post-mortem lui permettait. Mais une vie? Une vie? Petit Grizzly n'avait jamais eu cette chance.

Dans l'éther de cet outremont, de cette frontière entre la Terre et Les Étoiles, Coup de Foudre pensa aux pies-grièches, et aux lardoirs où elles empalaient leurs proies. Une rage sans nom le saisit, lui fit ouvrir les yeux et le voir: le corps sans tonus d'un chaton qui n'avait jamais pris sa première respiration. Son corps visqueux et reluisant frais de son passage dans le canal natal. Les orifices où se trouvaient ses yeux qui n'avaient jamais vus un seul rayon de soleil.

C’était une chose un peu tragique, au final, que de mourir pour être lié éternellement à sa vie d’avant. Pouvait-on vraiment parler de « repos éternel », s’il était impossible de se défaire un tant soit peu de ses souvenirs, bons comme mauvais ? Elle avait arrêté de regarder la cérémonie. Elle connaissait la chanson. Mais elle avait remarqué, avec le temps, que la plupart des chats présents ici l’étaient pour des raisons injustes. Partis trop tôt, arrachés à la vie par la maladie, par la guerre, par un chien ou un faucon, ou même tout simplement par manque de chance. Presque aucune vie pleinement vécue, de la pouponnière à la tanière des anciens. Si la vie était cruelle, la mort l’était toute autant : on laissait ces chats partis prématurément regarder à longueur de journée ceux qui avaient la chance de continuer à fouler le sol de la forêt, envieux, jaloux. Même s’ils ne l’admettaient pas, elle savait qu’ils l’étaient. C’était normal, c’était félin. Mais les Étoiles, mystiques, devaient sauver la face.
— Vent du Nord ! l’appella Coup de Foudre.
L’intéressée releva la tête : il était temps de partir. Elle rejoint le chef et ses neuf vies, chef visiblement secoué par ce qu’il venait de traverser. Pour elle, ça n’avait duré que quelques minutes. Pour lui, sans doute des heures.
— Ferme les yeux, lui dit-elle.
La guérisseuse le fit en premier, et les rouvrit sur la réalité. Enfin, leur réalité. La sensation de la roche froide sous ses pattes avait quelque chose de réconfortant. Elle lui donna un coup de patte, puis deux, pour l’aider à revenir à lui. Quand il fut réveillé, elle lui laissa le temps (mais pas trop non plus). Les premiers retours des voyages vers le Clan des Étoiles étaient toujours éprouvants.
— On rentre, annonça-t-elle après s’être longuement étirée pour se préparer à la traversée. Je t’accompagne jusqu’à la frontière de ton territoire. La tradition veut que le guérisseur accompagne le meneur jusqu’au bout, pour le guider dans les Hautes-Pierres et le protéger grâce à l’immunité qu’ils sont censés avoir. Elle marmonna ces derniers mots entre ces dents — Étoile Feulante lui avait prouvé que ce n’était jamais vraiment acquis. Une fois chez toi, tu ne seras plus en danger, donc ça devrait aller.
À peine eut-elle terminé sa phrase que Vent du Nord s’empressa de rejoindre la sortie. Elle détestait cet endroit, qu’elle trouvait oppressant. Ce n’est qu’après avoir enfin retrouvé la surface et respiré l’air frais de minuit qu’elle réalisa qu’elle avait manqué quelque chose.
— Au fait, c’est quoi ton nouveau nom ?

Tout s'évanouit en même temps: tout ceux qu'il aimait, les lieux, lui-même et Vent du Nord et dans son oreille persistèrent les échos du blizzard qui s'essouflait avec la dissolution de l'abstrait.

Quand il rouvrit les yeux,  Coup de Foudre  tituba vers l'arrière, momentanément déboussolé à la fois par la lourdeur, et les dimensions de son corps; il lui lançait dans le dos, dans les pattes, bizarrement dans sa queue, et un hoquet lui fit inspirer la poussière de la grotte avant de s'étouffer dessus et il sut, dans la banalité du geste, que lui et Vent du Nord étaient vraiment de retour. Son reflet dans la pierre de lune ne cessait de le fixer sous toutes ses facettes, arrachant à son dos un frisson dont il ne sut vraiment l'origine. Peut-être rien. Peut-être tout.

— On rentre, retentit la voix de Vent du Nord, qui prenait le temps de s'étirer.

Bonne idée. Il revascularisa son corps de tout son long tout en se mettant en route, étirant ses postérieurs jusque dans leurs orteils avant d'emboîter le pas pour de bon. Il était groggy — se savait groggy, encore un pied entre le rêve et la réalité car à plus d'une fois pendant le voyage il crut halluciner sa patte se multiplier sous ses yeux. Se multiplier, et changer de pelisse: quelque chose lui pesait dans la poitrine, si gros qu'il n'avait d'autre choix que de traîner les pattes, et d'abaisser la tête, et de fermer les yeux. Pour un chat qui prônait l'entente avant tout c'était quand même risible de se savoir prêt à tuer pour un nid.

— Je t’accompagne jusqu’à la frontière de ton territoire, la voix de Vent du Nord résonna, plus loin en avant. La tradition veut que le guérisseur accompagne le meneur jusqu’au bout, pour le guider dans les Hautes-Pierres et le protéger grâce à l’immunité qu’ils sont censés avoir.

Une fois chez toi, tu ne seras plus en danger, donc ça devrait aller.
— Okay...

Le souvenir de la Taupe cavernicole dansa avec les phosphonèmes derrière ses paupières, et le temps, ainsi que le chemin qu'ils avaient empruntés, lui coulèrent dessus comme de l'eau.

Jusqu'à ce que quelque chose ne roule sous sa patte en cliquetant dans la nuit.

Ah. Ça, il s'en rappelait.

C'était les Hautes Pierres. La pierre, le sable, les débris.

— Au fait, c’est quoi ton nouveau nom ?
Ses yeux se rouvrirent, enberlués.
— Ah --

Merde... Comment les Étoiles l'avait appelé?... Foudre, Fifou, Mon Frère, Connard, le poids dans sa poitrine l'alourdit davantage car tout en entendant Leurs Voix il entendait aussi la sienne. Sa queue fouetta la fraîcheur de l'air et le concert d'échos se turent, remplacés par les criquets et le souffle du vent dans le sable. Il le gratta avec les griffes.

— ...J'ai oublié.

Il avait les vies, ce qui faisait de lui une Étoile.

...Il lui fallait un nom d'Étoile.

..."Fatigue" était un mot qui avait perdu tout son sens après tous les évènements d'une même nuit.

— Arc-en-Ciel--, sa fille accoura vers lui, et encore heureux parce-qu'il ne tenait plus debout.

Il laissa sa tête reposer sur son épaule tricolore, et laissa tomber ses fesses dans les débris, la poussière et la roche fine. La lune ployait, dans le ciel.

De l'autre côté le soleil sortait de sa propre torpeur, et le bengal fronça les sourcils, son corps, meurtri de fatigue, peinant à ronronner.

Un nom...

— ...Foudroyante, il choisit, maladroit. ...Mon nom d'apprenti.

Parce-qu'il n'avait jamais cessé d'avoir soif d'apprendre.

Par Fira! Un bonus du Secret Santa 2021

Le temps ralentit, l'air lui échappa, une seconde il était de chair et d'os et une autre le voilà qui se prenait un coup de vent si fort qu'elle en arracha le sol sous ses pattes. Le vertige lui saisit au coeur, monta à sa gorge, il tombait maintenant —

— Allez, viens, Étoile Foudroyante. Rentrons.

Le bengal reprit son air et retrouva sa masse et sentit les yeux tournés vers lui. Toute son échine se raidit.

— T'as l'air épuisé.
— Épuisé, il répéta en écho. Ses deux oreilles pointèrent et il se frotta les babines jusqu'aux muqueuses contre l'épaule de sa fille, lâchant un souffle chaud en réveillant de force ses pattes endormies.

Encore une fois Ciel l'avait enlacé avec sa queue à longue traîne, et encore une fois il sentait sa bouche humide.
Non —

Correction: ses joues. Il cligna des paupières, pivotant les oreilles vers l'arrière, levant le menton en sourcillant dans l'air car il n'y avait ni nuages, ni brouillard. Une goutte tomba de son nez et noircit le sol à ses pattes.
« Oh »

Il pleurait.

... Sans doute son corps qui se déversait de toute l'intensité à laquelle il venait d'être soumis. Il ne s'essuya pas les yeux - n'en vit pas la peine, se tournant, l'air morne de fatigue, mais bouffi de reconnaissance vers cette tierce chatte blanche et noire aux yeux bleus et or qui lui avait sauvé la vie. Il éleva la voix - elle était dure d'oreille:

— Merci, Vent du Nord. Si tu n'avais pas été avec moi, je serais mort, et puis il cligna des paupières encore un peu, et il se tourna vers Arc-en-Ciel, ses yeux embués, certes, mais pas aveugles pour autant. Je me serais laissé mourir.

Il ferma ses yeux, prit un bon souffle et tâta le sol de ses pattes pour se convaincre de la tangibilité de sa réalité - quand il ouvrait les yeux, quand il essayait de voir, sa vision ondoyait comme un reflet dans une flaque. En fait, c'était vraiment encombrant, de pleurer.

Mais, pour être honnête, ce l'était davantage de s'en empêcher. Il secoua sa tête.

— ...Je pense que je vais monologuer pendant tout le trajet -- Vous me permettez de monologuer pendant tout le trajet?

Sa bouche n'arrivait pas à suivre le déferlement de ses pensées. Il bredouilla des monosyllabes en secouant sa tête, sa queue s'agitant dans l'air comme il aimait le faire avec sa patte quand il traquait des idées au milieu d'une conversation.

— J'ai vu ta mère, Ciel -- Ou c'était une mauvaise façon de commencer? Il reprit: J'ai vu Fifi — je perd la tête -- Bordel, elles te font le coup toutes les demies-lunes, Vent du Nord? Elles —

Il percutait enfin à quel point les guérisseurs de leurs Clans étaient véritablement cinglés de s'infliger un truc pareil à toutes les demies-lunes. Il percutait enfin pourquoi il ne voulait pas l'accepter. À toutes les demie-lunes? Toutes? Il secouait toujours sa tête - moins fort, elle oscillait à peine, et il s'appuya l'épaule devant celle de sa fille, côte à côte, la laissant mener le pas. « Bordel — »

Cette nuit touchait enfin à sa fin.

Cette nuit touchait à sa fin, mais ses pattes n'étaient pas les siennes (tout le temps) et son corps n'avait pas la bonne pelisse et il était chef autant qu'il était guerrier autant qu'il était traitre autant qu'il était frère autant qu'il était père autant qu'il était mère autant qu'il n'était jamais né, et malgré lui ses pupilles frétillaient dans ses yeux. Il fronça les sourcils, plissa les paupières, tenta de voir au travers de l'eau de ses larmes qui le retenait sous la surface.

— J'aimerais...

Cette nuit-là ne fut interrompue par la course d'aucun Monstre sur le chemin, et trois petits chats montèrent la bordure de la Terre Noire en direction de la forêt qui découpait l'horizon. Et pourtant, chaque pas qui les rapprochait de la maison le faisait se sentir s'éloigner. Plus que quand il avait failli se noyer dans la Rivière. Plus que quand Étoile d'Or l'avait sauvé. Que la Rivière les avait emporté. Son esprit n'était plus seulement en aval il n'était même plus au sol. Il volait - il tombait, et le v ertige qui l'avait pris plus tôt ne s'était toujours pas amoindri. Le monde tournait comme un carrousel autour de lui et cette nuit on l'avait couronné roi des Clowns.

À ses yeux se juxtaposèrent la Terre Noire en même temps que les Lardoirs.

« ...J'aimerais vous raconter ce que j'ai vu, avant de l'oublier. »

HRP (warning joueur qui pleure):