Respire... Et... Skate? [pv Rusty] - end

Le plus dur était fait.

Tonton se fit cette remarque plusieurs fois pendant le trajet du retour. Parce que manœuvrer l'engin était difficile, parce que Rusty s'arrêtait parfois pour faire un commentaire, parce que son esprit vagabondait dans des directions compliquées... Une fois que les roulettes eurent passées le seuil de la porte, le matou blanc s'autorisa à souffler.

Voilà, ils étaient arrivés à bon port.

Tonton se surprit en réalisant à quel point il s'était détendu, en retrouvant le calme de la petite cabane. Il n'était... Pas chez lui, ici. Rusty était extrêmement accueillant, et de se retrouver dans une sorte d'habitation de bipèdes après des mois d'errance lui faisait du bien, mais Tonton devait se rendre à l'évidence. Il allait devoir se remettre en route. Le vieux matou vivait déjà avec du monde, non? Il était sympathique, le genre à ouvrir sa porte à n'importe qui, mais était-ce vraiment le cas de ses colocataires? Après les mauvaises rencontres qu'il avait pu faire, Tonton n'avait pas tellement envie de le découvrir. Ou de contrarier Rusty en se fâchant avec ses amis.

Et puis le vieux chat manqua de trébucher sur son ancien collier, et Tonton dût revenir au présent.

"Ah. Désolé," fit-il sans trop savoir pourquoi il s'excusait.

Toujours aussi trempé même après avoir trouvé un abri, le collier qui n'en était pas vraiment un faisait pitié, une boule de tissue sale sur le sol. Il avait beau s'être calmé depuis sa bagarre avec Queue de Babouin, la vision de son précieux trésor dans un tel état serrait le cœur de Tonton.

Sa gorge, aussi.

Pourtant, il fallait bien dire quelque chose.

"Je ne sais pas trop.. Ce que je devrais en faire."

Les trucs cassés, les trucs sales, les chats aussi... C'était pour les poubelles, normalement.

Mais l'idée de se débarrasser simplement de l'objet était insupportable.

Pauvre Tonton...

— Ah. Désolé, il lui dit, probablement car il endossait la responsabilité de son doudou qui prenait l'eau sur le plancher. Rusty pouvait comprendre - lui-même endossait la responsabilité quant aux caprices d'Ollie. Il était même soulagé que ce soit ses dents à lui qui avaient souffert de sa ruade, dehors; c'aurait été inacceptable que Tonton ne s'en prenne une autre dans l'menton.

— Je ne sais pas trop.. Ce que je devrais en faire.

Rusty fit la moue. Tonton parlait du Doudou comme les chats de Clans parlaient de leurs défunts. D'une part, c'était un sentiment qu'il comprenait: Tonton, il était triste comme s'il avait vraiment perdu quelqu'un. Il n'aurait pas le choix de faire un deuil... D'autre part, son doudou, ce n'était pas vraiment quelqu'un - il était encore là, bien réel, juste par terre, triste, et Rusty fronça ses broussailleux sourcils blancs en regardant les murs de la cabane où étaient accrochés les outils qu'on avait abandonné. "Accrochés" - tout ce qui montait finissait par retomber, et pourtant ils étaient suspendus par un phénomène qui échappait complètement son entendement...

Le vieil abyssin agita ses oreilles triangulaires.

— Et si tu le posais sur le nez d'Ollie pour la nuit? Il sèche plus vite quand il est cabré comme ça.

L'eau descendait du dos et du ventre du Skate en faisant une flaque à ses roues.

— Et... quand le soleil sera levé, Rusty enchaîna, le coeur alourdi d'espoirs, je pourrais t'aider à l'étendre au bord de la fenêtre et on laisserait le chaud carré terminer le travail?

Par contre, il faudra le tenir à l'oeil! Oeil Vert y a fait un somme une fois, et il s'est réveillé avec une rayure décolorée sur le dos...

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La proposition de Rusty, celle de poser son précieux trésor sur l'engin à roulettes qu'il avait tant peiné à ramener à bon port, impliquait beaucoup de choses. Des choses que Tonton, toujours un peu désorienté par toute cette histoire, avait du mal à assimiler.

Est-ce que Rusty était en train... De lui proposer de rester pour la nuit? Ou juste de poser l'objet là, pour le récupérer plus tard? Poser la question lui paraissait difficile. Presque mécaniquement, le gros matou blanc alla récupérer le morceau de tissu, qu'il transporta jusqu'à l'endroit où reposait Ollie. Là, il le laissa retomber délicatement sur le corps inanimé du petit monstre, en hauteur. C'était... Mieux? Il ne risquerait plus de faire trébucher Rusty, comme ça, au moins. Et peut-être qu'il sécherait plus vite comme le vieux chat l'affirmait, aussi.

"Voilà."

Voilà.

La suite du programme convenait aussi à Tonton - Au bord de la fenêtre, le collier avait de bonnes chances d'être relativement sec. Il ne sera pas propre, mais ça il ne l'était plus depuis longtemps. Et il ne sera... Plus au cou de Tonton.

Mais au moins il sera quelque part.

"Quand... Il sera sec," Tonton osa suggérer, "Peut-être que je pourrais... Le laisser ici? Quelque part dans la cabane, je veux dire. A un endroit où il ne vous dérangerait pas."

C'était d'un désinvolte, cette requête. Tonton en eu honte tout de suite. Parce que là aussi, ça impliquait plus ou moins qu'il resterait dans le secteur. Et il n'avait pas envie de s'inviter chez le vieux chat, de prétendre s'incruster au long terme...

Il errait depuis tellement longtemps, ici il faisait bon et sec, mais ça ne se faisait pas, de s'imposer comme ça juste parce qu'on était triste.

— Bien sûr!

Quelle merveilleuse idée! Si Tonton laissait le doudou à la cabane, il mettrait un peu de couleurs dans les tons de gris poussière et brun moisi! En plus, Tonton pourrait venir visiter! Peut-être que la prochaine fois, il pourrait même rencontrer Trash, ou Oeil Vert, ou peut-être les deux en même temps, et sans s'en rendre compte le vieil abyssin s'était mis à ronronner de la même façon que le faisait cette bonne vieille tondeuse à moteur chez le voisin.

— Il faudra lui trouver une meilleure place que sur le nez d'Ollie, quelque part où on pourra l'étendre et voir toute sa pelisse et les motifs dedans. Rusty se laissa emballer. Je n'ai pas envie de le laisser se morfondre dans un coin! Comme Ollie, il a une histoire. Il faut la raconter!

Peut-être qu'il pourrait l'afficher dehors, pour aider Tonton à reconnaître la cabane? Ou mieux valait lui trouver une place à l'intérieur pour le protéger des intempéries, et permettre à Tonton de l'admirer au réveil? La queue de Rusty fit le métronome derrière lui, et elle ralentit, et il prit conscience de son poil, qui était sec, puis de la lourdeur dans ses os qui le tracta vers les lattes dans un étirement impromptu. Il ouvrit grande sa gueule et se mâcha la langue, la passant ensuite sur ses dents où la douleur s'était, que les Étoiles soient Louées, amenuisée. Sur sa tête, sous les lattes, sur le toit, la pluie battait en tic tac au galop de quatre horloges décalées.

— On pourra penser à tout ça demain, il dit. Pour maintenant, au lit!

Il se motiva d'un coup de croupe, se traînant vers le centre de la cabane et l'amas de couverture en boule, et s'y laissa tomber d'un lourd soupir. Quelques secondes s'écoulèrent et il s'était noué en petite boule de chat, cachant son museau colorpoint derrière sa queue déplumée.

— Bonne nuit Ollie, bonne nuit Trash, bonne nuit Oeil Vert.

Ben quoi? Ils dormaient peut-être ailleurs qu'ici, cette nuit, on ne changeait pas la routine pour autant! Enfin, sauf pour quelques exceptions...

— Et je te souhaite bonne nuit à toi aussi, Tonton.


La Fée des Étoiles te protège.

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Une...

Histoire à raconter.

La formule plaisait à Tonton. En fait, il n'avait jamais trop pensé à ce truc qu'il portait autour du cou. Pas au fait que l'objet ai pu faire quelque chose d'autre avant de finir sur lui, en tout cas. Pourquoi les enfants l'avaient choisit, ce truc, est-ce que ça avait servit à un autre chat avant lui? En tout cas il aimait l'idée... Ce bout de rien du tout voulait dire quelque chose, maintenant. Pour lui, et peut-être pour les futurs visiteurs de cette cabane. Tonton était d'accord pour partager son histoire, peut-être-

Peut-être qu'il avait eu tord de garder tout ça pour lui aussi longtemps.

Il se promit de parler à Grenouille de ses enfants, la prochaine fois qu'il la verrait. Lui en parler pour de vrai, sans profiter de sous entendus et quiproquo.

Et puis...

Rusty... Annonça l’extinction des feux? Il allait s'installer dans un petit coin, et souhaita une bonne nuit à ses présumés camarades de cabanes bien qu'il ne soit pas là. Tonton commençait à s'inquiéter - est-ce que ces chats là étaient bien vivants, où n'étaient-ils eux aussi que des souvenirs, des histoires qu'on laissait dans la cabane?

Il dit bonne nuit à Tonton, aussi. Et Tonton, posé comme un statue de sel sur le plancher, se demanda ce qu'il devait faire.

Est-ce qu'il... L'invitait à passer la nuit ici? Il pleuvait toujours, dehors, mais ils n'en avaient pas parlés. C'était... Heu...

Imitant son hôte, mais prenant soin de se coucher juste assez loin pour ne pas le toucher, histoire de ne pas franchir encore plus de limites ce soir, le gros matou blanc s'allongea, les pattes ramenées sous lui. Il faisait chaud, ici, tellement plus que dehors... Et il pouvait voir son collier qui n'en était pas un du coin de l’œil, toujours installé sur Ollie...

"Bonne nuit, Rusty."

Et merci. Mais ça, Tonton trouvait que ça aurait fait trop. Il le lui dirait demain.