Nouveau Cobaye

En glissant le nez dans la tanière, ses deux oreilles se dressèrent sur sa tête. La dernière fois qu'il était venu, il n'y avait que Bourgeon et Foudre, ici. Du Matin s'était ensuite ajouté, mais désormais tous les innombrables gosses à Source s'entassaient à l'étroit dans des nids rapprochés qui forçaient certains à se coucher dos-à-dos. Peut-être devrait-il songer à déléguer à quelques guerriers la tâche d'aggrandir la tanière... Ou alors, relocaliser une fraction d'apprentis ailleurs — comme dans l'Antre dans laquelle il ne dormait pas, par exemple.

Il avait failli sortir à bout de dents le nid que De Bourgeon avait construit dedans, ne se ravisant qu'en toute fin: ben oui quoi, c'était lui qui refusait de dormir dedans, qui était-il pour la réprimander de son innocent petit projet de réaménagement? "Le chef", certains guerriers de son Clan lui diraient, mais être "chef" ne lui donnait pas l'autorisation de piétiner la créativité et l'innovation de ceux qu'il était sensé diriger, et ce même s'il n'en tirait rien. Grand bien lui fasse, à Bourgeon, non? Décorer une partie de leur Camp lui permettait d'y apposer son empreinte, d'y faire sa place; un tel comportement assurait sa loyauté à leur Clan, un sentiment important à nourrir, surtout chez la nouvelle génération.

— Tempête.

Là, à l'entrée de la tanière, à contre-jour du soleil levant, le bengal redressa sa tête en faisant balotter le déjeuner qu'il tenait dans sa bouche. Dans la pénombre, ses yeux n'avaient aucune couleur, aucune lueur. Ils scannèrent l'apprenti qui réagit à sa voix — il faut dire qu'ils étaient beaucoup à se partager le masque en face de feu Étoile Masquée — et lorsque leurs regards se croisèrent (lorsqu'il s'assura de tenir le bon), il entra une patte, recula l'autre, et d'une secousse de la tête le déjeuner dans sa bouche fit son baptême de l'air.

— Attrape ♡

Pas très fair-play de tester ses réflexes de si bonne heure, mais bon. Il faut bien commencer quelque part.

Par Rinkisha!

« Tempête. » Levant les yeux vers l'entrée, les yeux du jeune chat durent se plisser face à la lueur de l'aube qui agressait sa rétine trop sensibles. Quand ses pupilles ne furent que deux fentes, il distingua enfin la silouhette de celui dont il avait dors et déjà reconnu la voix.

Ses sentiments envers son grand-père Foudre était pour le moins confus. D'une certaine manière, il lui en voulait, il lui avait laissé la chance de lui prouver qu'il avait une quelconque forme d'importance et ce dernier avait préféré se focaliser sur la chouineuse Feuille. D'autre part, il ne pouvait s'empêcher d'éprouver envers lui une fascination étrange, parce que Foudre était étrange. Et, au fond, il voulait surtout et par dessus tout, un peu de son estime.

Pourtant, il ne lui avait réellement parler qu'une fois.

Ses oreilles se dressèrent et il commença à se lever, le coeur tout gonfler d'excitation mais le regarde qui n'exprime strictement rien.

« Attrape ♡ » Le jeune apprenti ne s'y attendait pas. Il ne comprit que lorsqu'il vit le corps sans vie, petite boule de poils et de chair, tomber vers lui. Son regard attentif ne loupa pas la proie, mais son corps ne réagissait pas avec autant d'adresse qu'il le souhaitait.

Il n'était pas difficile d'identifier le problème lorsqu'il bougeait. Et c'est ce qu'il fit, bouger. Il voulu allongé la tête en avant pour saisir la proie, ouvrit la gueule, avança la patte. Mais il l'imagina plus courte qu'elle n'était, sa patte, et il manqua de glisser. La proie tomba mollement entre ses dernières et il posa sur elle un regard surpris, puis vexé.
Il haïssait cette maladresse qu'il ne maîtrisait pas.

Mais il ne s'en plaint pas, se contenta de prendre humblement le bout de viande mort entre ses crocs sans en goûter le sang. Son regard qui n'exprimait que peu de chose, beaucoup de calme, laissait entrevoir la nuance de sa frustration : ils étaient peu à savoir lire dans ces blocs de glace.

Il rejoint son chef de sa démarche gauche, déposa l'animal devant lui et redressa la tête. Il avait ce même air marmoréen qu'étant gamin, la fascination de l'enfance en moins. Maintenant, la frustration qu'il pouvait ressentir ressortait plus que l'innocence de la jeunesse.

« Bonjour, Foudre. Tu... Tu as besoin de moi ? » Il se donnait l'air assuré, le gosse, mais il était terrifié, au fond. Il avait tellement besoin de cette maigre attention, tellement besoin d'un adulte qui ne soit pas maladroit avec lui.

Wops - le pauvre apprenti se sortait du sommeil avec moins d'adresse que de mal, étirant son cou, ouvrant sa bouche, avançant une patte... Le déjeuner termina son arc en retombant sans cérémonie à celles-ci (Pas mal, comme lancer). D'abord surpris, perplexe ensuite, l'apprenti prit vite mouche mais sans se laisser emporter, s'acroupissant pour ramasser le déjeuner et, malgré l'émotion qui lui serrait les dents, goûter un morceau.

À l'entrée de la tanière, Étoile Foudroyante hoqueta des épaules, retenant un rire derrière le splendide sourire de lève-tôt qu'il avait d'accroché aux babines. Il observa l'apprenti se tirer de son nid, se chaloupant sur des pattes mal-assurées, slalommant entre ses frères et soeurs assoupis. Il porta un intérêt particulier à sa queue, raide derrière lui, bien plus longue que la moyenne, lui donnant plus l'air d'un coati que d'un chat. Ça semblait jouer dans son équilibre et il crut bon d'en prendre note, dans un coin de son esprit.

— Bonjour, Foudre, lui dit Nuage de Tempête, une fois près de lui. Il déposa le déjeuner à ses pattes. Tu... Tu as besoin de moi ?

Non. En quoi aurait-il besoin d'un apprenti? Mais c'aurait été un terrible faux-pas de briser ce faible espoir qui se risquait à briller dans les yeux de Nuage de Tempête, alors il n'en fit rien, se penchant quant à son offre de partager le déjeuner en allant y mordre dedans, et à belles dents.

— Ha hah, à toi de me le dire. Étoile Foudroyante haussa une épaule, ne se préocuppant pas de cette peur qui semblait exuder de l'apprenti. En se pourléchant les babines, il lui retourna plutôt toute son insouciance: Difficile de t'entraîner si tu retournes dormir, tu n'es pas d'accord?

Sans lui laisser le temps de comprendre, Étoile Foudroyante s'empara du repas et fit volte-face direction le campement, mais juste avant de sortir, il se stoppa dans le mouvement. Ses moustaches se soulevèrent dans un sourire de connivence, qu'il décocha à l'apprenti, et après s'être assuré d'avoir son attention il lui désigna l'extérieur d'un geste sec du menton.

Même insinuée, la requête était on ne peut plus claire: ben alors, tu viens?

Par Rinkisha!

Comme à son habitude, le chef de clan prit son temps pour offrir une réponse à sa jeune descendance. Il mordit dans la chair tendre de la proie, fit perler le sang sur la fourrure et puis, enfin, il se redressa.

« Ha hah, à toi de me le dire. » Il désaxa légèrement son corps face à la perplexité du jeune félin grisâtre et, se léchant les babines, il ajouta : « Difficile de t'entraîner si tu retournes dormir, tu n'es pas d'accord ? » Et, vif comme l'éclair - si l'on ose dire - il s'empara une nouvelle fois de la proie et fit volte-face. Tempête entrouvrit la gueule, l'air bête, et le suivit de son regard bleu rivière alors qu'il s'avança vers la sortie.

Il comprenait à peine, ou peut-être qu'il craignait de se tromper, mais Foudre lui fit l'honneur de se tourner une nouvelle fois vers lui. Son signe de tête fut si débordant de clarté que le jeune apprenti se sentit un instant idiot. Lui qui craignait d'être l'éternel oublié, qui s'en voulait un peu, au fond, de n'avoir sut prendre sa place, avait eut la trouille de se tromper une nouvelle fois. Après tout, Etoile Foudroyante était un chef et, les chefs, ils n'avaient pas le temps pour les tous petits Nuage de Tempête.

Voilà donc une situation qui fit frémir son pelage d'excitation et battre son cœur de joie. Il hocha la tête et, d'un bond, s'empressa de rejoindre Foudre.
Sa longue queue, ses longues pattes, tout s'articulait comme un marionnette mal ficelée. Mais, à force, il n'y faisait même plus attention. Son regard vif se glisse vers son grand-père alors qu'il marchait à son niveau.

« Comptes-tu m'entraîner seul, Foudre ? Enfin- Pas avec un autre chat mais... Tu n'as oublié personne, hein ? » Oh, Foudre, laisse lui donc cet instant privilégié. C'est ce que ses yeux imploraient.

Et puis, il y en avait des choses à dire, depuis le Baptême. Tempête aimait à discuter avec le père de sa mère et ce, bien qu'il ne l'eut que trop rarement fait.

Ah, cette fois, le déclic fut plus rapide. Bien qu'il le fit maladroitement, Nuage de Tempête se hâta les pattes à sa suite.

— Comptes-tu m'entraîner seul, Foudre ? Comme quoi, l'engourdissement du sommeil n'allait pas à la hauteur de l'admiration qu'il lui vouait. Enfin- Pas avec un autre chat mais... Tu n'as oublié personne, hein ?

Ils s'extirpèrent du sombre plafond de ronces de la tanière des apprentis. Étoile Foudroyante leva son nez vers le dégagé du ciel, respirant l'air frais. Il avait neigé, pendant la nuit, aussi des flaques marbraient de blanc la terre et les souches d'arbres du campement, démarquant plus que jamais son pelage.

— Nan, il répondit à Tempête. J'avais envie de sortir, et je me suis rappelé que tu étais grand, maintenant. Autant joindre l'utile à l'agréable.

Haute au-dessus de sa croupe, sa queue se balança d'un chassé à l'autre.

Elle lui manquait, cette époque où il pouvait faire la grasse matinée dans sa renardière, mais se réveiller avant l'aube le boostait autant que de passer la nuit blotti contre un amant. Cette impression de flotter sur les pattes, l'énergie qui pulsait dans son corps, les bribes de conversations de chats groggy qui revenaient de patrouille, tout lui rappelait le relâchement qui venait avec des confidences sur l'oreiller.

Comme la tanière des apprentis avoisinnait la palissade et le tunnel de ronces, ils les virent aussitôt. La patrouille précédente avait la tête basse - un chat courtaud et trapu au pelage tricolore redressa la sienne quand il vit le sourire que lui fit son chef déborder du déjeuner qu'il tenait entre les dents.

— Tu tombes à pic, toi. Alors?

À regret, le guerrier détourna ses yeux du déjeuner qu'on lui exibait.

— Euh-- Si tu veux mon avis, on a perdu notre temps. On était à l'Arbre aux Chouettes et on a rien senti, rien vu. On s'est fait chier toute la nuit.

Mh, ça se tenait. Si Petit Serpent choisissait de les attaquer, sa patte à brûler qu'il choisirait un angle-mort, c'est à dire un lieu où il n'y avait aucun arbre où poster de vigies ou des embuscades...

— C'est une information plus bonne à savoir que tu ne le penses, Mumu. Te sous-estimes pas comme ça, il dit à l'intéressé, puis, en se décalant sur le poids d'une patte, vous avez tous fait du bon boulot.

On bredouilla quelques mercis. Les pauvres, la patrouille les avait visiblement épuisés. Un guerrier baîlla, créant une vague dans l'escadron; le seul qui y résista fut Poil de Musaraigne. Ses courtes oreilles s'étaient couchées sur sa tête. Comme le campement, du blanc marbrait l'air bourru dans sa face.

— Depuis quand tu te trimballes un apprenti? il grommela, toisant celui qui semblait accompagner son frère. Ce-dernier se contenta de hausser une épaule.

— Oh, j'en avais envie. Il tourna sa tête autant pour échanger un regard avec Nuage de Tempête, que pour le désigner du nez. Nuage de Tempête, Mumu. Mumu, Tempête.

Mais ces présentations ne plurent pas à Poil de Musaraigne. Quelque chose l'avait visiblement piqué car il fronça ses sourcils, se renfrognant davantage.

— Foufou j'suis trop crevé pour tes conneries! Depuis quand tu te trimballes un seul apprenti? Tu fais plus les classes à plusieurs?

"Foufou" ne releva rien du tout.

— Vous devez être affamés, il dit plutôt, ignorant le poil se soulevant sur le dos du guerrier. Je vous donne cette souris? Avec Tempête je comptais aller chasser, alors...

On lui avait enlevé deux bouchées, à cette souris, mais avec les proies qui se raréfiaient, et la nuit apparament gaspillée à surveiller une frontière du haut de l'Arbre à Chouettes, disons qu'il n'en voulut pas aux guerriers de se bousculer à essayer de lui arracher sa proie de la bouche. Entre deux rires, Étoile Foudroyante la lança en l'air. Il profita de la brève altercation qui s'ensuivit pour leur fausser compagnie.

« Psst!   Tempête, par ici » Il se décala en pas de crabe, évitant de justesse les coups de pattes (aux griffes rentrées) qui commençaient à voler. D'un autre geste du menton, il pointa le tunnel de ronces à l'apprenti, s'y faufilant le premier.

— La vache... Même d'ici on les entend feuler!... La croupe basse, la queue droite, les oreilles couchées sur sa tête, il se mouva avec l'adresse d'un chat qui avait maintes et maintes fois traversé cet étroit tunnel en douce. C'est presque amusant de penser qu'il suffit que de la faim et de la fatigue pour transformer n'importe qui en bête féroce. Comme quoi, ...

Il n'alla pas au bout de sa pensée, seulement au bout du tunnel. Lorsqu'il en sortit, il se retira du chemin pour laisser à l'apprenti la place de s'extirper à son tour, prenant plutôt le temps de bien s'étirer le dos.

— -- Alors?   MMg_nnnf,  pas trop de mal?

Il en oubliait presque qu'à Tempête, ce devait être sa toute première sortie.

Par Rinkisha!

HRP:

« Nan. J'avais envie de sortir, et je me suis rappelé que tu étais grand, maintenant. Autant joindre l'utile à l'agréable. » Le jeune chat posa sur lui un regard qui trahissait une forme d'espoir. Ainsi, son grand-père s'était souvenu de lui ? Cela pouvait paraître insignifiant, normal. Mais Nuage de Tempête était conscient, depuis la discussion avec sa mère, des difficultés de Foudre à retenir des choses. Et, lorsque l'on est, comme lui, dans une portée si nombreuses, l'on s'habitue plus ou moins à être considéré comme l'un des nombreux fils de Source et non pas comme un individu à part entière.
Surtout lorsqu'on avait volontairement décidé de laisser sa place aux autres.

Et puis, le regard du jeune chat se détourna pour se poser sur les flaques blanches, tout autours d'eux. Il savait ce qu'elles étaient : Maman lui en avait déjà parler. Mais il ignorait ce que cela ferait à son corps de les toucher, comment elles sentaient... Au fond, c'était la toute première fois qu'il apercevait de la neige.
Et, trop obéissant peut-être, il n'osa pas fouler de la patte une souche drapée de blanc, n'osa même pas poser de question. Il ne voulait pas avoir l'air idiot.

« Tu tombes à pic, toi. Alors ?
- Euh-- Si tu veux mon avis, on a perdu notre temps. On était à l'Arbre aux Chouettes et on a rien senti, rien vu. On s'est fait chier toute la nuit. » La conversation le sortit de ses pensées et il posa sagement le regard sur ce guerrier devant lui. Comme tous les chats du clan, il l'avait déjà vu sans nécessairement lui avoir déjà adresser la parole. Et c'est poliment, en bon garçon, qu'il se tut tout au long de la conversation, le regard droit et l'air parfaitement calme et attentif.

Conversation qu'il dressa sur son crâne ses oreilles courtaudes et tordues. Il était surpris, mais ne le montra pas réellement autrement que par ce bref excès d'attention.

« Depuis quand tu te trimballes un seul apprenti? Tu fais plus les classes à plusieurs ?
- Vous devez être affamés. Je vous donne cette souris? Avec Tempête je comptais aller chasser, alors... » Et il envoya la souris.

En une seconde à peine, elle fut déchiquetés par moins d’un dizaine de chats affamés. Tempête grimaça à peine, et sur son visage si peu expressif, l’on ne vit rien.
Ses oreilles s’agitèrent de nouveau, Foufou l’appelait. Il hocha la tête et le rejoins au tunnel qui marquait la sortie.

Il restait derrière lui, comme depuis le début : il savait où était sa place.

« La vache... Même d'ici on les entend feuler!... C'est presque amusant de penser qu'il suffit que de la faim et de la fatigue pour transformer n'importe qui en bête féroce. Comme quoi, ... » Tempête souffla du nez, à peine, esquissa l’ombre d’un sourire. Pour un chat comme lui, c’était déjà beaucoup.

Le tunnel était difficilement praticable pour un jeune qui manquait d’adresse et dont la taille devenait progressivement un handicap. Il n’était pas un géant, mais il oubliait qu’il ne faisait plus les quelques centimètres d’un chaton et, régulièrement, ses oreilles heurtaient les ronces.

« Alors ?   MMgnnnf,  pas trop de mal ? » Tempête retint une grimace, il ne voulait pas avoir l’air faible.

Il voulait même se donner l’air indifférent, mais, autours de lui, l’univers qu’on lui offrait avait trop de couleurs, de sons, d’odeurs. Il eut l’air, un instant, de l’adolescent blasé qui surjoue son dégoût de la vie et la seconde d’après, ses yeux s’écarquillèrent à la manière d’un chaton. Il n’émit aucun son, n’ouvrit pas la gueule, mais ses pupilles prirent presque toute la place de ses iris bleutées.

Le monde lui apparaissait, si vaste, aux larges murs de pins et d’autres arbres. Il leva le regard, se tordit les cervicales dans l’espoir d’accéder au sommet des cette canopée. Et puis, il cligna des yeux, admiratif, mais toujours si avare en expressivité.

« Non, aucun mal. » C’était un mensonge, mais qu’importe ? « Je… Quel est le programme ? Allons-nous seulement patrouiller ? » Demanda-t-il sans détacher son regard du ciel couvert de branches. Il tournait le museau rapidement, frétillant comme un moineau aux aguets et pourtant, il ne se perdait pas en futilité.

Il ne voulait pas s’humilier devant Foudre, jamais.

Mais finalement, il rabaissa les yeux. Il y avait plusieurs éléments qui avaient piquer sa curiosité. Il commencerait par celui qui ne le concernait pas, parce que le clan importait toujours plus que l'individu, à ses yeux.

« Crains-tu une attaque, en fait ? Les chats, Erhm-... Mumu, il surveillait au cas où des chats fassent du repérage ? Maman ne m'en a pas parlé, en fait. » Et il ponctua sa phrase d'un léger froncement de sourcil.

HRP:

À première vue, Tempête n'avait ni épargné ses oreilles (c'était quand même amusant, puisqu'elles étaient si courtes!) ni son dos, où quelques indésirables s'étaient fait la malle dans ses poils.

Il lui ferait sa toilette mais, avant toute chose, Étoile Foudroyante lui laissa cette première bouffée de liberté, loin de la pouponnière et de la terre battue du campement. Il suivit sans mal la direction de son regard, opinant du chef.

Ouais. Ça décape, hein? Et tout ça appartenait au Clan du Tonnerre! Pas étonnant qu'ils aient été si souvent la proie de rixes de territoires. Ça lui donnait presque envie de l'amener aux Rochers du Soleil et lui vanter leurs qualités endothermiques, mais il y avait à faire, aujourd'hui. De toute façon, avec l'arrivée des Grands Froids, sauf pour voir la Rivière figée dans son mouvement, le lieu était complètement dénué d'intérêt.

— Non, nia Tempête, aucun mal.
— Oh? Autant pour moi, répondit Étoile Foudroyante. Tandis que Tempête changea le sujet, il s'approcha et s'affaira à lui passer un-deux-trois coups de langue sur le dos pour cracher les épines qui s'y étaient collées, sans faire le moindre commentaire à ce propos.

— Je… Quel est le programme? lui demanda Tempête, faisant de même. Allons-nous seulement patrouiller?
— Pas seulement, non, fut sa réponse, trahissant son amusement en ondulant sa queue derrière lui. Il recula la tête en la penchant pour admirer le travail. J'étais sûr d'avoir dit qu'on allait chasser!

Il libéra l'apprenti pour commencer à longer l'extérieur de leur palissade. Nuage de Tempête lui emboîta le pas.

— Crains-tu une attaque, en fait ? Mais quelle question pointue. Les chats, Erhm-... Mumu, il surveillait au cas où des chats fassent du repérage ? Maman ne m'en a pas parlé, en fait.

Hn, tout juste. Il ne confiait ses inquiétudes à Source, Puma ou Bec que lorsqu'elles étaient fondées. Ou, plus précisément, que lorsqu'il avait un plan.

— Craindre, non, il grommela, Mais anticiper...

Car est-ce que c'était vraiment une bonne idée de lui en parler? Il quantifia la chose: Tempête n'était plus un chaton mais un apprenti. Il se rappelait la soif d'apprendre de ces-derniers, de leur énergie survoltée qui les poussait à commettre tous les interdits, cette émotion indéfinissable qui les faisait se sentir à la fois invisibles, et invincibles.

Il pourrait facilement changer de sujet, répondre quelque chose d'autre, s'amuser à taquiner ce p'tit fils-à-sa-maman (mais bon, il était lui-même papa-à-sa-fille).

— Ntt--, on t'as appris ce qui se passe, chez les autres Clans?

Par Rinkisha!

« Craindre, non. Mais anticiper... » Grommela Le plus âgé des deux. Tempête suivait son grand-père calmement, mais dans un trottinement léger. Il foulait le sol de la forêt pour la première fois et loin d'avoir le temps d'admirer pleinement l'environnement - oh, il l'avait déjà un peu fait ! - il était dors et déjà préoccupé par ce qu'il entendait.

Bien sûr, cela ne se vit que par le léger froncement de sourcil qui ne quittait plus sa mine toute calme.

« Ntt--, on t'as appris ce qui se passe, chez les autres Clans ? » Le jeune apprenti qui, jusqu'ici, s'appliquait à ne pas être au même niveau que le chef de clan accéléra le pas. Il arrive à son niveau, redressant un peu la tête alors qu'il ralenti légèrement, signe de sa réflexion.

Des autres clans, on en parlait peu, à vrai dire. Il songea qu'il avait entendu les bases et que, parfois, pour jouer, certains chatons se faisaient passer pour des transfuges mais jamais il n'avait eut l'intérêt d'en discuter en détail. Il y avait tant de chose à apprendre quand on démarrait dans son monde, tant de chose à voir dans son propre clan.
Pourquoi se soucier des autres ?

Cette réflexion le chagrina cependant. Il avait la sensation d'avoir louper quelque chose.

« Pas vraiment, en fait. Je sais que la Rivière est étrange, déjà, les chats nagent ! » Un éclat de surprise, de stupeur dans sa voix trahit son incompréhension. Il avait lui-même les pattes palmées, mais il n'avait jamais songer à faire trempette. « Mais, surtout, je sais qu'ils ont enlever maman. Ils n'ont aucun respect. » Conclu-t-il en recouvrant ce calme habituel. Le calme de l'eau qui dort.

« Quant aux chats de l'Ombre, je ne sais presque rien, en fait. » Et, pensif, il releva les yeux sur la canopée, prit le temps de graver dans sa petite tête ces nouvelles visions et puis, revint à Foudre. « Et les Venteux, je sais seulement qu'ils ne nous aiment pas trop. Je crois, plutôt, en fait. »

Et puis, subitement, une pensée vive lui traversa l'esprit. Elle fut si brutale qu'elle lui écrasa la poitrine et qu'il s'arrêta par nécessité, le regard soudainement pétri de crainte que l'on cherche à refouler. Rapidement, il ne laissa pas le temps à Foudre de rebondir ou, alors, lui coupait-il la parole.

« Penses-tu que ceux de la Rivière veulent reprendre maman ? » Tâchait-il de garder son calme que cela ne mettait qu'en exergue la petite panique qui se glissait de ses pattes à son cerveau.

Sa question suscita une réaction quasi-immédiate. D'abord à la queue-leu-leu derrière lui, Nuage de Tempête pressa le pas pour le rejoindre à côté. Puis, il ralentit. Ce n'était pas sa question qui avait suscité un tel regain, mais l'offre de participer à la discussion, de lui donner son avis, de s'imposer; réfléchir à la question en elle-même plongea Nuage de Tempête dans ses propres pensées.

— Pas vraiment, en fait. Je sais que la Rivière est étrange, déjà, les chats nagent !

Mouais. En surface. En effet, les chats de la Rivière nageaient - ce n'était qu'étrange que parce-qu'eux-mêmes ne nageaient pas. Pour les chats d'ailleurs, c'était leur capacité de grimper aux arbres qui était étiquettée "d'étrange". Simple question de perspective.

— Mais, surtout, je sais qu'ils ont enlevé maman. Ils n'ont aucun respect.
— --Hmm?
— Quant aux chats de l'Ombre, je ne sais presque rien, en fait.

Pas étonnant, lui même n'avait pas (plus) d'amant là-bas pour lui souffler tout les on-dits et les rumeurs du Clan, sans parler qu'Étoile Feulante n'était pas réputé pour son éloquence... Mais pouvait-on revenir un peu en arrière et creuser davantage ce qu'il venait de dire sur "maman"?

— Et les Venteux, je sais seulement qu'ils ne nous aiment pas trop, se hasarda Nuage de Tempête. Je crois, plutôt, en fait.

Autant dire qu'il n'en savait rien, mais Étoile Foudroyante ne lui en voulut pas pour autant. Si c'était sa première sortie, ce devait aussi être le premier moment de sa vie où il pouvait penser à n'importe qui d'autre que ses proches de la même Colonie, du même Clan. Mais voilà, pour assurer la sûreté du leur, il fallait connaître leurs voisins. Il fallait leur prêter patte-forte de sorte à établir un lien de confiance leur assurant que lorsque ce serait à leur tour d'en avoir besoin, ils la leur rendrait.

— C'est pas exactement--
Nuage de Tempête l'interrompit.
— Penses-tu que ceux de la Rivière veulent reprendre maman ? À ces mots, Étoile Foudroyante plissa ses paupières, renvoyant à l'apprenti toute l'incrédulité qui venait avec l'incertitude d'avoir bien entendu ou non sa question.

— Euh, si c'est le cas, ça voudrait dire qu'Étoile Déchirée est revenue sur notre décision de s'allier, il dit, dépourvu du moindre sourire moqueur, sans prendre la peine de donner une inflexion à son ton. Il battit l'idée d'une oreille. Non, je ne crois pas qu'il faille s'inquiéter d'une attaque de nos Rivaux de la Rivière.

De toute façon en quoi ça les affectait, les gosses, que Source ne se soit retrouvée une saison et des poussières de l'autre côté de la Rivière? Ils n'étaient même pas nés; pis, c'était sans doute grâce à cet évènement qu'elle s'était ammourachée de Queue de Lézard, le baisant assez pour se retrouver pleine et lui donner naissance, à Nuage de Tempête et tout le reste de sa portée.

Après avoir longé la palissade par l'extérieur, il les engagea dans le dégagé de la clairière, où, en distance, on voyait s'ériger leur plus haut poste d'observation qui découpait l'horizon de ses ramifications verticales: le Grand Sycomore. Leur destination était plus loin encore, mais ils avaient le temps.

— À t'entendre, on dirait que tu les détestes.

Par Rinkisha!

« Euh, si c'est le cas, ça voudrait dire qu'Étoile Déchirée est revenue sur notre décision de s'allier. Non, je ne crois pas qu'il faille s'inquiéter d'une attaque de nos Rivaux de la Rivière. » Etoile Foudroyante lui renvoya quelque chose de désagréable. Il ne se sentait jamais vraiment comme un chaton, à ses côtés. Il se sentait prit en considération et surtout, avait la sensation agréable de ne pas être sous-estimé, ni même jugé. Mais à cette seconde précise, ce fut un instant tout le contraire.

Tempête eut la sensation d'avoir dit une bêtise.
Quelque chose de si stupide qu'il ne demandait même pas qu'on y réponde avec autre chose que cet espèce de ton plat que Foudre ne sortait jamais.

Alors, Nuage de Tempête hocha la tête et détourna le regard, tâchant de ne pas laisser ses oreilles aller en arrière signaler sa petite honte. Il se contenta du silence, c'était une bien meilleur réponse.

« À t'entendre, on dirait que tu les détestes. » Tempête le suivait à présent en silence. Son regard se perdit d'admiration muette sur l'arbre géant, un instant et il songea qu'ils avaient une chance inouïe d'avoir une telle oeuvre naturelle dans leur forêt à eux. Il rabaissa en suite le regard sur son chef. Il avait eut le temps de passer les émotions d'il y a peu.

Et il déglutit un peu. Il savait, oui, qu'il les haïssait, les chats de la rivière. Pour ce qu'ils avaient fait, mais pas que. Il savait aussi qu'on ne lui donnerait pas raison, pas Foudre. Il était trop... Intelligent, pour ça.

« Oui je... En fait, je ne fais pas vraiment exprès, mais oui. » Et comme s'il s'attendait à ce qu'on le lui demande, il s'empressa de se justifier sur un ton peu assuré : « J'ai pas tout bien compris de pourquoi ils ont enlevés maman, en fait. Mais je... Je ne trouve pas ça très respectueux d'enlever des chats d'un autre clan. Et puis, en fait, je peux pas m'empêcher de me dire que, peut-être... » Il déglutit et avisa un instant ses pattes.

Il les tenait de sa mère, ses pattes.

« Ca me fait un tout petit peu peur. » Avoua-t-il, honteux. « Ca me fait peur parce que maman va recommencer à sortir, vu que c'est de nouveau une guerrière et j'ai pas envie qu'un jour, seule, des chats de la Rivière lui tombent dessus et l'emmène. Je sais que c'est pas probable mais- Eh... Je- » Il détourna le regard, mal à l'aise, il ralentit.

Il laissa son chef prendre un tout petit peu d'avance, sans s'arrêter pour autant, mais il se sentait trop honteux, trop bête, pour marcher de nouveau à ses côtés.

Hrp : Finalement, j'ai put répondre avant de prendre le train !