Les coucous ambrés [avec Étoile Foudroyante]

▬ Guerrière

Les coucous ambrés [avec Étoile Foudroyante] - Page 2 26a1

Les coucous ambrés [avec Étoile Foudroyante] - Page 2 Ph2b

En vérité, Nuage de Feuille n'a jamais douté de son chef. Sur lui, elle n'a jamais porté de véritable jugement ; ses décisions ne l'ont jamais choquée, elle n'a jamais ressenti de désaccord puissant avec ses idées. En fait, il lui a toujours semblé qu'Étoile Foudroyante était un bon chef. Mais elle ne l'a surtout jamais réellement comprit, depuis le début ce personnage qu'on lui peignait comme étant son grand-père l'intriguait. Un grand-père, un chef, surtout une énigme qu'elle ne savait pas comment aborder. Parce que son comportement est atypique, elle est prise par surprise, elle ne sait pas quoi répondre et finalement ; ça lui échappe. Elle l'aime bien au final, Étoile Foudroyante, et elle se dit qu'elle aimerait bien savoir.
Mais en l'instant, elle hurle. Elle lui hurle dessus exactement comme si c'était de sa faute.
Exactement comme si c'était de sa faute si Crinière de Glycine est parti – à la recherche d'une saloperie de chimère. Exactement comme si c'était de sa faute si elle a été emporté par le hibou, si sa mère ne s'est pas occupée d'elle, si Nuageuse Nuit l'a quitté, si son entraînement a été retardé et complexifié, si son blizzard de crâne s'est amplifié, si, si, si, si si si sisisisisisisisisisi.
Si seulement oui, si seulement ça ne s'était pas passé comme ça. Si seulement elle avait été autrement, fait autrement. Peut-être qu'en vérité, si Nuage de Feuille n'était pas Nuage de Feuille tout aurait été si simple.
Est-ce que c'est ça, qu'elle recherche, la simplicité ? C'est simple, c'est facile, de crier sur le premier venu.

En l'instant, c'est un vent si violent qui lui crache dans la tête qu'elle n'entend pas grand chose, sa raison et ses réflexions lui échappent.

« - Tiens donc... Quelque chose me dit que tu n'as pas envie que je sois ici... »

Les yeux de Nuage de Feuille s'écarquillent un peu plus ; elle manque de feuler tandis que lui se gratte innocemment l'oreille. Rien d'autre que le silence étranglé ne s'échappe de cette gorge qui gargouille.

« - J'en serais presque vexé ! »

La rougeur la prend :

C'est un peu comme des crocs qui se saisissent du corps mou. La chair se tranche facilement lorsque l'on vise correctement... et si c'est à la gorge, ça va très vite. Alors Nuage de Feuille se fait saisir directement à la gorge, ça pullule et le gargouillis dégoûtant prend de l'ampleur jusqu'à atteindre un paroxysme qui claque en un son de bec si particulier.

Voilà l'apprentie, dans une posture surprenante ; extrêmement souple – il faut entendre aquatique – mais aussi d'une raideur tremblante. Elle se ratatine sur-elle-même, tellement qu'elle semble perdre une fraction de seconde tout son volume. C'est juste ensuite que ses muscles claquent – comment fait-elle pour ignorer ses blessures ? – et elle s'étire comme un fouet. Le sien est épineux, prêt à trancher. La rage emplit son cœur et masque son visage. Sa patte antérieure droite se tend tellement vite,
Bien sur, qu'elle frappe

Sauf que ça ne fait pas mal. Pas le moins du monde. Le geste est surprenant certes, parce que tellement rapide qu'il en est devenu imprévisible, mais il se contente d'écraser. C'est ça, elle écrase sa patte sans griffes sur l'arcade sourcilière de son chef. En un « pof » quasi risible.
Nuage de Feuille ne sait pas trop comment, mais son attaque s'est arrêtée d'elle-même, la beigne fulgurante est devenue douce caresse et, dès lors qu'elle entre en contact avec lui, un frisson électrique parcourt son corps. Comme si elle s'était chargée d’absorber le coup dans le sien, comme l'éclair traverse chaque chose et se faufile jusqu'à la terre.

Un temps.
Son souffle chaud est tout ce qu'on entend, mais elle ne dit rien, ne bouge plus.

HRP:

◊ Meneur

HRP:

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☆ Les Coucous Ambrés ☆
Lune 40 - [INNONDATION] Saison de LA FLOTTE BORDEL -
ÉTOILE FOUDROYANTE avec NUAGE DE FEUILLE
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C'est l'expérience, quoi. Avant, bien qu'il se doutait du pouvoir des mots, il n'en connaissait pas la force. Sa langue était si affûtée qu'il avait accidentellement poussée deux chattes au suicide.

Maintenant, s'il s'était un peu émoussé avec les années, il n'en demeurait pas moins précis. Il aurait pu dire bien pire à Nuage de Feuille, mais il n'en voyait pas la peine; toute sa vie il s'était chargé de prendre les insultes et les rumeurs qu'on lui jetait à la peau simplement pour protéger celle de ses enfants, dont la mère était guérisseuse. Il ne s'était jamais justifié, acceptant la sentence sans broncher, acceptant d'être vu comme une pute, une tentation, un menteur, un moins que rien...

Se prendre les insultes, se prendre les blessures, Étoile Foudroyante était passé maître dans l'art. Surtout pour les tourner à la dérision, et plus encore pour que cette dérision soit dirigée vers lui. Il ne craignait pas de faire rire, ni qu'on rit de lui, car après tout... Il ne prenait pas le pouvoir de l'humour - caustique, absurde, ou auto-dérisoire - à la légère.

Et c'est ça qui prit Nuage de Feuille de cours.

Si elle avait su pour ses galipettes et ses clowneries, peut-être se sentirait-elle moins embarrassée d'avoir ainsi agi face à un individu qu'elle définissait par son titre, plutôt que sa personne (qui, visiblement, elle ne connaissait pas encore très bien). Pourtant, bien qu'elle s'était recroquevillée toute contre elle-même, elle ne s'était pas couchée pour autant. On peut alors parler de la force d'un ressort, qu'on replie sur lui-même.

Au rebond, sa patte se projette vers son visage et une vie se saisit de son corps en se juxtaposant sur Nuage de Feuille, à la fois victime et agresseur -- ah, alors c'est Étoile Masquée qu'il verra le premier?

Sauf que personne ne lui prend ses yeux.

Quand il en rouvre un, aveuglé momentanément par la poussière qui s'est suspendue, Étoile Foudroyante a le menton rentré dans le cou, les épaules hautes, soumit à toute la longueur de la patte et des coussinets (aux griffes rentrées) qui s'appuie tout contre son arcade sourcilière.

— ... Belle retenue.

C'est sincère, et pour le prouver, il se décrispe, débute le vrombissement d'un ronron dans sa gorge, et rend à la patte un petit coup de la tempe et du front.

— Quand il m'arrive de pleurer, c'est cet oeil que tu touches qui choisit de s'enfler avec des larmes et du pus.

Je ne sais pas pourquoi ça me fait ça.

Ses épaules rebondissent, sur le souffle d'un rire.

— Lorsque vous pleurez, j'ai remarqué que votre corps ne s'en prend pas à vous, mais que vous libérez le sentiment. À moi, ça m'épuise.

Une seule commissure se soulève, rendant à l'apprentie-guerrière un sourire de connivence.

— Je dois y être allergique.

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Merci Volga!!! :keur:

▬ Guerrière

« - … Belle retenue. »

Les yeux de Nuage de Feuille glissent dans celui, à droite, d’Étoile Foudroyante. Plus rien d'autre que la poussière – qu'elles sont jolies ces petites particules – ne bouge dans cet antre étouffante.

« - Quand il m'arrive de pleurer, c'est cet œil que tu touches qui choisit de s'enfler avec des larmes et du pus.
« Je ne sais pas pourquoi ça me fait ça. »

Il ronronnait, puis le voilà qui se met à rire. Et elle, elle ferme simplement cette gueule restée entrouverte ; seule perturbation pour ce corps d'argile statufié.

« - Lorsque vous pleurez, j'ai remarqué que votre corps ne s'en prend pas à vous, mais que vous libérez le sentiment. À moi, ça m'épuise. »

Il ne parle pas d'elle mais du monde. Celui qui tourne sans cesse autours d'eux.
Et Étoile Foudroyante, est-il infiniment seul ?
La colère, la rage intense de Nuage de Feuille... elle emplit toute la pièce derrière elle, elle s'y est légèrement repliée comme l'ours se contorsionne pour rentrer sa graisse dans sa tanière.

« - Je dois y être allergique.
- Ah, qu'elle laisse tomber, rouvrant machinalement sa mâchoire, presque au bon moment pour lui couper la parole, alors, toi aussi, tu pleures. »

Cette phrase était destinée à se teinter de « surprise ». Pourtant, il n'y en a aucune trace dans le ton puisqu'il était plat, sans couleur, vide d'intention ou d'émotion. Là comme ça, Nuage de Feuille se dit qu'elle serait très curieuse de voir ce visage pleurer ; ainsi elle saura quel goût ça peut bien avoir, pour elle. Et si c'est délicieux...

Un petit courant, aérien en quelque sorte, parcourt le dos et semble insuffler le mouvement à nouveau. Elle se débloque, d'abord tout doucement, comme une machine rouillée. La patte de Nuage de Feuille glisse comme si elle était tendre sur la joue d’Étoile Foudroyante puis, retombe, lourdement mais sans bruit. Et elle la retient, pour ne pas qu'elle tombe en avant.
Si elle était allée au bout de son geste, s'il n'avait pas pu l'éviter, il y aurait une nouvelle cicatrice sur ce visage qu'elle scrute sans ménagement. Elle repense à cet affrontement, avec Ciel. C'était il n'y a pas si longtemps. Nuage de Feuille inspire, très fort, remplit ses poumons puis laisse l'air en ressortir par sa gueule ; les battements de son cœur ne tonnent plus contre son poitrail. Ils se contentent de parasiter ses tympans.

« - Excuse-moi. C'est pas facile pour toi non plus. En ce moment. »

Ce n'est pas une supposition, mais une affirmation. Vraie ou fausse elle s'en fiche, n'y pense même pas ; mais pour elle ce sera la vérité.
Elle se retourne d'un coup sec, saccadé, et reste debout. Lui montre son arrière-train, son flanc gauche, le biais gauche de son visage s'il cherche un peu plus loin, dans l'ombre. Son œil est posé dans le vide maintenant, mais il est aussi acéré que celui d'un prédateur nocturne ; sévère, impartiale, impitoyable. La chaleur redescend et une détermination froide s'empare de l'apprentie en pleine croissance.

Ah, sa tempête est redescendue, pour s'enfermer dans sa coquille. Un jour, à force d'être ballotté par vagues et vents, le coquillage s'ouvrira et laissera briller à la vue de tous une perle des plus jolie. Jolie, ronde, parfaitement ronde. De quelle couleur sera-t-elle ?

Sa bouche se pince, lorsqu'elle reprend, à voix basse :

« - Il s'agit de mon frère, Étoile Foudroyante. Haw c'est difficile, de contrôler... »

Elle cherche le mot, en trouve un, ce n'est pas tout à fait exact.

« - … l'ébullition. »

Ça fera l'affaire.
Elle ne cherche pas tellement à « se chercher une excuse correcte et acceptable ». Non, elle dit cela sans arrières pensées.

HRP:

HRP edit:

◊ Meneur

HRP:

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☆ Les Coucous Ambrés ☆
Lune 40 - [INNONDATION] Saison de LA FLOTTE BORDEL -
ÉTOILE FOUDROYANTE avec NUAGE DE FEUILLE
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Ah.

Alors, toi aussi, tu pleures.

Surprenant mais vrai, Étoile Foudroyante se garde de répondre avec les mots, répondant plutôt avec toute l'insouciance d'un haussement des épaules. Bien sûr qu'il pleure, bien sûr qu'il crie, bien sûr qu'il peut être en colère. S'il est incapable de feuler, ça ne signifie pas qu'il est incapable de ressentir le sentiment qui les pousse, eux tous, à le faire. Il en va de même pour pleurer.

...C'est juste que ces émotions émoussées ne présentent aucun bénéfice.

La patte contre sa tempe glisse, tendrement, à sa joue, et sa tête suit le mouvement en s'inclinant afin de faire durer le moment. Il se termine un peu sèchement lorsque la patte retombe en avant. Nuage de Feuille a suffisamment de présence pour s'éviter de basculer en avant. Dommage: si elle s'était déséquilibrée, il aurait pu la réceptionner par un câlin.

Lui faucher la patte pour provoquer l'opportunité ne serait pas vraiment fair-play.

— Excuse-moi. C'est pas facile pour toi non plus. En ce moment.
— Ha ha. Tu es pardonnée, qu'il lui répond, au diapason de son affirmation.

Il ne prend rien de ses insultes à coeur, mais il ne prend pas sa mine-de-rien à la légère, non plus. Il est content, quelque part, que sa petite combine ait fonctionné sur elle. Elle se détourne de lui - sans doute pour lui épargner une seconde montée de colère - et il la laisse faire, sans lever l'arrière train ou même pencher sa tête. Elle a, hélas, toute son attention, l'aube lui dorant sa silhouette d'un halo sur les poils.

— Il s'agit de mon frère, Étoile Foudroyante. Haw c'est difficile, de contrôler... elle cherche son mot; il attend simplement qu'elle le trouve.

— … l'ébullition.

L'image a le mérite d'être nette. Étoile Foudroyante fait mine de détourner la tête, et regarder les rayons qui se faufilent entre les ronceraies de la palissade du campement. Les ombres qui y poussent sont familières, comme un voile protecteur sur leur Clan. Sa queue s'agite - non pour onduler, mais pour se recourber à ses pattes.

— Oui, c'est ce que je me suis dit.

L'antre des guérisseurs accueille le souvenir d'un Coup de Foudre, puis d'un autre, puis d'un troisième, tous à différents moments de sa vie. Il se dispute avec Fifi; il pleure dos à dos à Amour-en-Cage; il se hâte au chevet de Rossignol.

Étoile Foudroyante secoue doucement sa tête.

— Fifi était partie chasser. Je ne sais pas pourquoi. Elle venait de mettre bas.

Quand ils me l'ont ramenée, je n'étais plus... Il tique de la langue. J'étais à la fois au-dessus d'une flaque, et coincé dans son reflet. Dans deux époques.

Les souvenirs sont perforés d'insectes. Les insectes grouillent sur le corps d'Étoile de Suie, et s'agitent sous sa propre épiderme. Sa queue fouette au sol pour les chasser. La vision se dissipe - pour l'instant.

— J'ai pourchassé Mouche dans les branches. Je ne pensais qu'à faire taire son imbécile de corbeau domestique. Je ne voulais plus l'entendre.

Et puis, j'ai glissé.

Mon fils m'a rattrapé, son oiseau a croassé, on s'est retrouvés à la cime, à regarder les Salopes... À cet instant, j'aurais bien pu foutre le feu à la forêt.

Il ne lui cache pas le sourire qu'il mort entre des dents carnassières, vestiges d'un joli-coeur hors-la-loi et vadrouilleur. J'aurais du.

Mais il ne l'avait pas fait. Étoile Masquée l'avait promu lieutenant (car il lui avait "promis", et non car il croyait en ses capacités) et suivant les conséquences de sa maladie, eh bien...

— ... Et c'est pour ça que je suis venu te voir, Nuage de Feuille. Ou, si tu préfères, c'est pour ça que celui qui est venu te voir, c'est moi.

Pour parler. Pour se faire mordre, déchiqueter, tuer, même. S'il lui en prenait l'envie, il la laisserait à cœur joie - les Étoiles savent que peines et colères incommensurables transforment même le plus grand prêcheur pacifiste en bête sans contrôle. Exactement comme la faim.

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▬ Guerrière

« - Oui, c'est ce que je me suis dit. »

Simplement, calmement. C'est cela, sa voix est calme, elle n'est jamais montée, ni descendue, pas une seule fois. Nuage de Feuille le désir ce calme, elle voudrait que tout dans l'absolu le plus total, soit calme. Voire même muet ; quoi qu'elle accepterait bien quelques murmures, secrets et à peine audibles.
Au dehors, chante la mésange. L'oreille de la chatte se tourne vers elle ; ça tire sa tête et elle l'observe. L'oiseau gazouille joyeusement derrière son chef, légèrement à gauche. Elle s'envole.
L'attention de l'apprentie remonte sur Étoile Foudroyante. Il semble ailleurs, dans ses pensées tout à coup.

« - Fifi était partie chasser. Je ne sais pas pourquoi. Elle venait de mettre bas. »

Nuage de Feuille cligne des yeux, au ralentit. Les liens se font, puisqu'il n'est pas difficile de comprendre qu'il parle de Firmament. Certes elle n'a jamais connu cette chatte, mais elle a entendu nombre de rumeurs à son sujet et, surtout, se souvient très bien de cette histoire qu'on lui a conté. Celle d'une chatte, partie chassée pour ses petits qui venaient de naître, dont le cadavre a été ramené déchiqueté – par des chiens, à ce qu'on dit.
L'apprentie se dit qu'elle s'en contrefout, royalement. Pourtant, elle ne l'interrompt pas.
Elle l'écoute, comme elle écoutait les histoires des anciens quand elle était enfant, cachée dans son bouquet d'herbes folles avec Nuit.

« - Quand ils me l'ont ramenée, je n'étais plus... s'arrête-il un instant, sa langue tique et elle l'entend, ça fait frétiller son oreille. J'étais à la fois au-dessus d'une flaque, et coincé dans son reflet. Dans deux époques. »

Quelque chose trouble un petit instant sa vision. Elle se rend bien compte que ses pattes tremblent mais, en même temps, c'est comme s'il ne se passait rien du tout. La queue d’Étoile Foudroyante se replie, se tend ; fouette le sol.

« - J'ai pourchassé Mouche dans les branches. Je ne pensais qu'à faire taire son imbécile de corbeau domestique. Je ne voulais plus l'entendre.
« Et puis, j'ai glissé.
« Mon fils m'a rattrapé, son oiseau a croassé, on s'est retrouvés à la cime, à regarder les Salopes... À cet instant, j'aurais bien pu foutre le feu à la forêt. J'aurais du, qu'il révèle en un sourire mordant, joliment serti d'une canine, qu'elle aurait apprécié en tant normal. »

Elle souffle, en un « mph » inaudible, qu'elle seule peut entendre. Ah ça... peut-être qu'il dû. Peut-être qu'il aurait pu. Elle ne le jugerait pas.

« - ... Et c'est pour ça que je suis venu te voir, Nuage de Feuille. Ou, si tu préfères, c'est pour ça que celui qui est venu te voir, c'est moi. »

Ses oreilles se redressent un peu plus, comme si elle était plus concentrée, comme si elle oubliait, l'espace d'une seconde, que son cerveau n'est attaché qu'à une seule chose inoubliable. Nuage de Feuille le fixait, mais voilà que ses yeux coulent, vers le sol ; pensifs, à leur tour.
Elle ne sait pas vraiment pourquoi, mais ces histoires ne la surprennent pas tellement. Pourtant, elle vient d'apprendre l'existence d'un autre fils à Étoile Foudroyante. Mais ça ne lui fait ni chaud ni froid.
Quel est le sens derrière tout ça au final ? Sont-ils censés se comprendre, accrochés et le cul tendu sur la même branche, à égalité entre le précipice et cette cime qu'il évoquait ? Au moins, elle a le sentiment de ne pas avoir besoin de s'expliquer. D'expliquer ce qu'il se passe, au creux de son cœur ou celui de son estomac. C'est une bonne chose, voilà tout.
Elle se retourne vers lui, on aurait pu croire qu'elle allait s'approcher à nouveau. Mais non, elle s'allonge, met fin aux tremblements de ses longues, si longues pattes. Son visage sans couleur ne dit rien, absolument rien, et ses yeux froids de toutes lueurs ne font plus sens.
Doucement, en un soupir :

« - Un jour, peut-être, nous brûlerons le monde ensemble. »

Voilà tout.
La forêt est devenue monde.

◊ Meneur

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— Nan.

Comme elle s'est couchée, lui-même en profite pour s'étirer le dos en avançant ses antérieurs, rabaissant les coudes, rentrant les épaules, et ressortant toute la courbe de ses postérieurs et de sa queue. Un râle d'effort lui échappe, et il secoue sa tête, s'abaissant à la hauteur de la blessée en se nouant en rare petite miche de chat marbrée.

Ses pattes se replient sous son corps, maximisant la circulation de chaleur. Il dodeline même la tête en rentrant à nouveau le menton dans le cou, prenant ses aises.

— Je me suis promis de ne jamais laisser les émotions - les miennes, ou les vôtres - anéantir le potentiel de la vie.

Il m'en reste six.

Le bengal bâilla, à peine touché par la lourdeur de sa proposition.

— Si nous perdons ton frère comme on a perdu Brisé, Touffu, et la Moustache, venges-toi sur moi. Il ne la regarde plus, fermant ses yeux en simulant une expression au repos. ...Je ne sers qu'à ça, dernièrement.

Au lieu d'être utilisé pour baiser, on l'utilisait pour tuer... Le principe restait le même; son corps souffrait du supplice qu'on lui infligeait, et, malgré lui, Étoile Foudroyante ne pouvait s'empêcher d'en tirer un demi-plaisir masochiste.

Après tout, ne dit-on pas que les goûts se complexifient, en vieillissant?

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▬ Guerrière

« - Nan. »

Elle n'y réagit pas, se contente de le dévisager et il s'étire longuement, abaisse la ligne de son regard pour l'aligner à la sienne. Maintenant allongé lui aussi, le soleil fait luire son pelage, sur son postérieur. Nuage de Feuille a envie de sourire quand elle se rend compte qu'il lui bloque l'entrée – la sortie – depuis tout ce temps. Mais ses lèvres ne bougent pas.

« - Je me suis promis de ne jamais laisser les émotions - les miennes, ou les vôtres - anéantir le potentiel de la vie.
« Il m'en reste six. »

Feuille penche la tête et son corps décide de suivre lentement le mouvement. Sur le flanc, elle s'étale, sa joue s'écrase sur le sol plissant légèrement son œil droit.

« - Si nous perdons ton frère comme on a perdu Brisé, Touffu, et la Moustache, venges-toi sur moi. »

N'a-t-elle pas faillis le faire, déjà ? Non, bien sur que non. Elle n'a fait que le toucher, après tout, pas de quoi en faire une histoire.

« - … Je ne sers qu'à ça, dernièrement. »

Un son un peu étrange, une sorte de craquement étouffé, s'échappe de son nez. Puis ça s'amplifie et se transforme et voici un rire, grave et sincère, qu'elle n'avait jamais entendu. Ça secoue ses épaules, ses bandages se craquellent un petit peu. Nuage de Feuille rit, à gorge déployée, et elle n'aurait jamais imaginé être capable de rire dans un moment pareil. Alors ris ! Continue à rire, souris encore et encore ! Ris parce que dès demain, lorsque plus rien ne bloquera cette sortie, la bestiole sale derrière toi repassera sa patte dans la lumière ! Sa respiration lourde, tu l'entends encore et ses griffes crissent d'impatience dans la terre !

Lorsqu'elle se calme, Feuille redresse sa queue en un arc au-dessus d'elle, se serre du plumeau pour essuyer la larme qui perlait au coin de son œil.

« - Et bien quoi, tu voudrais une autre caresse ? Si ce n'est que ça, il suffit de demander ♪ »

Son sourire finit par s'affaisser. Ah, cet éclat, il n'a pas duré longtemps ; son visage redevient bien terne pour une si jeune demoiselle.
En un souffle elle demande, sans le quitter un instant des yeux – à l’affût :

« - Haw dis-moi. Que se passera-t-il si Glycine ne revient jamais ? »

Un frisson lui parcourt le pelage. Oh oui, l'un comme l'autre... ils savent très bien qu'il existe un monde où il ne reviendra jamais.

◊ Meneur

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Il s'était attendu à un ricanement peut-être, pas une esclaffée subite, et surtout pas aussi bruyante! Pourtant, malgré la matinée qui amplifie les sons et les émotions, tout ce qu'il fait est sourire en retour, rebondissant des épaules dans un miroir de rire sous-cape, la laissant prendre tout l'espace qu'il faut à sa voix et à la surprise qu'engendre l'irruption de son propre rire. Car s'il est une surprise, au début, elle s'en complaît comme pour se venger, riant à gorge déployée, aussi féroce qu'une bête de la forêt, avant de s'en remettre et de se calmer - au point tel qu'elle doive s'essuyer une larme, au coin de l'oeil.

— Et bien quoi, tu voudrais une autre caresse ? Si ce n'est que ça, il suffit de demander ♪
— "Voudrais" n'est pas le mot que j'utiliserais, lui renvoie le bengal, haussant un sourcil aussi incrédule que gentiment réprobateur.

Lui-même s'affadit un peu, mais il le fait de concert avec elle, de sorte à ce que leurs couleurs - ou plutôt, leur décoloration - se fait ensemble, par support mutuel.

Il rouvre un oeil en sentant les siens se figer sur sa personne.
— Haw dis-moi. Que se passera-t-il si Glycine ne revient jamais ?
— Hmm...

C'est une bonne question. Il prend quelques instants à Étoile Foudroyante avant d'y répondre, sourcillant à toutes les pensées qui se sont bousculées en même temps par tous les coins de sa tête. Heureusement, elles n'ont pas le temps de trouver sa bouche qu'il les a déjà ficelées en une explication abstraite, oui, mais quand même imagée.

— Alors tu te perdras à l'envers dans la flaque. Et je ne sais pas combien de larmes tu devras verser avant de te rendre compte que tu es coincée dans le reflet, mais... L'autre oeil s'ouvre, se pose sur elle, lui rend son intensité avec douceur. Je t'aiderai autant que je le peux à t'en extraire. Que tu me le permettes ou non.

Il grimaça, pinçant momentanément ses dents sur sa langue.

— La compassion ne m'est pas toujours... facile à comprendre, mais j'ai eu de bons retours sur ma méthode, depuis le temps. Un haussement d'épaules, mais pas assez pour sortir une patte d'où elle est lovée sous son corps. 'Paraît qu'ma tête cassée est un atout, dans ces moments tendus. Personnellement, je crois qu'il y a encore matière à l'améliorer.

T'en penses quoi?

Il s'assura de ne pas se perdre trop profondément dans son rôle d'Idiot du campement en décochant exagérément un clin d’œil à sa complice.

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▬ Guerrière

« - Hmm... »

L'espace d'un instant, Nuage de Feuille imagine un univers dans lequel il serait incapable de répondre. S'il n'y a pas de réponse, qu'est-ce qu'elle fera ? Elle n'en sait trop rien. Il serait aisé de passer au-dessus de ce corps, de s'en aller, de l'ignorer.
Mais il répond.

« - Alors tu te perdras à l'envers dans la flaque. Et je ne sais pas combien de larmes tu devras verser avant de te rendre compte que tu es coincée dans le reflet, mais... Je t'aiderai autant que je le peux à t'en extraire. Que tu me le permettes ou non. »

Douceur et gentillesse, hein. Feuille n'est pas certaine d'en avoir envie. Elle a presque envie de lui demander de se taire.

« - La compassion ne m'est pas toujours... facile à comprendre, mais j'ai eu de bons retours sur ma méthode, depuis le temps, qu'il explique en se pinçant la langue, avant de hausser ses épaules désinvoltes. 'Paraît qu'ma tête cassée est un atout, dans ces moments tendus. Personnellement, je crois qu'il y a encore matière à l'améliorer.
« T'en penses quoi ? »

Étoile Foudroyante lui adresse un clin d’œil auquel elle répond d'un simple clignement des paupières. « Penser »...

« - Haw... souffle-t-elle. Je ne sais pas. »

Sa voix devient douce, lorsqu'elle ferme les yeux avec difficulté. Avec douleur, peut-être, parce qu'elle sent son cœur qui se serre violemment tout à coup.

« - Je ne sais pas ce que je pense. Je ne sais plus faire. Là tout de suite je ne sais vraiment pas. »

Un tressautement lui prend les épaules, il provoque un mouvement ; ses yeux se ferment et elle se resserre sur elle-même, repliant un peu ses pattes. À-même le sol, sa queue vient entourer son corps meurtri en un cercle parfait.

« - Je ne sais pas ce que je pense, ni ce que je ressens pour de vrai, ni ce qu'il se passe autours de moi, ni pourquoi Glycine est devenu comme ça, ni pourquoi il m'a abandonné. »

Pourtant, elle sait pertinemment qu'elle est responsable. Totalement et pleinement responsable.
Ses grosses pattes viennent cacher son visage, appuyer dessus comme elle a appuyé sur celle d’Étoile Foudroyante. En position fœtale elle devient pathétique, petite et dérisoire, illustrant finalement la désolation infiniment que provoque la disparition d'un être aimé.

« - Pourquoi je suis comme ça en fait ? Est-ce que je suis vraiment... une bête noire ? »

Elle n'a aucune larme à masquer, mais elle n'a pas envie d'être vue.
Tempête avait peut-être raison à son sujet.

« - Mon papa... il ne me reste que lui. Il va m'abandonner, lui aussi ? Qu'est-ce que je vais faire ? »

Toi, pas grand chose sans doute. Mais tu peux aller te noyer dans la flaque.

◊ Meneur

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Elle ne sait pas ce qu'elle en pense. Oh - il l'a perdue? D'un côté, ce n'est pas très surprenant: son humour ne va pas à la cheville de la taille de toute la tristesse qui envahit la sœur qui a perdu son frère.

Il a une pensée, momentanée, pour Coeur Brisé, à qui il manque éperdument à Ciel.

— Je ne sais pas ce que je pense. Je ne sais plus faire. Là tout de suite je ne sais vraiment pas.

Étoile Foudroyante ferme les deux yeux, comme un chêne attendant le passage de la tempête. Tout près il entend l'apprentie-guerrière se mouver, se recroqueviller sur elle-même, se coucher sur le flanc et se cacher dans sa queue. Lui-même ne dénoue pas sa miche, complètement immobile, parfaitement conscient de lui bloquer aussi impunément la seule sortie entre l'antre dans laquelle elle est confinée et le monde de possibilités où il lui serait possible (ou non) de retrouver Crinière de Glycine.

— Je ne sais pas ce que je pense, ni ce que je ressens pour de vrai, ni ce qu'il se passe autours de moi, ni pourquoi Glycine est devenu comme ça, ni pourquoi il m'a abandonné.
— . . .

Il n'en sait rien non plus.

À dire vrai, il n'a jamais compris cet espèce de va et vient mélodramatique entre Feuille et lui, toutefois, il se doute que leurs émotions sont si puissantes qu'un rien ne les a emportés dans ces circonstances. Qui sait si Glycine ne cultive pas ses propres épines de ronces dans un coin de sa tête, à l'insu de toute sa famille.

— Pourquoi je suis comme ça en fait ? Est-ce que je suis vraiment... une bête noire ?
— ...? L'intonation d'une question lui échappe de la gorge, tout comme se plisse sa paupière même en la maintenant fermée. Une bête noire? ... Aux dernières nouvelles, elle était rousse, non?
— Mon papa... il ne me reste que lui. Il va m'abandonner, lui aussi ? Qu'est-ce que je vais faire ?

Il rouvre un oeil, puis l'autre.

— Te reposer, lui dit-il, sobre.

Reprendre des forces.

Tu es en colère, mais tu as frôlé la mort. Tu n'es pas complètement tirée d'affaire.

Qu'elle le comprenne quant à sa raison de lui bloquer l'accès à des impulsions stupides. Étoile Foudroyante avait simplement appris de ses erreurs.

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