Nouveau Cobaye

Le vent, qui aurait du alimenter sa colère, était accompagné non pas d'une froideur cinglante mais de l'impétuosité d'un blizzard.

Nuage de Tempête avait exigé l'aide de son grand-père et tout ce qu'il lui avait répondu, à mille longueurs de queue de la souche de son émotion, avait été une question, la lui retournant, lui demandant de lui conter l'histoire qu'il voyait par ses yeux. Les siens virent Tempête se ménager, sursauter d'un déclic et enfin se laisser réfléchir.

Tout simplement magnifique de voir au compte-goute la moindre seconde de sa tête se refroidir.

— Hm... Nuage de Tempête l'abaissa, montant une patte sous son menton, prenant un air songeur.

Étoile Foudroyante ne lui avait pas menti. Il était bel et bien tout ouïe.

— En fait je... J'ai l'impression d'être trop lourd. Je n'arrive pas à rester correctement accorché. Soit je glisse, soit je n'ai pas la force de me maintenir.

Étoile Foudroyante hocha sa tête. Enhardi, Nuage de Tempête accrocha son regard.

— Est-ce que je ne m'accroche pas comme il faut, en fait ? Dans ce cas là, il y a une position pour combler ma faiblesse ou je... Je dois devenir plus fort ?
— Oui.

Ça coule de source.

— Ton corps n'a appris à te soulever qu'à l'horizontale. Il ne sait pas encore le faire à la verticale.

Du moins, c'était la moitié de la réponse.

— Cependant, j'ai vu des chatons capables de grimper des corps — oui, il songea, surtout le sien, et surtout sa tête, qui sait pourquoi — la pouponnière, la palissade.

Réfléchis: pourquoi c'est facile pour eux, et pas pour toi?

Étoile Foudroyante souleva sa patte, la tendant bien au delà du rebord de la branche, présentant à l'apprenti la couleur marron de ses coussinets. Ceci fait, il écarta chacune de ses phalanges, ourlant toutes ses griffes hors de leurs fourreaux respectifs. Mi-Longues, Beiges, Robustes. Les griffes d'un grimpeur.

— De là-haut, outre les muscles qu'on devra renforcer, je compte déjà deux handicaps.

Ta queue, (il ondula la sienne)

Et tes palmes.

Étoile Foudroyante ramena sa patte à lui, le coude sur sa branche.

— Je suis sûr que tu constates que moi, je n'ai pas de palmes. Et si tu me disais pourquoi?

HRP:

« Oui. » Tempête grimaça. « Ton corps n'a appris à te soulever qu'à l'horizontale. Il ne sait pas encore le faire à la verticale. »
Au moins, cela voulait-il dire qu'il aurait une chance de s'améliorer : il n'était pas un raté de naissance. Tempête déglutit, mais il tâcha d'entendre et de comprendre.

Cependant, j'ai vu des chatons capables de grimper des corps, la pouponnière, la palissade. Réfléchis: pourquoi c'est facile pour eux, et pas pour toi ? » Et il tendit la patte, découvrant ses griffes et écartant ses doigts. Le jeune apprenti l'observa et une grimace découvrit ses crocs. Il était frustré car il se savait à présent bien moins bon que la plupart des chats. Et, oui, il savait pourquoi, avant même que le félin rayé ne poursuivre.

« De là-haut, outre les muscles qu'on devra renforcer, je compte déjà deux handicaps. Ta queue, et tes palmes. » La première lui fit hausser un sourcil de stupeur. Sa queue ? Son regard glissa sur cette dernière sans qu'il ne comprenne vraiment.

« Je suis sûr que tu constates que moi, je n'ai pas de palmes. Et si tu me disais pourquoi ? » Nouveau froncement de nez, frustré. Le chat revint vers le tronc, son regard n'osa pas affronter celui de son mentor. Il ne voulait pas lui laisser le loisir de constater sa haine de ce qui faisait de lui une partie d'un hybride. Il n'aimait pas ça, avait toujours fait en sorte d'oublier l'existence de ces choses, là, qui joignaient ses doigts.

Il soupira. Il devait bien répondre, n'est-ce pas ? Alors, il s'assit et enroula sa queue autours de ses pattes. Presque honteux, au fond, son regard alla se balader dans la forêt, aux alentours, l'air ennuyé.

« Parce que moi, j'ai du sang de chat de la rivière. Que les chats de la rivière ont des palmes pour nager et que maman est... Enfin, sa mère était un peu de la rivière, en fait. Pour ma queue, je sais pas. » Et il releva les yeux. « Quant à la raison de pourquoi ça m'handicap, ça me paraît simple. Je peux pas écarter les coussinets comme toi, ni même avoir une bonne accroche. Et ma queue... Je sais pas. En fait, peut-être l'équilibre ? J'sais pas. »

Et, frustré, il détourna une nouvelle fois le regard.

Nuage de Tempête s'assied, regardant n'importe où ailleurs qu'en hauteur.

— Parce que moi, j'ai du sang de chat de la rivière, il ronchonna en réponse. Que les chats de la rivière ont des palmes pour nager et que maman est... Enfin, sa mère était un peu de la rivière, en fait. Pour ma queue, je sais pas.

Il se risqua un coup d'oeil, se frottant à nouveau aux yeux placides de son grand-père.

—Quant à la raison de pourquoi ça m'handicappe, ça me paraît simple. Je peux pas écarter les coussinets comme toi, ni même avoir une bonne accroche. Et ma queue... Je sais pas. En fait, peut-être l'équilibre ? J'sais pas.

Étoile Foudroyante lui laissa voir ses paupières se plisser d'un intérêt renouvelé.

— "Je sais pas", qu'il me dit.

Son petit fils, au pied de l'arbre, avait bien du passer par toute la gamme d'émotions possibles à vivre, aujourd'hui. Il avait envie de pousser l'expérience plus loin, de tester des couleurs qui n'avait jamais effleurées l'esprit de Nuage de Tempête, de pousser sa résilience jusqu'à son point de rupture...

Mais il ne cessait d'apprécier ce petit jeu de jambes avec les mots. Ce une-deux à se frotter aux philosophies de l'autre pour essayer de se comprendre. C'était comme si, maintenant que le sujet était tourné vers les capacités de Tempête, et non pas une de ces idées abstraites utilitaristes, Tempête avait envie de se tasser sur lui-même, de disparaître, de s'enterrer.

Ce n'était pas sous-terre qu'on apprenait à grimper.

— Pour quelqu'un qui prétend "ne pas savoir", tes idées sont moins tirées par la queue que tu te le fais croire. L'amplitude articulaire, l'équilibre — c'est pile-poil ce que je vois, moi aussi.

Autant récompenser son effort.

Étoile Foudroyante le signa d'un geste sec du menton.

— Recule-toi.

Prend un élan, cours, et bondis. Au contact de l'arbre, envoie ta queue faire un tour complet. L'élan joint au contre-poids devrait te propulser en hauteur. Si tu es assez rapide pour tenir le momentum, tu devrais être capable d'atteindre ma branche même avec tes palmes aux pattes.

Sans quoi, n'oublie pas ce que je t'ai dit à propos de la colère. Apprendre à grimper, c'est aussi apprendre à tomber, mm?

« Pour quelqu'un qui prétend "ne pas savoir", tes idées sont moins tirées par la queue que tu te le fais croire. L'amplitude articulaire, l'équilibre — c'est pile-poil ce que je vois, moi aussi. » Tempête releva les yeux. Il ne se trompait pas ? Cela aurait put le rassurer s'il n'était pas bouffie de honte à l'idée d'être en difficulté.

« Recule-toi.

Prend un élan, cours, et bondis. Au contact de l'arbre, envoie ta queue faire un tour complet. L'élan joint au contre-poids devrait te propulser en hauteur. Si tu es assez rapide pour tenir le momentum, tu devrais être capable d'atteindre ma branche même avec tes palmes aux pattes.

Sans quoi, n'oublie pas ce que je t'ai dit à propos de la colère. Apprendre à grimper, c'est aussi apprendre à tomber, mm ? » Et le jeune apprenti hocha la tête. Oh, il n'était pas spécialement convaincu, mais au moins, il laissait à son mentor le bénéfice du doute. En soit, il ne pensait pas que Foudre puisse avoir tort, il avait trop d'expérience pour cela...

Néanmoins, c'est de sa capacité à appliquer ses précieux conseils, qu'il doutait.

Cependant, il n'en fit savoir personne et il se détourna, obéissant et silencieux. Il se recula, comme demander, tout au bout de la racine sinueuse et puis, faisant volte-face, il prit une seconde le temps de respirer.

Il fusa en direction du tronc à toute vitesse, trébucha un peu au début, surpris par ses pattes trop longues. Puis, enfin, il bondit. La première fois, il bondit trop près du tronc et n'eut même pas le temps de bouger la queue qu'il se retrouva contre l'écorce. Il s'y agrippa une seconde et réagit prestement, par une torsion du dos, il parvient à rebondir sur la racine sans trop de casse.

Et c'est toujours silencieux qu'il recommença l'expérience. Cette fois, il bondit au bon endroit, mais il ne parvint pas à tourner la queue suffisamment vite, peu habitué à ce mouvement en dehors du réflexe. Cela ne l'arrêta pas, il retenta une troisième fois.

Ce n'est qu'à la cinquième tentative qu'il parvient enfin à lier tous les mouvements nécessaires. Il bondit, expirant au même instant l'air de ses poumons, concentré et un peu fatigué, au fond. Sa queue tourna et il eut, pour la première fois de sa vie, la sensation que sa longueur n'était plus un problème, au contraire.
Il détendit les muscles de ses épaules pour allonger les pattes, écarta les doigts et s'accrocha à l'arbre en bandant une nouvelle fois sa musculature à peine naissante. Il s'accrocha, serra la mâchoire en reprenant son souffle.

La branche n'était pas bien haute, au dessus de lui. Il glissa le regard vers elle. Déjà, il sentait qu'il n'en pouvait plus- Mais il ne voulait pas céder si près du but. Alors, il rassembla ses forces et dans un grognement d'effort, il poussa sur ses pattes arrières pour esquisser un bond maladroit.

Son torse heurta la branche, lui arracha un souffle rauque. Il planta ses griffes dans l'écorce, glissa un peu, mais parvint finalement à se hisser aux côtés de son mentor.

Essoufflé, il s'assit, la tête basse et la langue pendante. Tout son corps tremblait.

« F-Facile... »

Tempête s'exécuta.

Il galoppa dans ses empreintes et bondit sur le tronc qu'il griffa à plus d'une reprise. Sous les yeux de son grand-père, confortable dans sa hauteur, il luttait contre le froid à ses pattes, la hauteur du tronc et la gravité avec entre les dents seulement une bouchée de conseils quant au fonctionement de la mécanique de son corps. Nuage de Tempête ne parlait plus. Ne rageait plus. Ne pleurait plus; il s'exécutait avec une détermination qui aurait tiré un nouveau sifflement impressioné au bengal s'il ne se retenait pas par souci de le vexer à nouveau. La poudre de neige se souleva en nuage autour de lui. Sa queue décrivit un arc en créant son propre coup de vent. Son corps se retrouvait face à un adversaire comme il n'avait jamais affronté.

Il se rata quatre fois, sans le moindre commentaire de la part de son Grand-père. Ce-dernier s'était plutôt relevé, d'abord assit, curieux, puis carrément debout et jonché sur sa branche, sa queue s'agitant après chaque quasi-réussite. Il y était presque, presque — il y était. L'impact de son corps contre le tronc en fit trembler le sycomore jusqu'à son premier palier de branches, là où Étoile Foudroyante était suspendu. Il se propulsa, sa queue tournoyant autour de lui en le suspendant à son tour.

Tempête s'agrippa, souffla, et souleva tout le poids de son corps pour rejoindre Étoile Foudroyante sur sa branche. À bout de souffle, il s'assied, abaissant sa tête, entrouvrant sa bouche:

— F-Facile...

Le pauvre soufflait trop fort pour entendre Étoile Foudroyante ronronner. Il lui écrasa impunément sa langue entre les yeux, la glissant sur toute la courbe de son front.

— Ça le deviendra.

Il se retenait de bondir, de caracoler, de se frotter à lui et de le faire tomber sur le dos comme un amant — il se retenait aussi de le faire tomber de sa branche et lui faire recommencer l'exercice.

L'idée lui arracha un rire — et lui refroidit les ardeurs — laissant son regard se porter au contrebas du Sycomore où la terre gelée et les marbrures de neige étaient marquées d'empreintes de pattes, de dos et de griffes.

Étoile Foudroyante ne dit rien, cédant tout l'espace à Nuage de Tempête de reprendre son souffle, d'admirer son nouvel angle de vue, de célébrer sa victoire. Il ne fit qu'un geste, un seul, en donnant un élan à sa croupe pour que sa queue se soulève et ne vienne entourer les hanches de celui qui devenait à ce jour son nouvel apprenti.

Par Rinkisha!

Le coup de langue le surpris. Il ferma un œil et leva l'autre vers son grand-père, un peu confus, mais trop haletant pour le laisser voir. Il en fut touché, aussi, parce qu'il ne l'admettait pas, mais il n'était pas insensible à l'amour filial.

« Ça le deviendra. » Lui assura le bengal. Il semblait fier, sincèrement fier. Nuage de Tempête l'observa, toujours prostré dans son coin, la poitrine se soulevant avec force pour calmer les battements de son coeur.
Et il sentit un étrange sentiment l'envahir. Quelque chose de chaleureux.

Etoile Foudroyante rit un peu. L'apprenti l'observa sans un mot, loin des pensées sinueuses qui glissaient dans la tête de son grand-père, incapable de saisir toutes les nuances de son visage. Et puis, il s'avança vers lui et l'entoura de sa queue comme l'eut fait jadis sa mère, quand il était tout petit, et plus récemment, après son baptême.

Nuage de Tempête calma peu à peu son souffle. Son regard passa de Foudre à la neige, en bas. Et puis, doucement, il ferma la gueule et leva les yeux droit devant lui, admirant soudainement le monde d'en haut. Les branches, à son niveau, le sol plus bas et puis, le froid qui glissait dans son poil.
Et il comprit, cela lui fit l'effet d'un souffle que l'on reprend après une noyage, pourquoi les siens aimaient tant la hauteur.

« Ca le deviendra, oui. » Dit-il, un très léger sourire aux lèvres, rien qu'une ombre.

Puis, il se tourna vers son mentor.

« Je te remercie, Foudre. Tu- En fait, c'était frustrant, mais la récompense en valait le jeu. » Il hocha la tête à ses propres dires, pensif, il détourna un peu le regard. « C'est pour ça que je veux apprendre avec toi... J'ai l'impression que je peux pas avoir de secrets pour toi, en fait. Et- Et ça me rassure. »

— Ça le deviendra, oui.

C'était la première branche sur laquelle Nuage de Tempête s'assoyait, la première colère qu'il confrontait directement, son premier voyage à l'extérieur du campement... Ça en faisait beaucoup, pour une journée, mais, heureusement, après tout cet effort venait le repos.

— Je te remercie, Foudre. Tu- En fait, c'était frustrant, mais la récompense en valait le jeu.

Car Étoile Foudroyante prenait rarement la voie facile...

— C'est pour ça que je veux apprendre avec toi... lui dit alors Nuage de Tempête. J'ai l'impression que je peux pas avoir de secrets pour toi, en fait. Et- Et ça me rassure.

Même s'il avait réussi à monter l'arbre avec lui, il lui restait beaucoup de chemin à faire pour atteindre le prochain palier, escalader l'écorce ensemble, respirer la véritable altitude que le sycomore était capable de leur offrir. Étoile Foudroyante avait déjà vu un renard bondir. Il n'était pas sans savoir que présentement, lui et Tempête étaient à une distance d'un bond avant de se retrouver à la portée de leurs mâchoires.

— C'est vrai?   Je me demande pourquoi.

Épaule à épaule, d'égal à égal, Étoile Foudroyante avait entouré son apprenti avec sa queue, un geste, il remarqua avec neutralité, qui ne lui fut pas réciproqué.

— D'où je me tiens, tu ne connais aucun des miens.

Par Rinkisha!

« C'est vrai? Je me demande pourquoi. » Le contact avait quelque chose de rassurant. Cette épaule contre la sienne, un geste qu'il avait toujours refusé à son père, qu'il accordait au père de sa mère. Il lui autorisait cette proximité par tout le respect qu'il avait envers lui, cette fascination mêlée de confiance.

Lui, il ne le laisserait pas un de ses chatons se débrouiller au milieux du clan après une vilaine blessure.

« D'où je me tiens, tu ne connais aucun des miens. » Et Nuage de Tempête hocha la tête. Il n'était pas à l'aise dans l'expression physique de son affection pour les autres, mais les gestes de son nouveau mentor le mettait en confiance, le rassurait et l'invitait à parler librement.

Alors, s'il n'enroula pas sa queue autours de lui, celle de Foudre lui donna la sensation d'avoir le droit de ne pas essayer de mettre les formes.
De toute façon, il ne savait pas le faire.

« Je sais. Je ne te connais pas du tout, en fait- J'ai un bref aperçu parce qu'on est de la même famille, je crois. » Il sembla pensif, sembla réfléchir un peu en observant la forêt. Il avait la sensation d'être si haut, au sommet du monde- Alors qu'il n'était pas à quelque mètres du sol. Mais voilà, il était calme, véritablement calme.

« Mais je ne veux pas les découvrir. Je pense que ça m'apporterait rien, en fait. Je- Je sais pas comment dire- » Il soupira et rabaissa un peu les yeux vers la neige, ses traces de lutte. « Maman te ressemble. »

Autour d'eux tremblottèrent les branches en claquetant. Au printemps, des nids s'ajouteraient dans les parages. Des oiseaux se mettraient à chanter. Venus les premières neiges la forêt devenait plus calme, silencieuse, laissant plus souvent la place aux hurlements du vent.

— Je sais. Je ne te connais pas du tout, en fait- J'ai un bref aperçu parce qu'on est de la même famille, je crois.
— Crois-moi, être de la même famille n'a rien à y voir, de lui répondre son mentor sur le souffle d'un rire une teinte plus jaune que les précédents.
— Mais je ne veux pas les découvrir, se reprit Tempête.

Cette réflexion à voix haute sortit Étoile Foudroyante des siennes. Il sourcilla.

— Pardon?
— Je pense que ça m'apporterait rien, en fait, poursuivit Tempête. Je- Je sais pas comment dire-

Il baissa les yeux sur la neige, témoignant de la seule marque qui restait de sa bataille contre lui-même. Le reste était dans l'élancement de ses muscles, et dans toute prise de conscience de laquelle il avait tiré, ou non, une leçon.

— Maman te ressemble, il acheva en guise d'explication.

Étoile Foudroyante la battit d'un tic d'oreille.

— Ma Petite Source de joie de vivre me ressemble car c'est moi qui l'ai élevée, Nuage de Tempête. Elle me ressemble parce-que c'est ce que j'ai choisi qu'elle soit, au même titre que c'est ce qu'elle avait accepté d'être.

Inconsciemment, son étreinte se reserra autour des épaules du gamin.

— J'ai nourri sa curiosité pour qu'elle s'intéresse aux autres et à ce qui l'entoure. Et toi tu veux me faire croire que t'emmurer dans ton ignorance te rendra meilleur qu'elle?

Il n'y avait plus d'iris dans ses yeux, que la noirceur de ses pupilles en mydriase renvoyant à son apprenti le portrait non plus d'un chat sympathique mais d'un miroir de toutes les craintes de ceux qui osaient se regarder dedans. Étoile Foudroyante haussa un sourcil, coupant son ronron pour les forcer tout deux à confronter le silence et les branches.

— Très bien.  Ça veut dire que tu te fiches de m'entendre t'expliquer ce qui lui est arrivé de l'autre côté de la Rivière.

Sa queue s'échappa brusquement. Le bengal poussa leur branche de ses postérieurs - elle ploya sous la force, avant de se soulever au rebond lorsqu'il se hissa sur une branche plus haute, s'asseyant les fesses sur ce piédestal que Nuage de Tempête lui insistait d'avoir. Sans honte aucune, Étoile Foudroyante se roula sur le dos, laissant sa queue pendre et chatouiller le bout du nez de l'apprenti.

— Je suppose qu'un jour tu m'enterras avec tout mes savoirs...! Il exagéra un soupir, haussant la voix. Adieu vision et espoirs d'un futur neuf, ci-gît Coup de Foudre, dévoré par les asticots. Bon débarras, seuls ses amants le pleureront, etc, etc.

Il accentua ses mots en roulant du poignet et en gesticulant d'une patte à un public accroché au ciel.

Par Rinkisha!

« Ma Petite Source de joie de vivre me ressemble car c'est moi qui l'ai élevée, Nuage de Tempête. Elle me ressemble parce-que c'est ce que j'ai choisi qu'elle soit, au même titre que c'est ce qu'elle avait accepté d'être. J'ai nourri sa curiosité pour qu'elle s'intéresse aux autres et à ce qui l'entoure. Et toi tu veux me faire croire que t'emmurer dans ton ignorance te rendra meilleur qu'elle ? » Nuage de Tempête tourna vivement la tête vers son mentor. Il l'observa, babillant des débuts de phrases informes et presque à peine murmurer.
Ce n'est pas ce qu'il sous-entendait. Il ne serait jamais meilleur que sa mère, ni meilleur que son grand-père. Il était parfaitement conscient de ses limites, conscient de son incapacité à malaxer son esprit comme pouvait le faire maman.

Et quand son regard croisa les orbes noires qu'étaient à présent les yeux de Foudre, il se tut, bouche-bée. Son reflet lui montra le visage d'un chaton et lui, il observa les paroles de Foudre.

« Très bien. Ça veut dire que tu te fiches de m'entendre t'expliquer ce qui lui est arrivé de l'autre côté de la Rivière. » Etoile Foudroyante se soustraya brutalement à leur étreinte, vif, faisant se lever Tempête de surprise. Il le suivit du regard, paniqué, comme s'il craignait de le voir disparaître pour de bon.
Puis, il leva le nez pour le suivre, au dessus de lui, assit, puis allongé sur cette branche que lui ne pouvait pas encore espérer atteindre.

« Je suppose qu'un jour tu m'enterras avec tout mes savoirs...! Adieu vision et espoirs d'un futur neuf, ci-gît Coup de Foudre, dévoré par les asticots. Bon débarras, seuls ses amants le pleureront, etc, etc. »

Nuage de Tempête fronça les sourcils, soudainement agacé par le comportement de son aîné. Il ne le comprenait pas vraiment et il se sentit attaqué. Alors, il balaya d'un coup de patte furieux sa queue qui venait lui chatouiller le museau, sans même se rendre compte de son coup de sang incontrôlé. Il s'avança vers le tronc-... Puis recula finalement vers l'extrémité de la branche, en marche arrière, dans l'espoir de capter le regard de Foudre.

« Eh ! Ce n'est pas c'que j'ai dit ! Arrêtes ! » Il gronda sans le vouloir, agacé, et ses petites oreilles se glissèrent vers l'arrière. « Je suis curieux !-... Je crois. Et je veux savoir ce qui est arrivé à ma mère quand ces sauvages de la rivière l'ont enlevés ! Mais je... J'ai pas envie de- » Il grimaça et chercha ses mots comme il put. Et, finalement, toujours tendu, il soupira.

« Quand tu connais quelqu'un, tu fais une image. Et chaque fois qu'on vient te dire un nouveau truc, cette image elle tremble. Avant, je voyais Queue de Lézard comme un chat fort et courageux et qui saurait me protéger... Et, maintenant, cette image est morte. Elle existe plus du tout, en fait. C'était... Juste une image, rien de réel. » Il détourna le regard, jetant ce dernier vers l'arrière, confus - et toujours en colère.

« Je sais pas comment dire. »