Nouveau Cobaye

Mine de rien, l'hiver, c'était aussi la saison où les pires saloperies se cachaient dans le manteau de neige. Les écureuils dormaient pour la saison, mais pas les belettes, ni les renards, ni les sales bâtards à collier de la ville. Étoile Foudroyante devait être attentif pour deux, car à Tempête, on ne lui avait sans doute pas encore appris la vigilance.

Vivement qu'il apprenne à l'apprenti comment grimper. Il préférait et de loin la sécurité que leur assurait la hauteur des branches, versus tous les dangers qu'ils pouvaient croiser en contrebas.

— Oui je... En fait, je ne fais pas vraiment exprès, mais oui.

Ceci dit, bien sûr que Nuage de Tempête détestait le Clan de la Rivière. C'était un sentiment qu'on enseignait encore aux chatons.

Étoile Foudroyante se dit qu'au moins, Tempête était suffisament honnête pour l'avouer. Bien qu'il tira la gueule, il se radoucit lorsqu'il sentit son protégé se traîner les pattes entre terre et neige, derrière.

— J'ai pas tout bien compris de pourquoi ils ont enlevés maman, en fait. Mais je... Il était mal-à-l'aise. Je ne trouve pas ça très respectueux d'enlever des chats d'un autre clan. Et puis, en fait, je peux pas m'empêcher de me dire que, peut-être...

Nuage de Tempête baissa les yeux; Étoile Foudroyante haussa un sourcil.

— Ça me fait un tout petit peu peur.
— Oh.

Ntt- Normal.

Logique.

— Ca me fait peur parce que maman va recommencer à sortir, vu que c'est de nouveau une guerrière et j'ai pas envie qu'un jour, seule, des chats de la Rivière lui tombent dessus et l'emmène. Je sais que c'est pas probable mais- Eh... Je-

Étoile Foudroyante ne sentit son expression sévère que par l'élancement subséquent dans ses babines. Il grimaça aussitôt pour dégourdir tous ses traits faciaux.

— C'est normal d'avoir peur, il broncha. J'ai été élevé de la même façon, avec les mêmes certitudes.

Il roula exaggérament les yeux au ciel, récitant les mnémoniques de feu Étoile du Lion.

— "Le Clan du Tonnerre est le plus fort", "Pour garder sa force, il faut assurer le fonctionnement du Clan", "Pour ce faire, il faut se battre à toutes les guerres." "Haïr ses ennemis", "être prêt à tout", "Surtout ne jamais poser de questions: les Étoiles nous guideront".

Étoile Foudroyante s'était arrêté de marcher. Il accrocha l'apprenti du regard, mais plutôt que l'attendre, c'est lui qui alla à rebrousse pour retrouver sa hauteur.

— Je crois pas à ces conneries, il lui avoua en toute franchise. Ceci fait, il se redressa, coupant sèchement l'air d'un swish de la queue. Les guerres sont moins inévitables qu'on le pense. Étoile Foudroyante releva le menton. Tu parles des chats de la Rivière, Nuage de Tempête, mais dis-moi, connais-tu seulement leurs noms?

Le chemin les mena là où les arbres de la forêt se desserraient, incapables de compétitionner contre l'ancienneté du grand Sycomore. Même dépouillé de ses feuilles, il dégageait une prestance autant en hauteur, par ses bouquets de branches ayant soutenu des générations de chats qui apprenaient à grimper, qu'en contrebas, les enveloppant dans les embranchements de ses ombres protectrices.

— On te l'a dit? Étoile Foudroyante sourit au titan d'écorce comme à un vieil ami. J'étais à ma cérémonie des Neuf vies quand Étoile Déchirée m'a enlevé Source, mais c'est moi qui ai choisi qu'elle y reste.

Il fit le détour, invitant Nuage de Tempête à se familiariser avec la neige, les racines, le tronc. Lui-même vint s'y coller le front avant d'y glisser ses moustaches jusqu'aux muqueuses sous ses babines, ronronnant de plaisir quant à la subséquente montée de souvenirs.

— ...C'est donc moi que tu devrais détester.

Par Rinkisha!

« "Le Clan du Tonnerre est le plus fort", "Pour garder sa force, il faut assurer le fonctionnement du Clan", "Pour ce faire, il faut se battre à toutes les guerres." "Haïr ses ennemis", "être prêt à tout", "Surtout ne jamais poser de questions: les Étoiles nous guideront". » Le roulement de ses yeux fit comprendre à Tempête qu'il ne partageait plus vraiment cet opinion. Et le sombre chat revint à son niveau.

« Je crois pas à ces conneries. Les guerres sont moins inévitables qu'on le pense. Tu parles des chats de la Rivière, Nuage de Tempête, mais dis-moi, connais-tu seulement leurs noms ? » Le jeune apprenti sembla un instant déconcerté. Il fronça les sourcils dans cet expression si sincère, si jeune et il abaissa les yeux. Ses pupilles fendues cherchaient comme elles le pouvaient la réponse à cette question qu'il ne comprenait pas vraiment et alors qu'il ouvrit la gueule, sûrement pour babiller quelques explications misérable, Etoile Foudroyante reprit la parole :

« On te l'a dit ? J'étais à ma cérémonie des Neuf vies quand Étoile Déchirée m'a enlevé Source, mais c'est moi qui ai choisi qu'elle y reste. » Et alors que le grand mâle contournait l'arbre, invitant l'apprenti à le suivre, ce dernier entrouvrit la gueule dans un quoi silencieux. Il releva la tête vivement, ralentissant un peu plus le pas.

« ...C'est donc moi que tu devrais détester. »

Tempête le fixait sans même se rendre compte qu'il le suivait encore. Rien n'avait réellement d'importance à cet instant précis, ni les gestes du chat contre le tronc, ni même l'environnement jalonné de racines. Il sentait monter en lui un torrent violent, trop violent pour ce petit corps.
Au fond, il y était coutumier. Il ne saurait dire pourquoi mais ce feu brûlant, violent, qui déchirait froidement chaque morceau de raison au fond de lui faisait parti de lui. Depuis toujours, il contenait les griffes brûlantes de gèle, il cherchait l'approbation, l'amour, la fierté, comme si cela pouvait les couper.

Mais au fond, il se sentait trahit.

Oh oui, Foudre l'emmenait avec lui, lui seul ! Il aurait dû se sentir privilégier, mais il ne se sentait pas plus important que n'importe lequel de ses frères. C'était normal, non ? Le clan avant l'individu, sa famille était le clan. Alors non, il ne devait pas se sentir lésé, c'était une honte.

Foudre était bien cruel pour avoir laisser sa fille, ainsi, derrière lui. Sa mère, bordel, sa mère à lui !

Une sensation brutale de gèle hérissa son pelage et tendit son corps. Il eut un sursaut qui le ramena à la réalité, recula et secoua sa patte humide. C'était donc ça, la neige ? C'était froid. La grimace qui déforma un instant ses babines n'étaient sûrement pas aussi parlante que ses yeux le furent dans les quelques secondes précédentes. De vrais miroirs de ses émotions, plus vrais que son expressivité raccourcis.

Il reposa la patte au sol et s'aventura entre les racines pour se rapprocher du chef de clan. Debout sur l'une d'elle, il s'arrête à une certaine distance. Son regard haineux se posa sur Foudre.
Au moins, le blizzard dans son ventre n'était plus qu'une brise contrôlée.

Il ne craquera jamais.

« Alors, c'est toi que je déteste, là, maintenant. » Siffla-t-il entre ses dents, dans cet éternel calme avant la tempête. « Mais ça passe, les émotions. Alors pourquoi, hein ? Pourquoi tu as prit cette décision, en fait ? Pour éviter une guerre ? Dis moi que c'était pour ça. Parce que... Parce que maman n'était pas en danger, donc tu n'avais pas besoin de foncer tête baissée dans une guerre qui aurait put tous nous déchirer comme des feuilles mortes, en fait ? Dis moi que c'est ça. »

Tout son corps était tendu, mais son poil restait bien contre sa peau. Aucun signe extérieur ne démontrait de sa colère, il était figé, une vraie statue. Il n'y avait que son regard.
Il était excessif.

« Parce que si c'est pas ça, si c'est pour autre chose, je pense que je serais vraiment en colère, en fait. »

— Sois le.

En silence, Étoile Foudroyante avait regardé l'émotion tisonner le bout des pattes de l'apprenti-guerrer. Il l'avait vu s'immobiliser, le dos aussi raide que ses poils, vibrant au diapason d'une colère sourde. Un sentiment qu'il ne pouvait comprendre, mais qui ne pouvait le dissuader d'y faire face.

— Tu veux rire? Que tu trouves ma raison justifiée ou non ne devrait pas étouffer ce que tu ressens.

Ceci dit, Étoile Foudroyante s'arracha d'un bond pour atterir sur la même racine où s'était posé l'apprenti, l'atterrissage aussi solide que soudain. Il se ficha le nez dans sa bulle personnelle, s'avançant d'un pas ferme pour le forcer au recul. Sous cet angle, on aurait pu jurer que les branches du Sycomore, derrière, lui couvraient la tête d'une couronne de ramures.

— Saisis cette émotion et reconnais-la, Nuage de Tempête.  Tu es en colère? Très bien. Il rassembla ses pattes et s'assied, le dos droit, à côté du furibond apprenti. J'attendrai que ta tête refroidisse.

C'est donc ce qu'il fit.

« Sois le. »

Hein ?

Tempête leva les yeux. Il n'avait même pas sentit qu'il les avait baisser, un peu.

« Tu veux rire ? Que tu trouves ma raison justifiée ou non ne devrait pas étouffer ce que tu ressens. » Tempête le fixait et, visiblement, il ne comprenait pas. Il n'avait jamais envisager une seule seconde à faire autre chose que de taire le brasier qui grondait constamment en lui. son corps vibrait, alimenté, mais jamais il ne laissait cette énergie servir à autre chose qu'aux battements furieux de son coeur.

Battements qui s'intensifièrent lorsqu'il vit Foudre bondir à son niveau. Il y avait quelque chose de tellement contrôlé dans ce geste que l'apprenti en resta bouche-bée. Puis, le félin s'approcha de lui, trop près. Tout se passa vite, et Tempête sa ramassa sur lui-même, manquant de glisser de sa racine - le sol n'était pas loin.
Et son regard se posa une nouvelle fois sur lui, Foudre. Il garda la gueule entrouverte, penaud et, au fond, admiratif. Jamais il n'aurait la majesté de son dirigeant.

« Saisis cette émotion et reconnais-la, Nuage de Tempête. Tu es en colère ? Très bien. J'attendrai que ta tête refroidisse. » Et, alliant les geste à la parole, l'ainé s'assit. Tempête glissa son regard perdu sur lui, incapable de réagir sur le moment.

Il lui fallut une seconde pour comprendre ce que lui demandait son grand-père. Une seconde durant laquelle il repassa en accélérer ses quelques paroles. Et puis, son expression changea doucement. De stupeur, il passa à colère et, pour une fois, son museau ne se raidit pas pour masquer les froncements qui se creusaient comme la terre se plie aux griffes. Pour une fois, il laissa son visage prendre toute la mesure de l'émotion qui l'envahissait.

Je ne suis pas en colère. Songea-t-il furieusement. Pas encore. Il en était persuadé.

Et puis, il se rendit compte de la raideur de ses pattes, des griffes planter dans le bois, dans cette écorce, avec force. Cela lui fit serrer la mâchoire car, il devait bien le reconnaître, Etoile de Foudre avait encore une fois vu juste.

« J-je heu... » Il déglutit, passa sa langue sur ses babines comme si cela pouvait refroidir sa tête, justement.

Il se sentit un instant partir, galvanisé par ses émotions. Il se sentit une seconde à peine, prêt à frapper de toutes ses forces le tronc qui n'en souffrirait pas. Il imagina la douceur d'avoir le corps tout détendu après ça, comme une plaie dont la douleur cesse de vibrer.
Et puis, rien ne vint. Juste, le silence, au fond de lui. Ou plutôt, un bruit blanc, un vrombissement sourd qu'il était trop confortable d'oublier.

Et s'il ne se refroidit pas réellement, son visage en prit tous les aspects.

« Non. » Dit-il d'un ton sec, mais déterminé. « Je ne pense pas être en colère et, même si je l'étais, ce ne serait pas correct. La colère n'a rien d'utile, elle peut rester là où elle est. » Il avait toujours fait comme ça. Foudre devrait être impressionné, non ? Cette peste de Feuille, elle n'en était pas capable, elle. Elle pleurait, chouinait tout le temps. Lui... Lui, il n'avait chouiner qu'une fois. Une seule.

Jamais plus.

« Tu peux me répondre, je ne m'énerverai pas. »

Jamais, non.

— C'est faux.

Même si, pour l'instant, elle marbrait leur chemin, la neige ralentissait leur cadence. Il fallait beaucoup d'énergie pour arpenter le territoire. C'est bien pourquoi on séparait les zones d'intérêt par patrouilles. Si lui-même trouvait la pause méritée, il devait en être le double pour l'apprenti.

— Toutes vos émotions ont un rôle à remplir. Elles abreuvent les racines de qui vous êtes. Quand vous en bloquez la source, elle se remplit, déborde et explose. Étoile Foudroyante secoua sa tête. Je n'ai jamais vu de chats aussi violents que ceux qui construisent des barrages autour d'eux-mêmes et ce qu'ils ressentent.

Il ferma ses yeux, un souvenir doux le pacifiant d'un sourire.

— Quand Fifi pleurait, c'est qu'elle avait besoin de pleurer.

Tu es en colère, Nuage de Tempête. Écoute-la: qu'est-ce que ta colère te dit? Qu'est-ce qu'elle veut? Et toi?

Tu veux la même chose qu'elle?

« C'est faux.

Toutes vos émotions ont un rôle à remplir. Elles abreuvent les racines de qui vous êtes. Quand vous en bloquez la source, elle se remplit, déborde et explose. Je n'ai jamais vu de chats aussi violents que ceux qui construisent des barrages autour d'eux-mêmes et ce qu'ils ressentent. » Nuage de Tempête s'assit. Il était toujours très attentif quand son grand-père parlait et, quelque part, ça le calmait un peu. Son estomac était toujours acide, il avait toujours une boule dans la gorge mais, entendre la voix de Foudre le forçait à se concentrer sur autre chose.

Et, il songea qu'il n'avait jamais envisager les choses de cette manière.

« Quand Fifi pleurait, c'est qu'elle avait besoin de pleurer.

Tu es en colère, Nuage de Tempête. Écoute-la: qu'est-ce que ta colère te dit ? Qu'est-ce qu'elle veut ? Et toi ?

Tu veux la même chose qu'elle ? » Il fronça les sourcils. Il lui semblait qu'il n'était jamais vraiment en colère et, pour une fois, l'idée qu'il ait cette sensation car il l'était toujours un peu lui traversa l'esprit. Cela força son regard à s'abaisser, honteux, et il déglutit. Il se sentait misérable et faible d'être ainsi incapable de réagir " normalement ".

Il se sentait ridicule, oui. Et il ne voulait pas l'être, pas devant Etoile Foudroyante.

« Ma-... Ma colère ? » Il serra sa petite mâchoire. « Elle me donne envie de te frapper... Juste parce que- Ca m'énerve ! Et puis, si je l'avais écouter, j'aurais put tuer Petite Feuille et Glycine aussi ! » Il secoua la tête. Il en parlait franchement, pour une fois, de ce qu'il ressentait. Les mots lui manquaient, il n'avait pas le vocabulaire ni l'introspection nécessaire à la précision, mais il faisait de son mieux.

« Elle... Elle veut pas qu'on fasse du mal à ma maman, même dans le passé. Elle veut pas que tu-... Et moi je... » Il sentit ses yeux devenir humides. Il était sûrement encore trop jeune pour ne pas être si facilement trop émotif. Alors, il détourna les yeux, encore.

« Moi, je veux pas tuer Glycine ou Feuille. Toi non plus, j'ai même pas envie de te frapper parce que je sais que ça te ferait rien... Mais je- J'ai pas envie que tu... » Il ravala ses larmes et se calme un peu. « Je veux pas que t'ai put faire du mal à maman. Je me dis juste que, moi, si j'étais à sa place, même hors de danger beh... Je serais trop mal, en fait ! Et j'aurais peur, et je voudrais qu'on vienne me chercher ! Je sais que la guerre c'est mal, ouais, que ça tue et que ma vie ou celle de maman ne vaut pas celle du clan mais... Un papa, c'est fait pour protéger, pas pour servir à rien, de loin. Je... Je déteste ça- »

— Ma-... Ma colère ? Nuage de Tempête parlait si souvent d'utilité, et pourtant il semblait ne s'être jamais interrogé sur celle de sa propre colère. Elle me donne envie de te frapper... Juste parce que- Ca m'énerve ! Il s'interrompit, arrachant risette à son grand-père. Et puis, si je l'avais écoutée, j'aurais put tuer Petite Feuille et Glycine aussi !
— Ha hah. Vraiment?

Malgré le coup de l'émotion, Nuage de Tempête n'était pas descendu de la racine. Ça signifiait qu'il voulait être proche. Qu'il voulait être écouté. Étoile Foudroyante lui prêta donc yeux et oreilles. Nuage de Tempête poursuivit:

— Elle... Elle veut pas qu'on fasse du mal à ma maman, même dans le passé. Elle veut pas que tu-... Ses yeux miroitèrent le soleil. Il y avait des larmes dedans. Et moi je...

Il se renfrogna.

— Moi, je veux pas tuer Glycine ou Feuille. Toi non plus, j'ai même pas envie de te frapper parce que je sais que ça te ferait rien...

Étoile Foudroyante haussa un sourcil. Si c'était bizarre de se faire idôlatrer, ce l'était davantage de se faire dire être infaillible. Les marques sur son corps, la rousseur de son dos, ces foutus poils d'oreilles calcinés démontraient plutôt le contraire, à son avis.

— Mais je- J'ai pas envie que tu...
— Que je...? Il intima l'apprenti à poursuivre.
— Je veux pas que t'ai put faire du mal à maman.

Il ne voulait pas qu'il ait fait du mal à Source. Pourtant, du mal, il en faisait tout le temps — lorsqu'il avait fait d'elle son ombre, et lorsqu'il lui avait fait couvrir la mort d'Étoile Masquée à tout les matins par des fleurs, pour en cacher l'odeur au Clan.

— Je me dis juste que, moi, si j'étais à sa place, même hors de danger beh... Je serais trop mal, en fait !

"Trop mal".

— Et j'aurais peur, et je voudrais qu'on vienne me chercher !

"Peur".

— Je sais que la guerre c'est mal, ouais, que ça tue et que ma vie ou celle de maman ne vaut pas celle du clan mais... Un papa, c'est fait pour protéger, pas pour servir à rien, de loin. Je... Je déteste ça-

Pour être honnête, Étoile Foudroyante ne suivit pas trop ce qu'il tentait de dire, en toute fin. Mais un sourire, si gentiment réprobateur, souleva ses babines, et le fit soupirer. Il leva lentement une patte. Il la posa sur la tête du gamin.

— Hé là, bonhomme... T'as qu'une seule vie, hein. C'est à moi de me sacrifier pour toi, pas l'inverse. Simple question de chiffres. Il la lui tapota, glissant doucement cette patte à son dos pour exercer une pression et le rapprocher dans son poil. Le Clan, c'est toi, c'est Glycine, c'est Feuille, c'est ma petite Source de Bonheur, et ainsi de suite.

L'étreinte se raffermit. En se sentant poser le menton sur sa tête il se sentit poser le menton sur la tête de Ciel, sur celle de Brisé, sur celle de Bec. Les deux derniers réveillèrent le souvenir de les entendre pleurer et sanglotter à chaudes larmes. Au lieu de battre le souvenir d'une oreille, il s'en imprégna.

— Tu n'es pas une ronce, Nuage de Tempête. Il gloussa dans son poil. Tu crois quoi, que ça m'arrive souvent de discuter comme ça? Que tout les autres Nuages viennent aussi se confier à moi? Qu'ils me font confiance? Ha ha ha!

Par Rinkisha!

« Hé là, bonhomme... T'as qu'une seule vie, hein. C'est à moi de me sacrifier pour toi, pas l'inverse. Simple question de chiffres. » Le gamin trop émotif eut un léger sursaut, surpris par la pression nouvelle et ce contact auquel il n'était pas habitué. « Le Clan, c'est toi, c'est Glycine, c'est Feuille, c'est ma petite Source de Bonheur, et ainsi de suite. »

Et le vieux chaton se laissa guider par le geste de son grand-père. Il n'avait pas l'habitude des étreintes, il ne savait simplement pas approcher les autres. Alors, cette situation, aussi surprenante soit-elle, ne lui était pas désagréable. Il y avait quelque chose de rassurant à sentir la chaleur qui se dégageait du corps de Foudroyante, quelque chose d'apaisant de se sentir protéger.

« Tu n'es pas une ronce, Nuage de Tempête. Tu crois quoi, que ça m'arrive souvent de discuter comme ça ? Que tout les autres Nuages viennent aussi se confier à moi ? Qu'ils me font confiance ? Ha ha ha ! »

Si, au départ, Tempête restait un peu crispé, désarçonné par la situation, ses paroles achevèrent de l'apaiser. Il ne savait plus s'il était en colère ou non, s'il ressentait encore cette frustration à laquelle il n'était que trop coutumier. Cependant, il sentit tout son visage se torde, progressivement, se froncer et sa peau se plier sur ses cicatrices. Et puis, sans même s'en rendre compte, ses yeux étaient de nouveau larmoyants et, cette fois, il ne retint par ses larmes.
Elles humidifièrent le poil épais de son torse, le plus court de ses joues et de son menton et, finalement, il blottit sa tête tout contre Etoile Foudroyante, les yeux clos, la mâchoire serrée.

Il ne sut que répondre, alors rien ne vint. Il songea que, parfois, il n'y avait rien à dire et qu'il valait mieux se taire. Et, parfois aussi, quand on en a trop à dire, il convient aussi de se taire.

Et il attendit de s'apaiser pleinement, de sentit son propre souffle se calmer, ses larmes cesser et son visage se détendre. Il avait un peu mal à la tête, au fond. C'était un petit prix à payer pour enfin évacuer tout ça, tout ce qui le hantait.

« Je peux te demander un truc ? » Sa voix n'était qu'un souffle, les yeux à demi-clos. Il n'osa pas regarder Foudre, de peur qu'il trouve sa question ridicule. Tout de même, il osa :

« Tu veux bien être mon référant s'il te plaît ? »

Maintenant que Nuage de Tempête avait écouté sa colère, qui sait quelle autre émotion voulait se faire entendre? Étoile Foudroyante le sentit, quand le barrage que l'apprenti s'était construit céda entre ses pattes. Il le sentit, quand le visage du gamin se tordit dans son poil, et quand un gros sanglot lui arracha des larmes comme jamais il n'avait du se permettre d'en lâcher. Coeur Brisé, dont l'exubérance l'avait complètement aveuglé à l'émoussement d'un père qui l'aimait à sa manière. Source Fleurie, à qui il avait fait porter tout ses mensonges et ses cachotteries pour avoir quelqu'un comme lui. Bec Croisé, à qui il avait ordonné de se démarquer sans quoi d'espérer la mort, se retrouvant le seul survivant de toute sa portée...

Et maintenant Nuage de Tempête, qui, avant d'avoir la gorge nouée, lui avait fait part de sa frustration quant à son père qui n'avait pas réussi à le protéger. Lui avait fait part de sa peur quant à être abandonné. Quant à devenir inutile.

Quel imbécile.

L'étreinte se reserra. Étoile Foudroyante se frotta la joue entre les deux oreilles du gamin, répétant le même mantra qu'il avait toujours répété dans de telles circonstances.

— Pleure.

Fifi qui se lamentait de n'avoir jamais pu se réconcilier avec sa mère avant qu'elle ne meure.

— Tu as besoin de pleurer.

Il amplifia la force de son ronron à cet effet, portant un regard las sur les alentours au pied du Grand Sycomore. Une fois encore il semblait que leur Titan ne s'abreuve de leurs larmes. Est-ce que c'est ce qui lui valait sa taille? La pensée l'amusa.

— Je peux te demander un truc ? renifla Nuage de Tempête qu'il tenait contre lui. Étoile Foudroyante dressa une oreille, intonnant à peine un
— Hm? pour le relancer.

Il y eut une pause. Pas étonnant. Nuage de Tempête avait du égarer ses mots dans la tempête de son esprit.

— Tu veux bien être mon référant s'il te plaît ?

La requête fit sourciller le bengal. Pas parce-qu'elle lui déplaisait, mais parce-qu'elle le confondait. Qui voudrait de Coup de Foudre, Coup de Foudre, ce Coup de Foudre-là comme d'un référent? Lorsqu'il s'était proposé, après s'être pris plein le dos de l'avertissement des Étoiles, c'était en dernier recours, car il savait plus que tout que le Clan ne voulait pas qu'il "propage" ses idéaux. Si un apprenti ne trouvait personne pour le référer, soit, il s'en chargerait — il ne manquait ni de volonté ni d'initiative, mais...

— Je croyais que tu me détestais ?

Par Rinkisha!

« Je croyais que tu me détestais ? » Tempête releva un peu les yeux vers lui. Le ronronnement puissant de son chef était rassurant, le détendait et mettait même de 'ordre dans ses pensées. Lui, il ne parvenait pas à produire le même son, même pas une pâle imitation. Il était trop fatigué, chamboulé.

La question de son chef lui arracha un demi sourire qui disparu bien vite au profit d'une mine renfrognée. Rien de grave, seulement le regret léger de ses quelques paroles balancées par la rage. Il souffla dans le poitrail de Foudroyante, rabaissant les yeux.

Il s'écarta légèrement, pas de beaucoup, juste à peine. Il ne voulait pas encore rompre l'étreinte.

« J'me suis trompé, en fait... On fait tous des erreurs. » Il secoua doucement la tête, comme pour faire non et, finalement, il se recula enfin. Il se retrouva un peu contre le tronc - la racine n'était pas bien longue - et il planta son regard dans le sien.

« J'osais pas te le demander, en fait... Mais je- Je serais vraiment honoré d'être ton apprenti. » Il inclina les oreilles en arrière et détourna le regard. Un instant pensif, il fronça un tout petit peu le museau, toujours assez peu expressif et il souffla, très bas, presque honteux :

« Puis, je te préfère en fait, j'apprends plus avec toi. »